LES MOISSONS DU CIEL (Days of Heaven) est un film écrit et réalisé par Terrence Malick.
La photographie est signée Néstor Almendros et Haskell Wexler. La musique est composée par Ennio Morricone et Camille Saint-Saëns.
Dans les rôles principaux, on trouve : Richard Gere (Bill), Brooke Adams (Abby), Linda Manz (Linda), Sam Shepard (Chuck), Robert J. Wilke (le contremaître).
Linda
(Linda Manz)
1919. Bill travaille dans une fonderie à Chicago lorsqu'une dispute éclate entre lui et son patron. En le frappant, Bill le tue accidentellement. Il s'enfuit en compagnie de d'Abby, qu'il fait passer pour sa soeur, et Linda, qui est effectivement sa cadette -c'est cette dernière qui va nous raconter leur histoire commune.
Bill
(Richard Gere)
Par le train, ils gagnent, avec de nombreux travailleurs saisonniers, le Texas. Ils sont embauchés dans l'exploitation de Chuck, un jeune et riche fermier, et participent aux moissons pour un salaire misérable et des conditions harassantes.
Abby
(Brooke Adams)
Chuck est un homme respectueux des ouvriers, timide mais aussi malade. Bill surprend une discussion entre le fermier et son médecin qui ne lui donne plus qu'un an à vivre, sans qu'on sache la nature de son mal.
Chuck
(Sam Shepard)
Ayant remarqué Abby parmi la main d'oeuvre, Cuck en tombe amoureux, contre l'avis de son contremaître, qui le considère comme son fils et trop sentimental à cause de sa fin proche. Contre toute attente, mais pour lui éviter de continuer à vivre dans misère, Bill encourage Abby à se rapprocher et à épouser le fermier. Leur mariage est célébré peur après et le contremaître part s'installer plus loin.
Bill et Abby
Miraculeusement, les mois passant, l'état de santé de Chuck se stabilise, mais il découvre alors le secret unissant Bill et Abby. Cependant la jeune femme s'est vraiment éprise du fermier. La passage d'une petite troupe de saltimbanques incite Bill à partir.
L'invasion des sauterelles
Lorsqu'il revient, en s'étant acheté une moto avec sa paie, Bill réveille la jalousie de Chuck. Une invasion de sauterelles dévaste alors la plantation de blé à laquelle le fermier met le feu en voulant attaquer Bill avec une lanterne. A l'aube, il ne reste plus rien : Chuck tente d'abattre Bill avec un pistolet mais Bill se défend et le tue en état de légitime défense.
Le contremaître
(Robert J. Wilke)
Bill entraîne Abby et Linda dans sa fuite. Ils descendent le fleuve à bord d'une frêle embarcation puis se réfugient dans les bois environnant la rive. Le contremaître et la police les retrouvent. Bill est abattu en tentant de s'échapper. Héritant de la fortune de Chuck, Abby place Linda dans une institution privée, d'où elle fugue rapidement avec une autre pensionnaire, tandis que la jeune femme embarque à bord d'un train avec des soldats en partance pour l'Europe et la guerre.
C'est le producteur indépendant Bert Schneider qui a réussi à convaincre le studio Paramount de financer ce film, le deuxième de Terrence Malick, en s'engageant à couvrir les dépassements - ce qui lui permettait de garder le final cut.
Le cinéaste veut d'abord recruter John Travolta pour le rôle de Bill car il considère que l'acteur a un physique proche de celui d'un ouvrier, mais à l'époque les producteurs de la série télé Welcome back, Kotter dans laquelle il joue refuse de le libérer. En apprenant que Richard Gere a adoré son premier opus (La Balade sauvage, 1973), Malick le rencontre et l'engage.
Le tournage débute à l'Automne 1976 non pas au Texas mais dans la province d'Alberta au Canada. Mais le chef opérateur Néestor Almendros est en train de perdre la vue et pour l'aider à élaborer ses éclairages il sera secondé par Haskell Wexler : avant chaque prise de vue, une photo Polaroïd permet la mise au point. "Malick tenait à un film très visuel où l'intrigue serait dévoilée par les images elles-mêmes.", dira ensuite Almendros, admiratif des connaissances techniques du réalisateur.
Une bonne partie des plans sera saisie durant "l'heure bleue", un laps de temps très bref (25 minutes) durant le coucher du soleil, qui diffuse une atmosphère très douce : le résultat est magique, conférant au film une sensualité et une poésie formelle inspirées des grands peintres comme Millet, Seurat, Turner et Hopper (la maison de Chuck reproduit d'ailleurs celle d'un tableau de l'artiste américain).
En revanche, Malick se montre nettement plus distant et froid avec ses acteurs auxquels il donne peu d'indications de jeu. Après deux semaines, déçu par les rushes, il remanie son scénario et imprime à nouveau des kilomètres de pellicules, souvent pour filmer le vente dans les herbes hautes, une sauterelle sur un épi de blé, du mobilier dans la maison du fermier, comme autant de natures mortes. Richard Gere est tellement déconcerté par ces méthodes qu'il songe alors sérieusement à quitter le plateau, et Schneider, également excédé par le style lent et contemplatif de Malick, doit, comme il s'y est engagé, couvrir les frais supplémentaires de sa poche en hypothéquant sa maison.
Tous ces aléas ne doivent pas occulter la réussite du long métrage terminé, qui sera d'ailleurs récompensé par l'Oscar de la meilleure photo en 78 et du prix de la mise en scène au festival de Cannes 79. Days of Heaven est une fascinante expérience de cinéma, l'équivalent d'une symphonie picturale, riche en symboles. Malick y évoque de manière suggestive le bouleversement social et culturel de l'Amérique en pleine industrialisation, dès le générique où défilent des photos de Lewis Hine parmi lesquels il glisse un portrait de Linda Manz (inoubliable narratrice de l'histoire).
Plus que le récit d'une passion tragique, le cinéaste privilégie les sensations à la psychologie dans une chronologie et une logique déstructurées obligeant le spectateur à être attentif aux ellipses, aux non-dit. Le film parle de déracinement et de la précarité - dans le monde des travailleurs saisonniers, qui fuient les villes pour des tâches épuisantes à la campagne, mais aussi à travers les sentiments amoureux qui traversent les protagonistes. Ces derniers incarnent d'ailleurs moins des individus que des archétypes, des visions d'un monde en pleine mutation. Bill et Chuck (joué par le fièvreux Sam Shepard) sont les deux faces d'une même médaille, l'un personnifie le mouvement, l'adaptation ; l'autre la tradition et la permanence. Entre eux, Abby (campée par la touchante Brooke Adams) apparaît comme la femme originelle, tentatrice, salvatrice mais maudite.
Des scènes somptueuses ponctuent cette romance, culminant avec l'invasion des sauterelles et l'incendie qui dévastent l'exploitation de Chuck. Cette espèce d'apocalypse contraste avec le thème musical qui ouvrait le film, non pas composée par Ennio Morricone (dont la partition est étrangement discrète) mais Camille Saint-Saëns (Aquarium, extrait du Carnaval des animaux, qui sera ensuite repris pour illustrer la montée des marches du festival de Cannes !).
Cette ode mélancolique à l'innocence perdue est vraiment une oeuvre à part : en 90 minutes, Terrence Malick a synthétisé toute son cinéma - il ne fera jamais mieux, et attendra vingt ans avant de revenir derrière la caméra pour signer un nouveau chef d'oeuvre (La Ligne rouge) puis enchaîner d'autres opus, hélas ! de plus en plus médiocres.
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