vendredi 16 septembre 2016

THE DESCENDANTS, de Alexander Payne (2012)


THE DESCENDANTS est un film réalisé par Alexander Payne.
Le scénario est écrit par Alexander Payne, Nat Faxon et Jim Rash, d'après le roman de Kaui Hart Hemmings. La photographie est signée Phedon Papamichael. La musique est composée par Dondi Bastone.

Dans les rôles principaux, on trouve : George Clooney (Matt King), Shailene Woodley (Alexandra King), Amara Miller (Scottie King), Nick Krause (Sid), Robert Forster (Scott), Matthew Lillard (Brian Speer), Judy Greer (Julie Speer), Patricia Hastie (Elizabeth King).
 Elizabeth King
(Patricia Hastie)

De nos jours, à Hawaï. Elizabeth King est dans le coma suite à un accident en faisant du ski nautique. Son médecin annonce à Matt, son époux avocat, qu'elle ne s'en remettra pas et que, conformément à ses volontés, les appareils qui la maintiennent encore en vie vont être prochainement débranchés.
 Matt et Alexandra King
(George Clooney et Shailene Woodley)

Matt, qui, par ailleurs, négocie la vente d'un grand terrain appartenant à sa famille en mettant d'accord ses frères, soeurs et cousins, doit apprendre la nouvelle à ses deux filles. S'il la cache d'abord à sa benjamine, Scottie, il la révèle à son aînée, Alexandra, placée dans un internat sur une île voisine. Leurs relations sont tendues car l'adolescente y a été envoyée par sa mère et elle va expliquer à son père qu'Elizabeth le trompait : elle l'avait surprise avec son amant, mais elle ignore le nom de cet homme.  
 Matt King et son beau-père, Scott
(George Clooney et Robert Forster)

Matt et Alex découvrent son identité peu après lorsque la jeune fille le reconnaît sur une affiche publicitaire : il s'agit d'un agent immobilier, Brian Speer, dont la secrétaire leur apprend qu'il est en congé à Tahiti. Après avoir parlé avec son beau-père, Scott, qui lui reproche l'accident de Liz, Matt prend une décision inattendue : rencontrer l'amant de sa femme pour l'inviter à lui faire ses adieux.
 Alexandra, Matt, Scottie et Sid
(Shailene Woodley, George Clooney, Amara Miller et Nick Krause)

Accompagné par ses deux filles et Sid, le copain d'Alexandra, un brave nigaud, Matt aborde d'abord sur une plage Julie Speer, la femme de Brian, puis réussit à s'entretenir avec ce dernier. Il lui assure qu'il ne veut pas détruire son couple mais se heurte à la lâcheté de son interlocuteur.
 Julie et Brian Speer
(Judy Greer et Matthew Lillard)

Le lendemain, Matt réunit tous les membres de la famille King intéressés par la vente des terrains mais leur annonce qu'il refuse de signer : il a en effet découvert par un de ses cousins que l'acquéreur est le beau-frère de Brian Speer, qui toucherait donc une énorme commission pour la gestion de ce bien.
 Réunion de famille chez les King

Liz est débranchée avant que Julie vienne saluer Matt à l'hôpital et alors que Brian ait reconnu sa liaison avec la défunte. Matt et ses deux filles dispersent les cendres de Liz dans l'océan. Leur nouvelle vie de famille continue, apaisée... 
Alexandra, Matt et Scottie King

Encore une fois, c'est plus grâce au casting qu'au réalisateur que j'ai eu envie de voir ce film : je ne suis pas familier de l'oeuvre d'Alexander Payne, qui n'a signé que cinq longs métrages en quinze ans, tous salués par la critique. Mais de Monsieur Schmidt (avec Jack Nicholson - qu'est devenu ce génial monstre sacré ?) à Sideways (avec le duo Paul Giamatti et Thomas Haden Church), le talent de directeur d'acteurs du cinéaste ressemble à un sans-faute.

