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jeudi 1 décembre 2016

OUTSIDERS, de Francis Ford Coppola (1983)


OUTSIDERS (The Outsiders) est un film réalisé par Francis Ford Coppola.
Le scénario est écrit par Kathleen Knutsen Rowell, d'après le roman de S.E. Hinton. La photographie est signée Stephen H. Burum. La musique est composée par Carmine Coppola.

Dans les rôles principaux, on trouve : C. Thomas Howell (Ponyboy Curtis), Ralph Macchio (Johnny Cade), Matt Dillon (Dallas Winston), Diane Lane (Cherry Valance), Patrick Swayze (Darrel Curtis), Rob Lowe (Sodapop Curtis), Emilio Estevez (Two-Bit Matthews), Tom Cruise (Steve Randle), Michelle Meyrick (Marcia). 
Dallas Winston, Cherry Valance et Marcia
(Matt Dillon, Diane Lane et Michelle Meyrick)

1965. Tulsa, Oklahoma. Les "Greasers" sont une bande d'adolescents issue de la classe ouvrière et rivale de celle des "Socs", venant des quartiers bourgeois. Deux membres des "Socs" surprennent, un soir, au drive-in, Ponyboy Curtis, Johnny Cade et Dallas Winston des "Greasers" en train de parler avec Cherry Valance et son amie Marcia, deux filles de bonne famille. Cherry sympathise avec Ponyboy et essaie de lui faire comprendre que tous les "Socs" ne sont pas ses ennemis.
Johnny Cade, Dallas Winston et Ponyboy Curtis
(Ralph Macchio, Matt Dillon et C. Thomas Howell)

Mais, plus tard cette nuit-là, Ponyboy et Johnny sont violemment agressés par Bob, Randy et deux autres "Socs". Pour se défendre et aider Ponyboy, Johnny poignarde Bob. Désemparés, les deux garçons rejoignent le bar fréquenté par Dallas à qui ils demandent de l'aide.  Celui-ci leur conseille de grimper à bord d'un train de marchandises et d'aller se cacher dans l'église abandonnée de Windrixville pour échapper à la police. 
Ponyboy Curtis et Johnny Cade

Là-bas, les deux garçons se coupent les cheveux afin de masquer leur signalement. Pour passer le temps, Ponyboy lit Autant en emporte le vent à Johnny, pauvre grosse maltraité par ses parents alcooliques. Dallas les rejoint et leur explique que Cherry Valance est prête à témoigner en leur faveur. Ils vont manger dans un fast-food voisin puis reviennent à l'église après que Johnny ait décidé de se rendre à la police.  
Ponyboy et Johnny

Le bâtiment est la proie d'un incendie et, au péril de leur vie, Ponyboy, Dallas et surtout Johnny sauvent plusieurs enfants restés à l'intérieur dans le cadre d'une visite scolaire. Gravement brûlé, Johnny est hospitalisé mais la presse locale loue le courage des trois garçons. Cependant les "Socs" réclament vengeance pour la mort de Bob et organisent un affrontement contre les "Greasers" le soir même. Ponyboy s'y rend avec ses deux frères aînés, Darrel et Sodapop, et leurs amis, Two-Bit Matthews et Steve Randle. 
Two-Bit Matthews, Sodapop Curtis, Ponyboy Curtis, Darrel Curtis et Steve Randle
(Emilio Estevez, Rob Lowe, C. Thomas Howell, Patrick Swayze et Tom Cruise)

Dallas se joint à la bagarre au dernier moment et participe à la victoire de sa bande contre toute attente. Ponyboy et Dallas vont l'annoncer à Johnny à l'hôpital mais il succombe à ses blessures. Désespéré, Dallas braque un drugstore, prend la fuite, appelle les Curtis à l'aide mais la police l'abat. 
Les frères Curtis : Darrel, Ponyboy et Sodapop
(Patrick Swayze, C. Thomas Howell et Rob Lowe)

Ponyboy n'est finalement pas poursuivi pour la mort de Bob et les services sociaux le laissentaux soins de ses deux frères. En feuilletant l'exemplaire d'Autant en emporte le vent qu'il avait offert à Johnny, il découvre une lettre écrite par son ami pour lui et Dallas dans laquelle il estime que cela valait la peine de se sacrifier pour sauver les enfants dans l'église : cette pensée inspire Ponyboy pour la rédaction qu'il doit écrire et qu'il dédie à Johnny et Dallas. 
Two-Bit Matthews, Sodapop Curtis, Ponyboy Curtis, Dallas Winston,
Johnny Cade, Darrel Curtis et Steve Randle

Ruiné et démotivé après l'échec de Coup de coeur, Francis Ford Coppola accepte de porter à l'écran Outsiders, le roman de S.E. Hinton, après que Jo Ellen Missakian, une libraire, et les élèves du collège "Lone Star Elementary" de Fresno (Californie) lui ont adressé une lettre pour lui demander de l'adapter.

Il confie la rédaction du script à Kathleen Knutsen Rowell et choisit, par nécessité économique, de tourner successivement The Outsiders et Rusty James, dans lequel il dirigera plusieurs acteurs attachés aux deux projets - Matt Dillon, Diane Lane et Glenn Withrow. Il auditionne de nombreux autres débutants - Emilio Estevez (le fils de Martin Sheen, le héros d'Apocalypse Now), Patrick Swayze, Rob Lowe, Tom Cruise (le seul de la bande qui connaîtra une grande carrière), C. Thomas Howell et Ralph Macchio - que la presse surnommera le "Brat Pack" en référence au "Rat Pack" formé par Frank Sinatra, Dean Martin, Sammy Davis Jr. et Peter Lawford.

Le tournage a lieu sur les lieux de l'action, mais a évité de justesse une tragédie car, pour la scène de l'incendie de l'église, les flammes trop attisées deviennent incontrôlables.

