mercredi 21 décembre 2016

SEULS SONT LES INDOMPTES, de David Miller (1962)


SEULS SONT LES INDOMPTES (Lonely Are The Brave) est un film réalisé par David Miller.
Le scénario est écrit par Dalton Trumbo, d'après le roman The Brave Cowboy de Edward Abbey. La photographie est signée Philip H. Lathrop. La musique est composée par Jerry Goldsmith.

Dans les rôles principaux, on trouve : Kirk Douglas (John W. Burns), Walter Matthau (shérif Morey Johnson), Gena Rowlands (Jerry Bondi), Michael Kane (Paul Bondi), George Kennedy (Gutierrez), Carroll O'Connor (le camionneur).
 John W. Burns
(Kirk Douglas)

John W. Burns est un cowboy itinérant qui dresse des chevaux sauvages et vit en marge de la société moderne. Il se déplace ainsi avec sa jument Whisky, sans papiers d'identité, et se dirige vers le Nouveau-Mexique où il retrouve une amie, Jerry Bondi. 
Jerry Bondi et John W. Burns (de dos)
(Gena Rowlands et Kirk Douglas)

Le mari de Jerry, qui est le meilleur ami de John, vient d'être condamné à deux ans d'emprisonnement pour avoir aidée des travailleurs clandestins. John entreprend alors de le faire s'évader.
John W. Burns

Pour cela, il doit lui-même se faire incarcérer et provoque donc une bagarre contre un ancien combattant dans un bar puis contre les agents de police venus l'arrêter. Il écope d'une peine d'un an ferme, dans le même pénitencier que Paul. Très vite, il s'attire l'inimitié d'un maton brutal, Gutierrez, mais, la nuit venue, grâce à une petite scie à métaux cachée dans une de ses bottes, il se met à découper un barreau de la cellule qu'il partage avec son ami et trois indiens. Sur le point de s'évader, Paul choisit pourtant de rester pour purger sa peine et convainc John de partir seul.
Le shérif Morey Johnson
(Walter Watthau)

Le shérif Morey Johnson est rapidement prévenu de l'affaire dont il reçoit un signalement et à qui on transmet son dossier et l'ordre de l'arrêter. John récupère sa jument chez Jerry qui lui prépare des vivres et lui souhaite bonne chance, avant de le laisser filer en direction des montagnes.
John W. Burns

John veut franchir la frontière mexicaine mais Johnson fait quadriller avec des policiers à terre et dans les airs toute la zone. Le shérif a eu le temps d'éplucher les antécédents de Burns, décoré durant la guerre en Corée mais aussi souvent rappelé à l'ordre pour indiscipline. Un hélicoptère survole les montagnes et repère le fuyard, mais le cowboy tire à la carabine sur le stabilisateur de l'appareil et le force à se poser en catastrophe.
Gutierrez
(George Kennedy)

Gutierrez, le maton, se joint à la traque mais John le surprend, le désarme et l'assomme. Il grimpe difficilement jusqu'au sommet de la montagne et réussit in extremis à franchir un passage après lequel il s'enfonce dans une forêt. Mais un tir de la police l'a blessé à la cheville droite. Il confectionne une attelle de fortune avec la crosse de sa carabine et poursuit son chemin tandis que Johnson ordonne le repli de ses hommes puisque le fugitif n'est plus dans sa juridiction.
John W. Burns

A la nuit tombée, sous une pluie battante, Burns et sa jument n'ont plus qu'à traverser l'autoroute 66 de Tijeras. Mais un camionneur les percute. Johnson arrive sur place et commande à son adjoint d'achever la jument tandis qu'une ambulance embarque Burns, dont le seul le chapeau gît sur la route.

Avant toute autre considération, Lonely are the Brave est le film préféré de Kirk Douglas. En 1962, sa carrière est toujours florissante et il convainc facilement le studio Universal de financer ce long métrage pourtant atypique.

La tâche est d'autant plus délicate que Douglas a confié l'adaptation du roman d'Edward Abbey (connu pour ses convictions écologistes) à son ami scénariste Dalton Trumbo, toujours sur la liste noire, mais qu'il avait imposé en 1960 pour signer le script de Spartacus (Stanley Kubrick), un de ses rôles majeurs.

Universal veut rebaptiser l'histoire The Last Hero, ce qui déplaît à Douglas, tout comme il désapprouvera ensuite le fait que le sutdio exploite le film comme un western. Ce récit tient à coeur à la star car il reprend un thème récurrent dans sa filmographie, celui d'un individu qui cherche sa place dans une société qu'il ne reconnaît plus. Pas question donc qu'on en détourne le message.

Cette intransigeance va rendre le tournage difficile : bien qu'il ait choisi David Miller pour le diriger, l'acteur lui rendra la vie difficile à plusieurs reprises, au point, dit-on, que Douglas l'aurait quelquefois remplacé derrière la caméra. Quoi qu'il en soit, le résultat est superbe visuellement, grâce à la photo de Philip H. Lathrop, dont le noir et blanc saisit les grands espaces à la manière de gravures et contribue à traduire l'intemporalité de cette ballade tragique. Lors de sa sortie, désirant se faire une toile, le président John Fitzgerald Kennedy, sur le conseils de son épouse Jackie, se fit projeter en séance privée à la Maison Blanche Seuls sont les indomptés et en apprécia particulièrement le mélange de brutalité et de poésie.

La même année, en 1962, sortit également L'Homme qui tua Liberty Valance de John Ford qui, comme l'oeuvre de Miller, participa à la démythification de la conquête de l'Ouest. Mais ici, le sujet est traité de manière plus discrète, indirecte, métaphorique, via son farouche (anti) héros, qui fait songer à la figure du "Marlboro Man", un cavalier quasi-suicidaire, enfermé en lui-même puisqu'il refuse de s'ouvrir au monde qui l'entoure tel qu'il est devenu. John W. Burns ne déclare-t-il pas à Jerry Bondi (jouée par Gena Rowlands, avant qu'elle ne devienne la muse de John Cassavettes) qu'"un indompté est comme un infirme. Il ne vit heureux qu'avec lui-même."

Dépassé, le personnage l'est par tout : les autoroutes ont remplacé les sentiers ; les voitures, les avions et les camions les chevaux et les chariots ; et les lois (incarnées par le shérif Johnson, interprété par Walter Matthau, dont on devine que s'il veut arrêter le fuyard, il éprouve aussi une franche sympathie pour son utopie) sont comme des carcans pour celui qui n'a plus d'autre option que de se dissoudre dans un paysage mythique mais en proie à des mutations profondes et irréversibles.

Ironiquement, Burns cherche à s'échapper avec une jument aussi peu docile que lui. L'échec de son évasion est suggéré dès le début avec ce subplot impliquant le camionneur dont on ne saisit d'abord pas trop pourquoi il nous est présenté puis dont on pressent le rôle fatidique. Mais si la fin est amère, ce n'est pas tant pour le triste sort du héros (rien n'indique qu'il succombe à l'accident) que pour la déconvenue véritable qu'il subit : la leçon qu'apprend John W. Burns, c'est qu'il faut apprendre à perdre pour être libre, pour apprécier le prix de la liberté. Cette précieuse nuance donne au film une émotion poignante.  

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