jeudi 3 novembre 2016

DRIVE, de Nicolas Winding Refn (2011)


DRIVE est un film réalisé par Nicolas Winding Refn
Le scénario est adapté par Hossein Amini du roman du même nom de James Sallis. La photographie est signée Newton Thomas Siegel. La musique originale est composée par Cliff Martinez.


Dans les rôles principaux, on trouve : Ryan Gosling (le chauffeur), Carey Mulligan (Irene), Bryan Cranston (Shannon), Oscar Isaac (Standard), Christina Hendricks (Blanche), Albert Brooks (Bernie Rose).
Le chauffeur
(Ryan Gosling)

Il n'a pas de nom mais c'est un chauffeur automobile qui met ses talents au service de cascades pour des films de cinéma le jour et de braqueurs la nuit. Entre ses deux activités, il travaille dans un garage, tenu par son ami Shannon, même si ce dernier ne sait rien de sa vie nocturne.
Shannon
(Bryan Cranston)

Néanmoins, convaincu du talent du jeune homme, ledit Shannon souhaiterait qu'il participe à des courses automobiles et, pour financer ce projet, il se résout à demander le soutien d'un gangster, Bernie Rose. 
Bernie Rose et le chauffeur
(Albert Brooks et Ryan Gosling)

Le chauffeur vit dans un appartement modeste, voisin d'une jeune mère célibataire, Irene, qui élève son garçon, Benicio.  
Benicio, Irene et le chauffeur
(Kaden Leos, Carey Mulligan et Ryan Gosling)

Le mari d'Irene, Standard, sort de prison peu après. Il est heureux de retrouver sa femme et son fils et résolu à demeurer désormais dans le droit chemin. Mais son passé le rattrape vite : un malfrat, Cook, qui le protégeait derrière les barreaux, menace de tuer Irene et Benicio s'il ne participe pas à un braquage pour le rembourser.
Standard et le chauffeur
(Oscar Isaac et Ryan Gosling)

Par amitié (ou amour ?) pour Irene, le chauffeur offre ses services à Standard. Grâce à Blanche, une complice, ils ciblent un prêteur sur gages pour le voler mais la situation dégénère.  Standard est abattu, mais le chauffeur récupère le magot, d'un montant d'un million de dollars (au lieu des 40 000 prévus). Il est poursuivi par une autre voiture qu'il réussit à semer avec difficulté. Cela signifie que l'affaire est plus dangereuse qu'il ne l'avait pensée.
Blanche
(Christina Hendricks)

Blanche, rudoyée par le chauffeur, avoue que les hommes de Cook sont à leurs trousses pour se débarrasser d'eux et mettre la main sur le fric. Les malfrats surgissent dans le motel où ils se sont cachés, prévenus par Blanche. Le chauffeur parvient à les tuer mais Blanche meurt.
Le chauffeur règle ses comptes... Au marteau !

Le chauffeur va ensuite affronter Cook, qui n'est que le lieutenant de Nino, un proche de Bernie Rose. Puis il va retrouver Irene qu'il sauve in extremis de deux hommes de mains, tandis que Nino explique à Bernie qu'il faut exécuter Shannon et le chauffeur. 
Après avoir découvert le cadavre de Shannon, le chauffeur poursuit en voiture Nino qu'il finit par envoyer dans l'océan. Il téléphone à Irene en lui avouant ses sentiments puis va s'expliquer définitivement avec Bernie pour qu'il laisse la jeune femme et son fils tranquilles... 
Irene et le chauffeur

Il en va parfois de la réussite d'un film comme de l'alignement des planètes : le résultat tient à pas grand-chose, relève quasiment du miracle. Drive en est la parfaite et brillante démonstration.
  
Le début du film contient en germe tout ce qui en fait la singulière qualité. La séquence d'ouverture est à la fois simple et accrocheuse, et Nicolas Winding Refn la réalise si bien qu'il gagne son pari dès ces premières minutes. Pourtant la figure de la course-poursuite, qui sera déclinée ensuite dans l'intrigue, est un cliché du genre, mais elle est ici enrichie et épurée à la fois, notamment par la grâce de a bande-son qui mêle le vrombissement du moteur, le crissement des pneus et la musique entêtante (avec la chanson Nightcall de Kavinsky). Dans le décor nocturne d'une ville aux allures de forêt urbaine (ce Los Angeles déjà si bien filmé par Michael Mann), le bolide se joue des voitures et hélicoptères de la police jusqu'à ce que le chauffeur sans nom mette les deux braqueurs qu'il a véhiculés à l'abri dans un parking souterrain et ne quitte la scène. 

Ce prologue, stylé, séduit par sa modestie : le cinéaste danois ne prétend pas réinventer les codes du polar, il fait même preuve d'une salutaire humilité et se réfère davantage en vérité à des réalisateurs de série B comme Joseph H. Lewis ou Don Siegel que des auteurs plus modernes comme Mann ou Tarantino. Son héros correspond aussi à cette catégorie de film : un solitaire taiseux mais qui ne manque pas de culot, sûr de son talent bien spécial, qu'il met en pratique comme cascadeur à Hollywood, chauffeur de braqueurs ou mécanicien. Cet homme sans passé, sans identité, sans attaches, travaille pour un garagiste dont la claudication semble être le stigmate d'une ancienne vie semblable à celle de son protégé.  

Si sa voiture semble être le prolongement physique de ce driver, la machine semble soudain connaître sa première faille lorsqu'il fait la connaissance de sa jolie voisine (interprétée par Carey Mulligan dont la délicatesse ferait, il est vrai, fondre n'importe quel homme) au regard triste. Pourtant, il s'éclipse dès que son mari réapparaît... Pour mieux leur porter secours quand ce dernier est impliqué dans une sale affaire. Son attitude à la fois fuyante et sentimentale interroge, tout comme elle sidère quand après une scène d'un tendre romantisme il laisse exploser toute sa violence contre des malfrats menaçant sa belle : le moment est inoubliable.

Le rôle a valu à Ryan Gosling d'être comparé à Steve McQueen, mais McQueen était un tigre à la virilité héritée d'une jeunesse difficile. Pourtant, il impose quelque chose de plus féminin, une silhouette svelte, fragile presque, à la fois flegmatique et timide. Ce qui ne fait que souligner le bouillonnement qui semble l'habiter et le rend crédible en chevalier au grand coeur mais à la brutalité bien réelle. Son look se distingue par un blouson argenté au dos duquel est dessiné un scorpion, arthropode à la symbolique riche - combatif, passionné, mystérieux, il représentait Selkis dans la mythologie égyptienne.

Winding Refn aime visiblement jouer avec ces archétypes pour mieux brouiller leur signification. Les crédits du générique sont écrits en rose, la musique électronique cite le disco et donne ainsi l'impression que l'histoire qui est censée se dérouler de nos jours se situe dans les années 80. Sans cesse, le film navigue entre l'hommage et le pastiche, réécrit plutôt qu'il ne créé. Mais il le fait davantage en retranchant qu'en ajoutant, comme le scénario d'Hossein Amini qui a complètement retaillé le roman de James Sallis (dont la narration était dominée par des flash-backs alors qu'ici elle est linéaire).

Ainsi désossé, Drive impose son mouvement au spectateur comme son action à ses personnages, filant droit, sans concessions, hypnotique plutôt que spectaculaire. On est alors comme le passager de ce récit qui définit avec à-propos la mission du cinéma : nous emmener ailleurs.

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