A sa sortie, le film est accueilli tièdement par la critique qui lui reprochent son esthétisme rétro, ses personnages stéréotypés. Pourtant, les années aidant, l'oeuvre sera réévaluée et justement saluée pour sa représentation réaliste des adolescents pauvres des années 60, sa vision naturaliste et romanesque à la fois : c'est effectivement une des rares fois où Hollywood a abordé la jeunesse issue de la classe ouvrière et dépeint la lutte (à la fois sociale et physique) des classes via les rivalités entre bandes avec une telle honnêteté. Pour Coppola, qui prend clairement parti pour ces gamins des rues, c'est certainement une métaphore de sa propre situation alors : il a tout perdu et aspire, sans trop y croire, à retrouver la reconnaissance.

Dans ce tableau, les parents, démissionnaires ou brutaux, sont hors champ : seuls sont montrés les enfants livrés à eux-mêmes, souffrant du déclassement et des violences des nantis. Les personnages réagissent diversement à ces épreuves affectives et sociales : Ponyboy, sensible et intelligent, devine que ces guerres claniques sont sans issue ; Johnny, écorché vif, se suicidera dans un geste héroïque pour échapper à sa condition misérable ; Dallas, crâneur mais attachant, ne supportera pas la mort de son ami qu'il interprète comme l'injustice de trop. Face à eux, Cherry Valance incarne une fille de bonne famille qui tente d'apaiser Ponyboy tout en déplorant l'inévitable tragédie qui s'annonce.

Le casting est superbe, chacun de ses jeunes interprètes est sensationnel, mais C. Thomas Howell, Matt Dillon et Ralph Macchio (bouleversant - qui n'a pas la gorge serrée lors de sa mort est vraiment insensible) dominent le lot. Et la toute jeune Diane Lane, en quelques scènes, est magnifique, jolie comme un coeur, et incarnant la voix de la raison avec subtilité.

En 2005, Coppola ajoutera dans l'édition en DVD une copie restaurée du film, agrémentée d'une vingtaine de minutes d'images inédites, développant la relation entre Ponyboy et ses frères, Cherry, et Johnny, et explicitant les tensions entre les deux gangs. Mais la version originale se suffit amplement à elle-même.

Enfin, si la musique est composée par Carmine Coppola, Outsiders bénéficie aussi d'une sublime chanson inédite écrite et chantée par Stevie Wonder, Stay Gold, dont le message résume impeccablement la morale de ce conte magnifiquement photographié. Le long métrage inspirera même un prequel sous la forme d'une série télé, qui n'a duré qu'une saison, en 1990.

mercredi 30 novembre 2016

RUSTY JAMES, de Francis Ford Coppola (1983)


RUSTY JAMES (Rumble Fish) est un film réalisé par Francis Ford Coppola.
Le scénario est écrit par Francis Ford Coppola et S.E. Hinton, d'après son roman Rumble Fish. La photographie est signée Stephen H. Burum. La musique est composée par Stewart Copeland.

Dans les rôles principaux, on trouve : Matt Dillon (Rusty James), Mickey Rourke (le "Motorcycle Boy"), Diane Lane  (Patty), Nicolas Cage (Smokey), Dennis Hopper (le père James), William Smith (agent Patterson).
 Rusty James
(Matt Dillon)

Tulsa, Oklahoma. Rusty James, accompagné par ses amis - Smokey, B.J. et Steve - , va affronter Biff Wilcox, le chef d'une bande rivale. Il s'agit de perpétuer la légende du frère aîné de Rusty, le "Motorcycle Boy", qui avait fait cesser ces combats entre gangs mais qui a quitté la ville depuis deux mois.
le "Motorcycle Boy"
(Mickey Rourke)

La bagarre est spectaculaire mais Rusty la remporte jusqu'à ce que le "Motorcycle Boy" resurgisse. Profitant de cette distraction, Biff taillade Rusty à l'abdomen et le "Motorcycle Boy" envoie sa moto percuter Wilcox avant d'évacuer son frère pour le soigner. Partiellement sourd et daltonien, il lui raconte être parti en Californie à la recherche de leur mère tandis que leur père est devenu alcoolique. Mais ce voyage l'a changé : il est devenu mélancolique et ne veut être mêlé à ces querelles de voyous.
Patty
(Diane Lane)

Rusty retrouve Patty, sa petite amie, sage et très belle lycéenne, qui se donne à lui en espérant qu'il cesse de jouer les caïds. Désinvolte, le jeune homme la trompe la nuit suivante lors d'une sortie avec des amis et d'autres filles. Son infidélité est vite dévoilée - Rusty apprendra plus tard que c'est son ami Smokey qui l'a dénoncé pour séduire Patty - mais Rusty, crânement, choisit de se passer de sa fiancée puisqu'elle ne veut plus le voir.
L'agent Patterson, Rusty James et le "Motorcycle Boy"
(William Smith, Matt Dillon et Mickey Rourke)

Tout en errant dans la ville avec son frère aîné, Rusty remarque que l'agent de police Patterson les suit : il veut depuis longtemps arrêter le "Motorcycle Boy" et le provoque en cherchant à le démythifier. 
Rusty James et son frère

Le "Motorcycle Boy" est désormais trop épris de liberté et soucieux d'être tranquille pour répondre aux allégations du policier. Il cherche à expliquer à Rusty que vouloir lui succéder comme chef de gang ne le conduira nulle part, mais ce dernier continue de fantasmer sur le règne passé de son aîné. 
Le "Motorcycle Boy", son père et son frère, Rusty James
(Mickey Rourke, Dennis Hopper et Matt Dillon)

Le père des James, dont les réflexions sont troublées par l'alcool, ne tranche pas dans cette situation. Le "Motorcycle Boy" projette sa névrose à travers les poissons d'un aquarium chez un animalier et qu'il rêve de libérer en les replongeant dans la rivière voisine. Une nuit, n'y tenant plus, il force la porte de la boutique et ouvre toutes les cages puis embarque l'aquarium.  
Le "Motorcycle Boy", Rusty James et les poissons en couleurs

L'agent Patterson saisit cette occasion pour abattre le "Motorcycle Boy". Bouleversé, Rusty enfourche la moto de son frère et quitte la ville. Il gagne la Californie, jusqu'à la mer, et profite su soleil au milieu d'une nuée d'oiseaux volant au-dessus de la plage.

