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vendredi 7 avril 2017

THE ARTIST, de Michel Hazanavicius (2011)

THE ARTIST est un film écrit et réalisé par Michel Hazanavicius.
La photographie est signée Guillaume Schiffman. La musique est composée par Ludovic Bource.


Dans les rôles principaux, on trouve : Jean Dujardin (George Valentin), Bérénice Béjo (Peppy Miller), John Goodman (Al Zimmer), James Cromwell (Clifton), Penelope Ann Miller (Doris Valentin), Missi Pyle (Constance), et Uggy (le chien).
 George Valentin
(Jean Dujardin)

1927. Hollywood. George Valentin est une star du cinéma muet que le succès a rendu vaniteux. Son producteur, Al Zimmer, supporte son cabotinage contrairement à sa partenaire à l'écran, Constance. Grâce à ses talents de comédien et de danseur, il ravit le public dans des films d'aventures teintés de comédie.
George Valentin et Peppy Miller
(Jean Dujardin et Bérénice Béjo)

Lors d'une avant-première, une de ses admiratrices, Peppy Miller, parvient à l'approcher en franchissant le cordon de sécurité. D'abord surpris par l'aplomb de la jeune femme, George s'en amuse ensuite avec elle : l'occasion pour les photographes d'immortaliser la scène - et pour Doris, l'épouse de George, d'être jalouse.
Peppy Miller

George retrouve Peppy quelques jours après alors qu'elle vient d'être engagée comme figurante dans son nouveau film. Troublé par sa présence, il doit s'y reprendre à plusieurs fois lors d'une scène pourtant anodine et manque de succomber à son charme lorsqu'il la surprend ensuite dans sa loge. Se reprenant à l'arrivée de son chauffeur, Clifton, George conseille à Peppy de conserver sa fraîcheur et de se trouver une marque distinctive - il lui dessine une "mouche" au-dessus de la bouche - pour être remarquée.
Al Zimmer
(John Goodman)

Les mois passent et Peppy décroche des rôles de plus en plus importants au point de devenir un des espoirs des studios Kinograph. Al Zimmer montre à cette époque les premiers essais sonorisés de Constance, son ancienne partenaire, en lui assurant que cette révolution technique est l'avenir du cinéma. Mais le comédien n'y croit pas et, pour le prouver, décide de financer et réaliser son prochain long métrage dont il sera la vedette.
Doris Valentin
(Penelope Ann Miller)

1929. Le krach boursier ruine George Valentin dont le seul espoir pour se renflouer est que son film, "Tears of Love", soit un succès. Mais le verdict du public est sans appel : c'est un échec cuisant face au nouveau triomphe dont Peppy Miller tient le haut de l'affiche. Doris quitte George qui, le soir venu, dans un restaurant, entend à la table voisine de la sienne Peppy donner une interview dans laquelle elle dénigre les acteurs grimaçants du muet, désormais dépassés.
Clifton et George Valentin
(James Cromwell et Jean Dujardin)

1931. Amer et démuni, George renvoie son fidèle chauffeur Clifton qu'il ne peut plus payer depuis un an et, pour subsister, alors qu'il habite désormais dans un modeste appartement, il vend aux enchères ses derniers biens, vestiges de sa gloire passée. Il ignore que c'est Peppy qui s'en porte acquéreur et noie son dépit dans l'alcool.
George Valentin

A son réveil, il met le feu aux bobines de ses films. Son chien Uggy réussit à alerter un policier dans la rue qui le sauve, inconscient, des flammes. Peppy apprend que George a été hospitalisé et le fait transporter chez elle, dans une luxueuse villa, pour qu'il s'y repose. Mais quand elle essaie de le convaincre de rejouer la comédie, il refuse par orgueil qu'on s'apitoie sur son sort et retourne à son appartement où il tente de se suicider. Peppy arrive à temps pour l'en dissuader et lui suggère une idée pour son retour devant les caméras.
George Valentin et Peppy Miller

1932. C'est dans une comédie musicale où, comme lors de leur première collaboration, que Peppy et George vont persuader Al Zimmer de produire leur réunion. Le tournage commence, prouvant que l'artiste n'a rien perdu de sa prestance et qu'il est résolu à saisir cette seconde chance en compagnie de celle qu'il aime et qui l'aime.

