LA RUE ROUGE (Scarlet Street) est un film réalisé par Fritz Lang.
Le scénario est écrit par Dudley Nichols, d'après le roman et la pièce La Chienne de Georges de la Fouchardière et André Mouèzy-Eon. La photographie est signée Milton Krasner. La musique est composée par Hans J. Salter.
Dans les rôles principaux, on trouve : Edward G. Robinson (Christopher "Chris" Cross), Joan Bennett (Katherine "Kitty" March), Dan Duryea (Johnny Prince), Margaret Lindsay (Millie Ray), Rosalind Ivan (Adele Cross).
Chris Cross et Kitty March
(Edward G. Robinson et Joan Bennett)
(Edward G. Robinson et Joan Bennett)
Chris Cross est caissier dans une banque et marié à l'acariâtre Adele. Pour se distraire, il s'adonne à la peinture sans talent mais avec coeur. Un soir, après un dîner organisé par le directeur de la banque, Chris croit sauver Kitty March qui se querellait avec son amant, Johnny Prince.
Johnny Prince et Kitty March
(Dan Duryea et Joan Bennett)
(Dan Duryea et Joan Bennett)
Amoureux de Kitty, Chris tombe dans le piège qu'elle lui tend avec Johnny pour lui soutirer de l'argent parce qu'elle croit qu'il est un artiste côté. Elle lui fait louer un bel appartement où il peut entreposer ses toiles et où elle peut loger tout en étant entretenue.
Kitty et Chris
Chris est obligé de voler dans la caisse de la banque tandis que Johnny revend en douce ses tableaux. Un critique d'art renommé les remarque et les recommande à un riche marchand d'art qui est prêt à les acquérir au prix fort. Johnny leur fait alors croire que Kitty en est l'auteur.
Johnny, Chris et Kitty
Cependant, Chris cherche à se séparer d'Adele et son souhait se réalise quand le premier mari de celle-ci, un policier présumé mort en tentant de sauver une jeune femme de la noyade, réapparaît et lui propose de retourner auprès de son épouse contre de l'argent. Chris accepte ce marché tout en piégeant le revenant en l'attirant dans l'appartement d'Adele alors qu'il lui a fait croire qu'elle est était absente.
Kitty et Chris
Chris demande à Kitty de lui expliquer comment ses toiles se retrouvent exposées dans une galerie d'art, comme le lui avait appris Adele auparavant. Elle lui raconte les avoir vendues en les signant parce qu'elle avait besoin d'argent mais n'avait pas osé lui en réclamer encore. Il lui pardonne, trop heureux à la fois d'être libéré d'Adele et d'apprendre que ses peintures valent si cher, même si personne ne saura jamais qu'il les a réalisées.
Kitty et Johnny
Toutefois, la situation dégénère lorsque Chris surprend Kitty embrassant Johnny et comprend qu'elle s'est jouée de lui depuis le début. Il revient à l'appartement dans la soirée mais elle se moque de lui et de ses sentiments. S'emparant d'un pic à glace emprunté au marchand par Johnny, il la tue sauvagement avant de s'éclipser sans que Prince, ivre, ne le remarque.
Kitty et Chris
Johnny est arrêté par la police et condamné à mort pour le meurtre de Kitty. Chris est, peu après, renvoyé de la banque où ses vols ont été découverts. Il finira dans la rue, après avoir tenté de se suicider, toujours hanté par les morts de Kitty et Johnny.
Ce remake de La Chienne de Jean Renoir (1931) est le premier long métrage sorti par Diana Productions, structure fondée par Fritz Lang, Joan Bennett et son mari Walter Wangler (qui l'administre), suite au succès critique et public de La Femme au portrait (première collaboration entre le cinéaste et l'actrice l'année précédente).
Contrairement à la femme du peuple chez Renoir, Kitty est ici une prostituée de luxe (même si ce n'est jamais clairement formulé, censure oblige), sans scrupules et avide, qui entraîne Chris dans une tragédie sans issue, en accord avec l'homme qu'elle aime vraiment, son souteneur-protecteur, Johnny.
On note que le nom du héros malheureux, Chris Cross (Criss-Cross), singifie le "croisé", une allusion symbolique et ironique sur son attitude morale en zig-zag dans l'existence : c'est un être faible, abusé, mais aussi influençable, soumis - qui subit les brimades de son épouse mais aussi la domination de sa maîtresse, comme en témoigne cette extraordinaire scène où il lui vernit les ongles de pieds. "Ce sera ton chef d'oeuvre." murmure-t-elle alors avec une cruauté cynique.
Il est par ailleurs étonnant de voir comme le personnage de Cross prolonge celui de Walter Wanley, le héros de La Femme au portrait - parce que les deux sont interprétés, génialement, par Edward G. Robinson, qu'ils entretiennent tous les deux un rapport trouble avec la peinture (rapport évoquant celui du comédien dans sa vraie vie puisqu'il était un grand collectionneur dont les tableaux décoraient sa villa de Beverly Hills).
Dan Duryea est aussi de retour : il joue, magistralement, un filou qui, bien qu'innocent du crime dont il sera accusé, finira sur la chaise électrique. Le Code Hays, qui définissait les éléments à censurer, ne trouva rien à redire à cette injustice pourtant, peut-être parce que l'acteur interprète un personnage assez méprisable avant cela pour susciter auprès du public une punition exemplaire.
Enfin, Joan Bennett est fabuleuse en créature vénale que son jeu expressif et subtil rend odieuse et séduisante à la fois : on comprend qu'elle fasse tourner la tête d'un homme d'âge mûr, timide mais trop heureux de se croire aimé par une femme plus jeune que lui quand il est à son domicile sans cesse humilié par son épouse.
Cette vision très noire de l'humanité ne pouvait que plaire à Lang : chaque protagoniste entraîne les autres par sa veulerie dans son sillon. La morale du cinéaste est claire : chacun mérite le malheur que le sort lui réserve parce qu'il a été trop naïf ou trop manipulateur. Chris n'est pas qu'une victime, c'est aussi un menteur (qui n'avouera que tardivement à Kitty n'être pas un artiste célèbre et fortuné), au même titre que Kitty (qui l'abuse en lui faisant croire qu'elle tient à lui) et Johnny (qui se fait passer pour un simple ami de Kitty).
La mise en scène souligne froidement, sans état d'âmes, à la manière objective qu'appréciait Lang, les conséquences de ces tromperies cumulées (Kitty sera tuée, Chris sombrera dans la misère et la folie, Johnny sera exécuté pour un crime dont il est innocent). Cette façon de considérer le récit tranche radicalement avec celle de Renoir (où Michel Simon n'éprouve aucun remords après le meurtre de sa maîtresse) mais ici le coupable écope de la pire des peines - intime, éternelle, irrévocable. Glaçant mais impressionnant.
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