Après l'échec ruineux de Coup de coeur (1982), Francis Ford Coppola doit, pour éponger ses dettes, vendre American Zoetrope, son studio. Il accepte également de tourner des films de commande à petit budget, en commençant par une adaptation de Outsiders d'après le roman de S.E. Hinton.

Ce long métrage révélera toute une troupe de jeunes comédiens, parmi lesquels on trouve notamment Tom Cruise (le seul du lot qui fera une carrière digne de ce nom, encore au sommet aujourd'hui). L'expérience revigore le réalisateur qui décide d'enchaîner aussitôt après avec une autre transposition cinématographique de Hinton et une partie de cette bande d'acteurs.

Il collabore donc à nouveau avec le romancier pour rédiger le script tiré de Rumble Fish, qu'il conçoit comme une version moderne de La Fureur de vivre (Nicholas Ray, 1955). C'est aussi et surtout l'occasion de rendre hommage à son frère aîné, August, son "meilleur professeur" (comme il le désigne dans la dédicace du film), à travers la relation qu'entretient Rusty James avec le "Motorcycle Boy" (dont le prénom n'est jamais prononcé dans l'histoire, mais dont le surnom orne les murs de Tulsa avec cette inscription mythologique : "The Motorcycle Boy reigns").

Le scénario est rédigé les Dimanches durant les prises de vue d'Outsiders et Coppola le désigne à Matt Dillon et Mickey Rourke, qui sont amis dans la vie. Le tournage débute et se déroule rapidement, en deux mois. Coppola engage le chorégraphe du Ballet de San Francisco, Michael Smuin, pour régler les scènes de combat ainsi que la danse lascive entre les personnages de Rourke et de Diana Scarwid (à la fête foraine), inspirée par le numéro de William Holden et Kim Novak dans Pique-nique (Joshua Logan, 1955).

Le cinéaste réussit à convaincre la production de filmer en noir et blanc car il veut reproduire l'esthétique des vieux films muets de  Friedrich Wilhelm Murnau (Nosferatu) et Robert Wiene (Le Cabinet du Dr. Caligari). Il ambitionne d'en faire un "prototype visuel" avec des compositions exagérées, des angles de vue décalés, une lumière tour à tour ouatée et fortement contrastée à la manière du cinéma expressionniste allemand, et cadre souvent caméra à l'épaule (pour traduire le mal-être des personnages).

Pour la scène où Rusty, après avoir été tabassé par deux voleurs, flotte au-dessus de son corps et différents endroits où il est connu (le bar, la maison de Patty), Matt Dillon est pris dans un moule de son corps déplacé par un bras articulé télécommandé. De même, lorsque le "Motorcycle Boy" et son cadet observent les poissons dans l'aquarium, le chef opérateur filme d'abord les deux acteurs en noir et blanc puis les poissons en couleurs avant de projeter les images en couleurs par dessus celles en noir et blanc. L'effet est saisissant, mais surtout très poétique.

Le récit, lui, traite, à la manière d'une rêverie, du temps qui passe, qui fait et défait une légende, de l'héritage, de la fraternité. Pour cela, Coppola, avec l'accord de Hinton, a pris des libertés avec le roman original en supprimant les flash-backs, en rendant les motivations du comportement suicidaire du "Motorcycle Boy" moins explicites. Il modifie aussi la fin : dans le livre, Rusty est arrêté par la police après la mort de son frère et retrouve son ami Steve en Californie cinq ans plus tard.

Remarquable pour son look hybride et avant-gardiste, Rusty James crée avec cette histoire de frères maudits par la réputation de l'aîné une figure de héros inoubliable qui a fait de Mickey Rourke le comédien américain le plus prometteur de sa génération, mais qui comme son alter ego s'auto-détruira. Ce prolongement de la fiction dans la réalité rend encore plus troublant cette oeuvre atypique, attachante et envoûtante qui, si elle fut un échec commercial en Amérique (à peine 2,5 millions de dollars de recettes pour un budget de dix), fut saluée par la critique et célébrée en France, notamment, comme un poème aussi délicat que brillant.

lundi 28 novembre 2016

COTTON CLUB, de Francis Ford Coppola (1984)


COTTON CLUB (The Cotton Club) est un film réalisé par Francis Ford Coppola.
Le scénario est écrit par William Kennedy, Francis Ford Coppola et Mario Puzzo, d'après les récits de James Haskins. La photographie est signée Stephen Goldblatt. La musique est composée par John Barry.

Dans les rôles principaux, on trouve : Richard Gere (Michael "Dixie" Dwyer), Diane Lane (Vera Cicero), Gregory Hines (Delbert "Sandman" Williams), Lonette McKee (Lila Rose Oliver), James Remar (Dwight Schultz, "le Hollandais"), Bob Hoskins (Owen Madden), Nicolas Cage (Vincent Dwyer), Fred Gwynne ("Frenchie" Demange), Jennifer Grey (Patsy Dwyer), Joe Dallessandro ("Lucky" Luciano).
 Michael "Dixie" Dwyer
(Richard Gere)

1928. Harlem, New York. Michael "Dixie" Dwyer est le seul musicien blanc, jouant du cornet, dans un groupe de jazz. Il sauve, sans savoir de qui il s'agit, le gangster Dwight Schultz, dit "le Hollandais", d'une tentative d'attentat par des rivaux de la pègre irlandaise.
 Dwight Schultz "le Hollandais"
(James Remar)

Pour Vincent, le frère cadet de "Dixie", c'est là une opportunité d'entrer dans le cercle des partenaires de Schultz et de faire fortune en rackettant les noirs du quartier. 
Delbert "Sandman" Williams
(Gregory Hines)

