mercredi 30 novembre 2016

LAURA, de Otto Preminger (1944)


LAURA est un film réalisé par Otto Preminger.
Le scénario est écrit par Jay Dratler, Samuel Hoffenstein, Betty Reinhardt, d'après le roman de Vera Caspary. La photographie est signée Joseph LaShelle. La musique est composée par David Raskin.

Dans les rôles principaux, on trouve : Gene Tierney (Laura Hunt), Dana Andrews (inspecteur Mark McPherson), Clifton Webb (Waldo Lydecker), Vincent Price (Shelby Carpenter), Judith Anderson (Ann Treadwell).  
 L'inspecteur Mark McPherson devant le portrait de Laura Hunt
(Dana Andrews)

L'inspecteur Mark McPherson enquête sur l'assassinat d'une jeune et belle publiciste, Laura Hunt, qu'on a trouvée morte chez elle, défigurée par une décharge de chevrotines en plein visage.
Waldo Lydecker et Laura Hunt
(Clifton Webb et Gene Tierney)

La victime bénéficia de l'appui d'un influent chroniqueur mondain, Waldo Lydecker, pour faire carrière, et ce dernier finit par lui demander de l'épouser. Mais la jeune femme était attirée par un autre homme, plus jeune, Shelby Carpenter.
Laura Hunt et Shelby Carpenter
(Gene Tierney et Vincent Price)

Ce playboy était, lui, aimé par Ann Treadwell, qui jalousait la jeunesse et la beauté de Laura Hunt dont elle était proche mais qu'elle savait arrivée grâce à Lydecker. Les suspects ne manquent donc pas pour désigner le meurtrier de la publiciste... 
Waldo Lydecker et Mark McPherson

Fasciné  par le portrait de la disparue, qui est accroché au dessus de la cheminée de son appartement, McPherson est percé à jour par Lydecker qui a deviné l'amour que le policier éprouve pour sa défunte protégée. Un soir qu'il inspecte la correspondance de la jeune femme, il s'endort dans son salon... 
Laura Hunt et Mark McPherson

... Et lorsqu'il se réveille, Laura Hunt se tient devant l'inspecteur, bien vivante ! Elle lui explique s'être absentée depuis quatre jours et ignorer tout de l'affaire la concernant. Le cadavre est alors identifié : il s'agit de celui d'une mannequin que fréquentait Carpenter et qui a été accidentellement confondue avec Laura. Mais par qui ?  
Mark McPherson et Laura Hunt

McPherson organise avec Laura une réception à laquelle sont conviés tous ses proches. Le policier sonde les réactions des invités face au retour de la jeune femme. Lorsque Lydecker revient après que toute l'assistance soit partie, McPherson l'empêchera in extremis de tuer pour de bon Laura par jalousie, hier comme aujourd'hui.
Shelby Carpenter, Laura Hunt, Mark McPherson et Waldo Lydecker

Otto Preminger est le premier à avoir considéré le potentiel cinématographique du roman écrit par Vera Caspary mais le producteur de la Fox, Darry Zanuck, lui refuse la possibilité de le réaliser, préférant confier la mise en scène au plus expérimenté Rouben Mamoulian.

Hedy Lamarr, Jennifer Jones sont pressenties pour le rôle-titre, John Hodiak et Reginald Gardiner pour ceux de McPherson et Carpenter. Pas moins de cinq scénaristes (dont Jerome Cady et Ring Lardner non crédités) s'échineront à rédiger un script convenable en ne gardant que superficiellement la trame du roman original. Le résultat peut se lire à la fois comme une satire des milieux intellectuels, un drame psychologique, une enquête policière, malgré l'étonnante concision du long métrage terminé (à peine 90 minutes !).

Le tournage fournirait à lui seul un autre récit : Preminger et Mamoulian se disputent sans cesse et Zanuck, déçu par les premiers rushes, débarque le second pour permettre enfin au premier de diriger le film. On n'a jamais su si les scènes déjà tournées par Mamoulian avaient été conservées dans le montage - Preminger assurant évidemment que non. Mais jusqu'au bout Zanuck s'opposera à Preminger dont la mise en scène inspirée par son expérience théâtrale et son obsession à traduire en images évocatrices la vérité des sentiments ressemblent surtout pour le nabab à des prétentions snobs.

Il n'empêche, Laura récoltera quand même l'Oscar de la meilleure photo (signée du grand Joseph LaShelle) : pas si mal pour ce qui ne devait être qu'une modeste série B...

Le film, malgré ces vicissitudes, ne souffre pourtant pas de discussions : superbement ouvragé, c'est un authentique et indémodable film noir, qui dépasse les clichés du polar classique pour traiter de la fascination, de l'envoûtement exercés (à son corps défendant) par une jeune femme sur tous les hommes qu'elle croise. Du Pygmalion (ouvertement homosexuel, comme l'était Clifton Webb) qui l'a introduite dans la haute société et a voulu la protéger d'un mariage dégradant au flic littéralement ébloui par son portrait (en fait une photo repeinte par Frank Polony, qui sera d'ailleurs réutilisé dans deux autres films... Dans lesquels ne joue pas Gene Tierney !), cette histoire de (faux) fantôme captive par son aspect quasi-fantastique et nous piège toujours même après plusieurs visions.

Formellement, Preminger utilise des éclairages intenses et contrastés, opposant les lumières violentes de la salle d'interrogatoire du commissariat à l'ambiance onirique de l'appartement de Laura - laquelle apparaît devant McPherson après qu'il se soit endormi et qui se demande s'il ne rêve pas. Le réalisateur s'appuie aussi efficacement sur les jeux et physiques très distincts de ses acteurs : l'ironie mordante de Dana Andrews face à l'affectation de Clifton Webb et la séduction évanescente de Gene Tierney (Andrews et Tierney seront réunis par Preminger six ans plus tard dans Mark Dixon, détective).

Cette autopsie d'un meurtre passionnel aura droit un remake pour la télé (réalisé par John Bramm, un temps envisagé pour diriger l'original après le renvoi de Mamoulian) mais aussi à une version western (Frontier Gambler, 1956) : comme son héroïne, cette intrigue n'a pas cessé de hanter le 7ème Art...

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