L'exploit est d'autant plus remarquable que les films de Payne trace un sillon singulier dans le registre de la comédie dramatique, un genre qui exige une finesse complexe dans son traitement, un cinéma subtil, adulte. En soi, cela prouve que, contrairement à ce beaucoup de fâcheux prétendent, le 7ème Art américain ne se résume pas à de grosses productions formatées (qui ne manquent pas toujours de qualités d'ailleurs) ou de petits films indépendants : il existe, comme en France, un entre-deux, riche d'oeuvres remarquables. The Descendants en représente, à coup sûr, un des fleurons récents.

L'histoire est étonnante : l'argument initial (comment faire le deuil d'une épouse et d'une mère au comportement loin d'être exemplaire ?) se déploie en un récit initiatique à la fois mélancolique, improbable et souvent très drôle. L'aventure de ce père de famille avec ses deux filles (et le copain de l'aînée) pour rencontrer l'amant de la défunte afin de lui permettre de lui faire ses adieux possède cette dimension à la fois absurde et savoureuse qui assure deux heures jubilatoires.

La grande force du script de Payne, Nat Faxon et Jim Rash, adapté du roman de Kaui Hart Hemmings, est de déjouer ainsi toutes les attentes, de susciter un décalage permanent entre la gravité de la situation et la manière dont les personnages l'abordent. Ainsi, l'intrigue se situe dans les décors paradisiaques de Hawaï (un subplot, d'abord laborieux puis qui prend tout son sens dans la dernière partie, concerne d'ailleurs la cession par la famille du héros de terres destinées à accueillir un complexe hôtelier), les protagonistes s'y promènent en bermuda, chemises colorées, maillots de bain, tout en devant composer avec leur spleen. Affrontant une succession de déconvenues, on voit Matt King et ses deux filles de plus en plus ahuris, improvisant la réalisation d'un projet loufoque, mais incapables en définitive de sombrer dans la revanche ou de s'abandonner à l'oubli.

Payne refuse de la même façon de juger ou d'accabler son héros : devant assumer sa paternité comme jamais auparavant, il doit apprivoiser l'aînée de ses filles en colère contre sa mère, digérer la trahison de sa femme, encaisser les reproches de son beau-père, les mensonges de ses meilleurs amis, gérer l'avidité de ses frères, soeurs et cousins, la lâcheté de l'amant, la compassion de l'épouse de celui-ci... En affrontant la démythification de l'amour de sa vie, cette cellule familiale ébranlée va étonnamment s'accomplir, se libérer (les scènes où la défunte se fait copieusement engueuler sont à la fois audacieuses et très amusantes, ponctuant les différentes étapes du récit). Il s'agit en fait d'héritage à tous les niveaux : celui des terres familiales mais aussi du passif d'une femme qui était, avant son accident, sur le point de détruire les siens. 

Pour incarner cette ballade tragi-comique, Payne a pu, une fois de plus, s'appuyer sur des comédiens exceptionnels : George Clooney a été unanimement salué pour sa prestation, même si (et ça a été une vraie injustice) ça n'a pas suffi à lui valoir son premier Oscar dans un premier rôle (il n'a été sacré que comme second rôle dans Syriana de Stephen Gaghan en 2005). Il livre une interprétation remarquable, toute en finesse, prouvant qu'il peut magistralement jouer autre chose que les idiots (comme les frères Coen aiment lui en écrire) ou les séducteurs.

A ses côtés, Shailene Woodley tenait là son premier grand rôle et brillait déjà : jolie comme un coeur, cette jeune actrice mérite elle aussi bien mieux que d'être résumée à la franchise Divergente car elle est toujours juste, parfaite sur toute la gamme des émotions. 

Le reste du casting, hormis Robert Forster, Matthew Lillard, Judy Greer dans des seconds rôles, permet surtout d'apprécier des inconnus comme l'irrésistible Nick Krause dans la peau du petit copain à la fois bas du front et sympathique et l'épatante Amara Miller en petite soeur à la langue bien pendue.
Magnifiquement photographié (par Phedon Papamichael, le chef opérateur des Monuments Men et Les Marches du pouvoir réalisés par Clooney), filmé avec la maîtrise d'un cinéaste sûr de son affaire, The Descendants parle avec une rare luminosité de la perte et de la résilience.

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