A la même période, deux danseurs noirs justement, Delbert et Clayton Williams auditionnent au "Cotton Club" pour un numéro de claquettes mais seul le premier est engagé. Il croise ensuite une chanteuse blanche, Lila Rose Oliver, dont il tombe aussitôt amoureux sans réussir à lui parler.
Vera Cicero
(Diane Lane)

Redevable à "Dixie", Schultz lui confie comme mission de veiller et distraire Vera Cicero, sa protégée : ils se détestent ostensiblement -elle ricanant de l'appréhension du musicien à côtoyer des malfrats, lui méprisant son rôle de "poule de luxe" pour "le Hollandais" - mais leur attirance réciproque est toute aussi évidente.
Owen Madden
(Bob Hoskins)

Cependant, Owen Madden négocie une trêve, précaire, avec Schultz qui renonce à des représailles contre les irlandais mais tue quand même leur chef. Delbert revoit Lila au "Cotton Club" et la courtise mais le patron de l'établissement désapprouve ce rapprochement entre un "nègre" et une blanche, même si le danseur surnommé "Sandman" éblouit le public sur scène.
Lila Rose Oliver
(Lonette McKee)

La passion orageuse entre "Dixie" et Vera finit par une nuit d'amour. Au courant de tout, Madden offre au musicien de le libérer de Schultz en en faisant une vedette du cinéma parlant : il jouera à l'écran des gangsters pour les rendre plus sympathiques. Mais Vera refuse de le suivre après qu'il ait passé des essais ayant convaincu les producteurs. Pendant ce temps, le racket continue à Harlem et exacerbe les tensions entre communautés.  
Vincent Dwyer
(Nicolas Cage)

1929. Le gouvernement instaure la Prohibition et la pègre réagit en organisant clandestinement le trafic d'alcool. Avec l'appui financier de Schultz, Vera ouvre son propre club où "Dixie", désormais star de cinéma, s'affiche avec Madden, ce qui provoque l'ire du "Hollandais", trahi par Dwyer. Vincent, son frère, réclame par ailleurs au gangster une part plus importante sur le racket - sans succès. Delbert retrouve Lila au "Vera's Club" où elle chante, accompagnée par "Dixie". Ils finissent la nuit dans un hôtel où, pour avoir une chambre d'habitude refusée aux couples mixtes, Lila avoue qu'elle est en vérité une métisse. 
"Dixie" Dwyer

Une guerre des gangs éclate entre Schultz et Vincent qui riposte en tuant le bras droit du "Hollandais" puis en kidnappant "Frenchie" Demange, le second de Madden, qui a refusé de prendre parti. Madden confie à "Dixie" la rançon (50 000 $) réclamée par son frère et le musicien conseille à son cadet de quitter la ville au plus vite. Il ignore, à tort, cet avis et se fait abattre peu après par les sbires de Madden. 
Vera Cicero et Dwight Schultz

1930. Le "Cotton Club" est à son apogée : Cab Calloway se produit devant des stars comme Charles Cahplin et James Cagney? Dans une loge, "Lucky" Luciano et Owen Madden scellent le sort de Dwight Schultz, trop incontrôlable, et que "Dixie" sépare de Vera. "Le Hollandais" sera exécuté la nuit même après avoir été expulsé du club, alors qu'il préparait une vendetta. Au moment de sa mort, Delbert accomplit un fantastique numéro de claquettes devant le public et Lila. 
Vera et "Dixie"

"Dixie" tente une dernière fois de convaincre Vera de tout quitter pour le suivre. Madden se rend à la police après s'être préparé une détention confortable et brève au pénitencier de Sing-Sing. Delbert épouse Lila. "Dixie" rejoint son train, Vera l'attend sur le quai, finalement prête à rester avec lui.

Le projet du film est initié par le producteur-nabab Robert Evans (à qui on doit, entre autres, Chinatown, de Roman Polanski, en 1974) : il a lu les récits de James Haskins sur l'histoire du mythique cabaret du "Cotton Club" et souhaite en tirer un film d'époque capable de rivaliser avec les grands classiques de l'âge d'or de Hollywood.

Il charge William Kennedy d'en rédiger une adaptation et engage Francis Ford Coppola, qui vient d'enregistrer deux jolis petits succès avec Outsiders et Rusty James (1983) mais cherche encore le film qui lui rendra son prestige. L'auteur du Parrain, l'écrivain Mario Puzzo, se joint à eux.

Mais entre l'ambition démesurée d'Evans et les exigences de Coppola, le budget gonfle rapidement. Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse ! Le spectacle doit être total et comme aucun comédien n'est une star, tout est fait pour que le film y corresponde.

Chacun donnera de sa personne dans cette folle entreprise : révélé par les succès de American Gigolo (Paul Schrader, 1980) et Officier et gentleman (Taylor Hackford, 1982), Richard Gere, avec une fine moustache rappelant Douglas Fairbanks et Clark Gable, apprend à jouer du cornet et Gregory Hines répète ses numéros de claquettes. Ils réalisent de vraies performances à l'écran, dignes de professionnels aguerris. Diane Lane retrouve Coppola après qu'il l'ait dirigée dans Rumble Fish.

Le tournage sera tendu à cause du dépassement des frais. A sa sortie, le film est tièdement accueilli par la critique et boudé par le public. Ce nouvel échec mine Coppola et ruine Evans. Un verdict injuste, même si le résultat est imparfait.

Là où le bât blesse, c'est au niveau du scénario : construit en trois actes, le récit manque de souffle et souffre d'une dernière partie, chronologiquement resserrée mais manquant curieusement d'intensité à force de multiplier les actions simultanées (Cab Calloway chantant Minnie the mooche, le dernier coup d'éclat de Schultz, le numéro de claquettes de "Sandman", l'exécution du "Hollandais", la valse-hésitation sentimentale de Vera et "Dixie", la succession de Madden par "Lucky" Luciano, les noces de Delbert et Lila - cette dernière étant le personnage le moins bien développé de tout le film).