Cette déclaration d'amour au cinéma des origines a été un phénomène à sa sortie et reste une magistrale réussite qui n'a pas volé ses nombreuses et prestigieuses récompenses (dont un triplé historique aux Oscar avec les statuettes des meilleurs film, réalisateur et acteur). En le revoyant, on comprend d'ailleurs facilement ce qui a séduit les critiques, académiciens et spectateurs il y a six ans.

D'abord, l'histoire de The Artist évoque le bouleversement artistique et technologique que fut l'avènement du parlant dans le cinéma et Michel Hazanavicius s'en sert pour interroger la notion même de modernité. Sa réflexion est d'autant plus pertinente et saisissante à l'heure où le 7ème Art doit s'adapter à de nouvelles mutations profondes, comme la 3D ou la concurrence des autres médias, comme la télé et Internet. Le réalisateur cristallise ce basculement dans une scène mémorable et poétique où George Valentin cauchemarde son mutisme alors que tout son environnement devient sonore. Soudain devenu obsolète, il devine confusément, même s'il ne l'admet pas encore, que le progrès technique signe sa disparition prochaine et va le condamner à l'oubli - la forme la plus cruelle du silence, l'angoisse absolue d'un artiste.

Ensuite, subséquemment, le film dresse le portrait de cet artiste aveuglé par son succès et bouffi de suffisance, se croyant - à tort bien entendu - intouchable. Au sommet de sa gloire, George Valentin est en quelque sorte rappelé à sa condition d'homme parce qu'il a cessé depuis trop longtemps de se questionner sur sa légitimité d'artiste et la pérennité de ce statut. Il accueille ainsi avec humour mais aussi paternalisme la nouvelle venue, Peppy Miller, sans mesurer qu'elle représente l'avenir par sa fraîcheur, sa lucidité et son ambition, alors que lui ne fait qu'enchaîner des divertissements sans âme et ricane quand son producteur le prévient de la révolution à venir. La chute et le come-back (au prix d'une remise en cause personnelle, d'un test d'humilité) de George Valentin fournit évidemment une progression dramatique très efficace à The Artist.

Enfin, Michel Hazanavicius montre très habilement les destins croisés de son couple de héros : le déclin de George correspond à l'ascension de Peppy, et c'est autant par reconnaissance (envers l'acteur qui avait su lui prodiguer un conseil simple mais avisé pour faire carrière) que par amour (pour l'homme, irrésistiblement charmeur) et désir de se racheter (après avoir été surprise en train de dénigrer les artistes "grimaçants" du muet) qu'elle lui viendra en aide et saura gagner son pardon, et son coeur. Subtilement, la romance est narrée sans mièvrerie, et ici, c'est la femme qui sauve l'homme.

L'interprétation est au diapason de la mise en scène brillante, fourmillant d'inventions (la scène du coup de foudre entre George et Peppy oblige le premier à retourner plusieurs fois une scène, ou celle où George en admettant que son orgueil l'a perdu voit son ombre à laquelle il s'adresse disparaître) : Jean Dujardin, fanfaron séducteur mais fragile, comme Bérénice Béjo, espiègle jeune première et protectrice romantique, rivalisent de talent pour jouer cette partition élégante et merveilleusement rythmée.

Il faut aussi mentionner la superbe bande originale composée par Ludovic Bource, sans lequel le film ne serait pas aussi beau et bon qu'il l'est.

Rêve cinéphile, objet étonnant, aux références finement placées, The Artist nous rappelle avec éloquence que la vraie magie du cinéma se passe de mots : elle s'impose comme une évidence.