Il est évident que jamais les visions de Evans, Kennedy, Puzzo et Coppola n'ont été alignées : le producteur a été visiblement obsédé par le faste de l'histoire, le scénariste par l'accumulation des faits fictifs et réels (une idée malheureuse qui ne fonctionne jamais à cause du manque de définition de la relation entre Vera et Schultz), l'écrivain ne parvenant jamais à réécrire une saga mafieuse aussi ample que Le Parrain, et le réalisateur devant composer avec ses délires visuels (le film étant effectivement magnifiquement formellement) et l'inégalité du script.

Là où Coppola est le plus à l'aise, c'est quand il peut s'affranchir de la réalité : ainsi suggère-t-il finement la romance contrariée à cause de la ségrégation entre Delbert et Lila, et on devine ce qu'il aurait pu tirer de l'attraction-répulsion entre Vera et "Dixie" s'il n'avait pas dû accorder autant de place aux luttes de pouvoir entre Schultz et Madden. De même, quand il filme les jam sessions de "Dixie" ou les fantastiques numéros de claquettes de "Sandman", Cotton Club décolle de manière jubilatoire.

En fait, si le scénario s'était contenté de parler de la musique, de la vie du cabaret, et des amours tumultueuses de ses héros imaginaires, cela aurait amplement suffi et abouti à un résultat plus fluide et un format sans doute plus ramassé (le film dure 2 heures 10 et n'en finit pas de finir).

Malgré tout, grâce au glamour du couple Gere-Lane, ce grand film malade ne manque pas d'une qualité qui fait souvent défaut à ce genre de projet : bien qu'inégal, quel panache ! 

samedi 26 novembre 2016

LES RUES DE FEU, de Walter Hill (1984)


LES RUES DE FEU (Streets of Fire) est un film réalisé par Walter Hill.
Le scénario est écrit par Walter Hill et Larry Gross. La photographie est signée Andrew Laszlo. La musique est composée par Ry Cooder.

Dans les rôles principaux, on trouve : Diane Lane (Ellen Aim), Michael Paré (Tom Cody), Willem Dafoe (Raven Shaddock), Amy Madigan (McCoy), Rick Moranis (Billy Fish), Richard Lawson (officier Ed Price).
Ellen Aim et The Attackers
(Diane Lane)

Dans "un autre temps, un autre lieu" indéterminés, la chanteuse Ellen Aim et son groupe de rock, The Attackers, donne un concert devant un public déchaîné. Soudain, le gang des Bombers mené par leur chef Raven Shaddock surgit et enlève la jeune femme.
Raven Shaddock
(Willem Dafoe)

Témoin de la scène, Reva Cody, barmaid du "Blackhawk", demande à son frère, Tom, un soldat récemment démobilisé et ancien amant d'Ellen, de sauver Ellen. Mais il rechigne à agir puisqu'elle l'a quitté pour vivre avec son manager, Billy Fish. Le jeune homme est alors interpellé par McCoy, une ancienne militaire comme lui, prête à l'aider dans cette mission. Ils partent à la rencontre de Billy Fish et l'embarquent pour gagner le repaire des Bombers. 
Tom Cody, Billy Fish et McCoy
(Michael Paré, Rick Moranis et Amy Madigan)

En route, le trio se procure des armes. Attendant que la nuit tombe pour agir, McCoy pénètre dans le club "Torchie" pour localiser où Raven retient Ellen tandis que Tom grimpe sur le toit de l'immeuble voisin pour avoir une vue d'ensemble sur la zone. Il aperçoit alors Ellen, les poignets attachés aux barreaux d'un lit, et elle le remarque aussi à travers la fenêtre de sa chambre. Pendant ce temps, Billy attend dans sa voiture au coin de la rue, prêt à démarrer dès que l'équipe reparaîtra.
McCoy
(Amy Madigan)

Pour faire diversion, Tom tire sur des réservoirs de gaz et sur les motos du gang. A l'intérieur du club, ces explosions sèment la panique et McCoy profite du chaos pour couvrir Tom qui est allé libérer Ellen. Raven promet aux intrus qu'il les retrouvera et qu'il se vengera. Rejoignant Billy, Tom, Ellen et McCoy prennent la fuite.
Ellen Aim (au centre) et Billy Fish (à sa gauche)
(Diane Lane et Rick Moranis)

Ils abandonnent la voiture pour prendre le métro : durant le trajet, Ellen apprend que Tom a accepté de la secourir pour de l'argent et non par amour. Une fois à son hôtel, Billy paie Tom mais celui-ci ne prend que la part promise à McCoy et jette le reste des billets à la figure du manager avec mépris. Ellen le rattrape dans la rue et l'embrasse sous la pluie battante.
Ellen Aim et Tom Cody
(Diane Lane et Michael Paré)

Cependant, Raven informe le chef du département de police, Ed Price, qu'il souhaite rencontrer Tom pour l'affronter en duel -  s'il gagne, il récupérera Ellen, sinon le chef de gang s'engage à quitter le quartier. Price recommande à Tom, en lui transmettant le message, de quitter la ville. Le jeune homme monte dans un train avec Ellen avant de l'assommer et de la confier à McCoy. Il rejoint la rue où Raven l'attend et l'affronte devant ses hommes et les habitants du quartier venus en renfort de l'officier Price. Mais Cody réussit à vaincre son adversaire, qui, comme convenu, se retire avec son gang.
Tom Cody
(Michael Paré)

Plus tard, Ellen se prépare à remonter sur scène. Tom lui fait ses adieux tout en lui promettant de toujours être là si elle a besoin de lui. Elle rejoint son groupe et commence son concert tandis que Cody s'éloigne, accompagné par McCoy.
Ellen Aim et les Sorels

L'idée originale de Streets of Fire vient à Walter Hill pendant le tournage de 48 heures (1982) : c'est la chanson du même titre (issu du LP Darkness on the edge on town) de Bruce Springsteen (à qui il voudra ensuite la composition de la bande-son, mais le "boss" sera alors accaparé par le succès de son album Born in the USA) qui l'a inspiré. Pour le cinéaste, il s'agit de réaliser le film de ses rêves, un hommage aux séries noirs et aux comics de sa jeunesse.

Hill rédige avec son co-scénariste Larry Gross un traitement de dix pages qu'il soumet aux producteurs Lawrence Gordon et Joel Silver qui convainquent Universal de financer cette "fable rock'n'roll". Pour pouvoir tourner les nombreuses scènes nocturnes de cette histoire même en pleine journée, il est convenu de tout filmer en studio et d'immenses plateaux sont mis à dispositions de Hill et son équipe technique.

Le casting débute : le script est proposé à Paul McCartney pour le rôle du chanteur kidnappé par le gang des Bombers, mais l'ex-Beatles décline l'offre pour d'autres projets. Joel Silver a repéré la toute jeune (18 ans) Diane Lane dans Rusty James (Francis Ford Coppola, 1983) et persuade Hill de lui faire passer un essai. Elle s'y rend vêtue comme une rockeuse, pantalons en cuir, top en résilles, bottes de motarde, et impressionne le réalisateur qui accepte de réécrire le personnage pour le féminiser. Même si elle sera doublée vocalement (par un mixage des voix de Laurie Sargent et Holly Sherwood) pour les scènes de concert, elle est effectivement épatante, évidemment très belle mais aussi pleine d'énergie.

Amy Madigan obtient aussi que Hill revoie sa copie pour jouer le rôle de McCoy prévu initialement pour un homme - le résultat donne une composition mémorable mais très crédible où la comédienne est impeccable en "tomboy" dur-à-cuire et fort en gueule.

Malgré les efforts de ses producteurs et son insistance, Hill n'arrivera cependant pas à recruter Tom Cruise (lui aussi révélé un an auparavant, dans Outsiders, de Coppola) pour camper Tom Cody, mais il impose un autre débutant avec Michael Paré, vu dans Philadelphia Experiment. Il est un parfait mélange de séduction et de rudesse. Cody aurait dû d'ailleurs être le héros d'une trilogie mais l'échec commercial des Rues de feu condamnera cette ambition.

Car cet opus ne fonctionnera pas auprès du public ni de la critique, déroutés par cet ensemble de polar et de bande dessinée. Le tournage sera d'ailleurs houleux : comme son personnage du manager Billy Fish, Rick Moranis, dans un contre-emploi pour lui qui vient de la comédie, se montre odieux avec Hill et Paré. Ce dernier n'est pas non plus ménagé par son metteur en scène qui multiplie les prises pour le pousser à nuancer son jeu (de fait, il est assez inexpressif, ce qui l'empêchera sûrement ensuite d'accéder à des rôles plus importants et au statut de star). Ces tensions démoralisent le reste du casting et de l'équipe technique, mais servent finalement le film.

Malgré des codes esthétiques empruntés au polar et à la BD (jusque dans les transitions à la manière de balayages donnant l'impression de pages qu'on tourne - l'illusion est poussée jusque dans le son !), la construction du film se réfère en vérité franchement au western : pour s'en convaincre, il suffit d'imaginer des indiens ou des bandits à la place du gang des Bombers (mené par Willem Dafoe, recommandé par Kathryn Bigelow, et qui donne à son personnage un charisme démoniaque fabuleux), de remplacer les voitures et motos par des chevaux, et on se croirait au far-west. Tom Cody est lui-même un ancien soldat, revenu d'une guerre jamais nommé (on peut aussi bien penser au Vietnam qu'à la guerre de sécession qui se poursuivrait dans les rues de la ville), et manie une carabine Winchester, tandis qu'Ellen Aim évoque une chanteuse de saloon capturée puis délivrée par le héros avec son sidekick.

Plus ambigu est le rôle de McCoy dans la mesure où il est incarné par une femme, ce qui trouble sa relation avec Cody : l'aide-t-elle par amitié ? Par amour ? Par attirance pour Ellen ? Ou par goût de la guerre ? Mais cela contribue aussi à l'originalité du projet.

Les Rues de feu renvoie d'ailleurs aussi à la guérilla urbaine, vue et racontée avec des emprunts aux années 30 (le look de hobo de Cody), 50 (les bikers de Raven Shaddock et les habitants de quartier de Richmond) et 80 (avec les néons fluo). Mais ce cocktail, loin d'être indigeste, est ce qui confère toute sa singularité et sa modernité au film, emballé sur un rythme soutenu, des acteurs énergiques, une histoire divertissante, sentimentale et efficace.

lundi 21 novembre 2016

MAN OF STEEL, de Zack Snyder (2013)


MAN OF STEEL est un film réalisé par Zack Snyder
Le scénario est écrit par David S. Goyer, d'après une histoire imaginée par lui-même et Christopher Nolan, adaptée du personnage de Superman créé par Jerry Siegel et Joe Shuster. La photographie est signée Amir Mokri. La musique est composée par Hans Zimmer.

Dans les rôles principaux, on trouve : Henry Cavill (Clark Kent/Kal-El/Superman), Amy Adams (Lois Lane), Michael Shannon (Zod), Lawrence Fishburne (Perry White), Russel Crowe (Jor-El), Kevin Costner (Jonathan Kent), Diane Lane (Martha Kent).

La planète Krypton, jadis couronnée de gloire pour ses nombreuses conquêtes spatiales, est aujourd'hui condamnée car ses régents ont épuisé ses ressources naturelles et ont perverti le système par des expériences eugéniques. Seul Jor-El, notable et savant, met en garde ses dirigeants contre ces dérives et la fin proche, mais il est ignoré. 
Le général Zod tente un coup d'état pour préserver l'élite de leur monde, mais Jor-El refuse de le soutenir dans cette manoeuvre. Zod est arrêté et condamné à l'exil dans la zone fantôme, une poche spatio-temporelle, avec ses acolytes.
Pour assurer la survie de son fils unique, Kal-El, Jor-El le place dans une capsule en injectant dans le corps du nourrisson le codex (un ensemble de données contenant toutes les gènes des kryptoniens) et l'envoie en direction d'une planète lointaine mais habitée : la Terre. Krypton se meurt et implose.  
Jor-El
(Russel Crowe)

Les années passent. Kal-El est désormais un homme de 33 ans qui sillonne la Terre en vivant de boulots ingrats dans des régions hostiles. Doté de pouvoirs hors du commun des mortels, il disparaît dès qu'il en use pour se reconvertir ailleurs. On comprend qu'il apprend encore à maîtriser ses capacités surhumaines qui lui permettent de voir à travers les objets, d'entendre tout, de projeter des rayons thermiques par les yeux, de faire de prodigieux bonds, en plus d'une force colossale.
Clark Kent/Kal-El
(Henry Cavill)

Ces qualités qui sont autant d'handicaps pour s'intégrer ont gâché son enfance et son adolescence, durant lesquelles il a été souvent moqué et persécuté par d'autres enfants, malgré l'amour de ses parents adoptifs, un couple de fermiers formé par Martha Kent et Jonathan Kent (qui trouvera la mort dans des circonstances dramatiques, après une dispute avec son "fils" - dispute à l'origine de son errance actuelle).
Jonathan et Martha Kent
(Kevin Costner et Diane Lane)

Toutefois, Clark parcourt le monde avec un autre objectif : depuis que Jonathan Kent lui a montré des années plus tôt la capsule spatiale dans laquelle il a été trouvé, il cherche d'autres traces susceptibles de provenir de Krypton. C'est ainsi que dans le Grand Nord, alors qu'il travaille parmi des scientifiques et des militaires, il découvre, pris dans les glaces, un vaisseau bien plus grand avec un dispositif lui donnant accès à des messages enregistrés par Jor-El. 
Superman
(Henry Cavill)

C'est aussi dans cet endroit qu'il fait la connaissance de la reporter du "Daily Planet", Lois Lane, qui apprend qu'il est un extra-terrestre - sur lequel elle va mener une enquête ensuite.
Lois Lane
(Amy Adams)

Clark/Kal comprend, grâce aux Mémoires de son père, qu'il tient ses pouvoirs des différences énergétiques entre Krypton et la Terre et que, grâce à cela, il peut devenir le protecteur et le guide de son monde d'adoption, en revêtant l'habit et le blason de ses ancêtres.
Perry White
(Lawrence Fishburne)

Alors que Lois Lane décide de diffuser les informations qu'elle a collectées sur Clark via internet, après que son rédacteur en chef, Perry White, ait refusé de publier son article, et que Martha Kent retrouve son fils qui rentre à Smallville, le général Zod et sa troupe approchent de la Terre (ils ont échappé à la zone fantôme suite à la déflagration causée par l'implosion de Krypton). En parasitant tous les systèmes de communication, il lance un ultimatum : il exige que Kal-El lui soit remis sinon il procédera à de terribles représailles.
Zod
(Michael Shannon)

Lois est arrêtée par l'armée à cause de son article. Cela et la menace de Zod motive Clark à se rendre aux autorités pour qu'il soit livré à Zod. Mais celui-ci lui a tendu un piège et un médecin kryptonien lui impose des examens pour savoir où il a caché le codex. Zod a en effet le projet de transformer la Terre pour en faire une nouvelle Krypton, quitte à exterminer tous les humains qui s'interposeront.
Jor-El et Kal-El

Avec l'aide de Lois et des ultimes messages holographiques de Jor-El, Clark/Kal réussit à échapper à ses ennemis qui le poursuivent et l'affrontent. L'environnement terrestre désoriente les kryptoniens comme leur semblable avant eux et ils battent en retraite. Mais ce n'est qu'un repli stratégique avant une nouvelle offensive plus spectaculaire : déployant deux machines en deux points opposés de la Terre, Zod commence à terraformer la planète pour la rendre habitable par les siens et éliminer ses occupants actuels.
Superman

Superman, comme le surnomment les médias, et l'armée ripostent en détruisant d'abord ces engins. Seul Zod se dresse encore sur la route de Kal-El et leur affrontement sera terrible, causant des dégâts énormes et imposant au héros une décision radicale mais traumatisante pour neutraliser le général. 
Superman et Lois Lane

Je vais être tout à fait franc : n'étant ni un grand fan de Superman, encore moins de Zack Snyder (le réalisateur de ce reboot, après celui en 2006 mis en scène par Bryan Singer), et pire que les deux précédents réunis de Christopher Nolan (producteur et co-scénariste ici), je ne m'étais pas déplacé en salles lors de la sortie de Man of Steel il y a trois ans.

Si je n'aime pas Zack Snyder, c'est parce que celui que certains ont osé présenter (sans rire) comme un "visionnaire" m'a toujours agacé avec ses effets maniérés au possible (abus de ralenti) et ses précédentes adaptations de comics (l'affreux 300, d'après le roman graphique de Frank Miller ; Watchmen ou l'impossible transposition sur grand écran du chef d'oeuvre d'Alan Moore et Dave Gibbons). J'aime encore moins Christopher Nolan, qui représente pour moi la caricature du l'auteur dont les films sont interminables et prétentieux (à l'exception de ses deux premiers opus - The Following/Le suiveur et Memento - mais sinon ses trois Batman et Inception sont imbuvables). Quant à Superman, c'est un personnage qui ne m'inspire pas de mauvais sentiments mais dont j'ai lu trop peu d'histoires passionnantes (hormis Superman : Secret Identity de Kurt Busiek et Stuart Immonen).

Tout ça fait beaucoup de handicaps, mais quand on regarde un film avec a priori si peu d'atouts, on sait qu'on sera vite indulgent ou découragé. Au pire, ce sera une nouvelle occasion ratée. Au mieux, on sera positivement étonné.

Et contre toute attente, j'ai été favorablement cueilli par ce long métrage, même s'il n'est pas sans défauts, mais comporte suffisamment de qualités pour compenser.

On va faire simple en soulignant d'abord la bonne construction du scénario : certes, le prologue est un brin longuet entre les alertes sans effet de Jor-El, la préparation du sauvetage de son fils, et la tentative de putsch du général Zod, mais comme il s'agissait de re-présenter la mythologie originelle de Superman (là où, en vérité, Bryan Singer inscrivit son Superman returns comme une suite à la trilogie de Richard Donner avec Christopher Reeves), on l'accepte parce qu'elle rend à nouveau le héros et son univers accessibles à tous (car, les fans de comics l'oublient volontiers, tout le monde n'est pas à la page avec ces personnages iconiques outre-Atlantique).

Le choix d'une narration éclatée ensuite s'avère payant : une ellipse nous projette 33 ans après la fin de Krypton, et Kal-El alias Clark Kent est désormais un adulte. On est dérouté de le découvrir en routard, sillonnant le monde dans ses coins les plus reculés, collectionnant les jobs éprouvants, cachant ses fabuleux pouvoirs. Cette errance recèle pourtant une certaine poésie et parfois la réalisation de Snyder évoque le cinéma contemplatif (mais sans voix-off insupportablement bavarde et pseudo-mystique) de Terrence Mallick (La ligne rouge) : un mélange assez curieux mais dont l'audace intrigue de manière bienvenue. 

Des flash-backs montrent Clark enfant, adolescent, découvrant ses facultés surhumaines, entouré par des parents adoptifs aimants, persécuté aussi par des gamins qui n'acceptent pas le caractère solitaire et réservé du fils Kent. Tout n'est pas, là encore, toujours très heureux dans ces moments-là (par exemple, la mort de Jonathan Kent est pompeusement mise en scène sans produire la moindre émotion), mais explique les raisons de l'errance du héros au présent et nous épargne ses jeunes années linéairement exposées.

D'autres personnages sont ainsi habilement introduits dans ce dispositif narratif, parfois très vigoureusement redessinés : ainsi Lois Lane y gagne-t-elle en épaisseur et en dynamisme sans que sa présence accrue paraisse forcée. Plus secondairement, Perry White est bien campé (et servi par l'interprétation du charismatique Lawrence Fishburne - dont seuls de stupides intégristes se plaindront qu'il soit incarné par un acteur noir).

Quand la menace de Zod resurgit et enclenche le second acte du récit, le film prend une forme plus convenue et quelques longueurs se font sentir à nouveau, d'autant que Superman retient ses coups (parce qu'il se bat contre des kryptoniens comme lui ? Parce que Pa Kent lui a toujours enseigné de ne pas céder à violence pour régler un conflit ? Parce qu'il ne veut pas que la bataille dégénère trop et provoque des victimes humaines ?). Que le général soit secondé par quelques hommes et une femme de main contribue aussi à rallonger la sauce un peu artificiellement, et la manoeuvre, certes spectaculaire, avec les machines dure un peu trop longtemps. La baston finale entre Superman et Zod est un grand moment, où l'équipe en charge des effets spéciaux a accompli de nouvelles prouesses : la puissance des deux adversaires, les dégâts qu'ils causent, et le final dramatique forment un climax très réussi.

Sur ces derniers points, le film a suscité une polémique puisque Superman cause des morts parmi les civils et tue son ennemi, ce qui ne correspond guère à l'éthique attaché à un tel personnage. Néanmoins, Snyder et ses scénaristes, s'ils se sont peut-être laissés dépasser par leur fougue, aboutissent à cette solution (la mort de Zod) comme la seule valable dans le contexte de leur opposition, et Superman n'est pas satisfait de l'extrémité à laquelle il a été poussé. Par ailleurs, les dommages collatéraux sont expédiés, mais ont fourni l'argument pour Superman vs Batman : L'Aube de la Justice, du même réalisateur, et dans lequel le Dark Knight (dont des amis ont péri à Metropolis) engage un duel contre le Man of Steel, convaincu que ses pouvoirs sont plus dangereux que rassurants pour protéger les humains (il semble, toutefois, que cette idée soit nuancée par un subplot auquel est mêlé Lex Luthor, Wonder Woman et d'autres personnages - tous invités en prévision d'un long métrage avec la Justice League... DC veut concurrencer les "Marvel movies" plus directement dans l'avenir).

La distribution est de premier choix et offre quelques bonnes surprises là encore. Avoir attribué à l'athlétique et séduisant Henry Cavill le rôle ô combien délicat de Superman est une excellente idée : il lui donne une présence physique imposante tout en en faisant un être dépassé par ses pouvoirs, la charge de son destin. Son jeu est sobre mais intense, on est bien loin du fadasse Brandon Routh chez Singer.
Amy Adams hérite d'une version singulièrement enrichie de Lois Lane, qui ne se réduit vraiment plus à la fiancée du héros : elle prend part à l'action, permet à l'intrigue de s'articuler, et la comédienne la joue avec élégance et justesse, là encore bien supérieures à Kate Bosworth chez Singer (et même Margot Kidder chez Donner).
Michael Shannon se tire également avec brio du rôle de Zod qu'il dote d'une dangerosité crédible, sans cabotiner.

Les seconds rôles sont bien distribués, même si parfois certains des acteurs ne sont pas flattés : Diane Lane est peut-être trop jeune pour être la mère du héros (et son maquillage un peu grossier du coup) mais son couple avec Kevin Costner a de l'allure (quand bien même le comédien a donc droit à une mort particulièrement ratée). Lawrence Fishburne est impeccable, quoique le personnage de Perry White ne soit pas très développé. Russel Crowe n'est pas Marlon Brando, mais son Jor-El est lui aussi mieux développé et son interprète (qui a, semble-t-il, pu réécrire certaines de ses scènes) l'interprète avec la hauteur qui convient.

Porté par une musique très rythmée de Hans Zimmer et une réalisation bien délestée des effets souvent ridicules des précédents films de Zack Snyder, ce Man of Steel est une relecture musclée et futée de Superman, comme on ne l'attendait pas/plus.