SICARIO est un film réalisé par Denis Villeneuve.
Le scénario est écrit par Taylor Sheridan. La photographie est signée Roger Deakins. La musique est composée par Johann Johannsson.
Dans les rôles principaux, on trouve : Emily Blunt (Kate Mercer), Benicio Del Toro (Alejandro), Josh Brolin (Matt Graver), Daniel Kaluuya (Reggie Wayne), Victor Garber (Dave Jennings), Jon Bernthal (Ted).
Kate Mercer
(Emily Blunt)
A La frontière des Etats-Unis et du Mexique. Après une descente du FBI dans une maison servant de planque au narco-trafiquant Manuel Diaz, Kate Mercer et son équipe échappent de peu aux explosifs disposés sur place pour effacer des preuves. Un débriefing est organisé ensuite, auquel assiste un représentant de la CIA, Matt Graver, qui offre à la jeune femme une place dans une force d'intervention interne qui neutralisera leur cible commune.
Matt Graver
(Josh Brolin)
Accompagnés d'un mystérieux consultant colombien, Alejandro, ils partent pour Ciudad Juarez pour y chercher un nommé Guillermo capturé récemment et qui doit être interrogé pour les renseigner. Le retour du convoi s'effectue dans une tension extrême, malgré une escorte impressionnante. Dans une base, le prisonnier est livré aux bons soins d'Alejandro et indique l'existence d'un tunnel par lequel des migrants qui servent de "mules" (transportant la drogue dont on leur a fait avaler des sachets) passent pour entrer aux Etats-Unis.
Dave Jennings
(Victor Garber)
Kate désapprouve très vite les méthodes de Graver dont la stratégie consiste à pousser l'ennemi à l'erreur sans tenir compte des dommages collatéraux ni de la procédure. Elle devine surtout que toute l'opération dissimule un autre objectif et désobéit quand on lui demande de na pas entrer dans une banque où une complice de Diaz dépose l'argent du trafic pour le blanchir, ne se préoccupant pas d'y être filmée (et donc identifiée) par les caméras de surveillance auxquelles ont accès ses ennemis.
Alejandro
(Benicio Del Toro)
Prenant un verre dans un bar avec son collègue Reggie, aussi soupçonneux qu'elle, Kate finit la soirée en compagnie d'un policier de Phoenix, Ted, qui veut la tuer lorsqu'elle a reconnu les couleurs du cartel de Sonora sur son porte-clés. Alejandro la sauve puis, avec Graver, interroge le flic ripou afin qu'il balance les noms de ses collègues corrompus.
Alejandro, Matt Graver et Kate Mercer
L'entrée du tunnel est localisée grâce aux informations supplémentaires fournies par des migrants clandestins appréhendés en Arizona. Kate comprend alors que le FBI n'ayant pas autorité pour agir en dehors des Etats-Unis, elle devra laisser la CIA arrêter les narco-trafiquants et se contenter de saisir la drogue. Un raid nocturne est organisé.
Kate Mercer, Matt Graver et Alejandro
Durant l'opération, Alejandro sème Kate et se lance à la poursuite de Diaz en prenant Silvio, qui transporte la drogue à bord d'un véhicule de la police mexicaine. Puis il enlève Diaz qui le conduit jusqu'au vrai boss du cartel de Sonora. Pendant ce temps, Graver explique à Kate qu'Alejandro représente le cartel colombien de Medellin à qui les Etats-Unis ont décidé de rendre le narco-trafic pour pacifier la région où la criminalité a explosé depuis que les dealers mexicains la dirigeaient.
Le lendemain, Alejandro menace Kate de mort si elle ne signe pas un papier affirmant que toute l'opération s'est déroulée selon les règles. Elle refuse puis cède : "le territoire des loups" a changé de maître désormais et elle comme le Bureau feraient bien de ne plus s'en mêler.
La réputation très flatteuse de Denis Villeneuve m'était parvenue depuis son précédent opus, Prisoners (2013), sans que je puisse aller voir ce film. J'avais ensuite loupé ce Sicario, parti bredouille du festival de Cannes 2015 mais auréolé d'une presse louangeuse et d'un beau succès en salles. Séance de rattrape donc et énorme claque !
A l'heure où le metteur en scène prodige sort déjà son nouvel opus (Arrival, annoncé comme un sérieux candidat aux prochains Oscar) et tourne la suite périlleuse du cultissime Blade Runner, découvrir Sicario donne une furieuse envie non seulement de voir ce qu'il a produit avant mais d'assister à ce qu'il a fait depuis. L'argument n'est pourtant pas original (la lutte contre le narco-trafic a eu son chef d'oeuvre avec Traffic de Steven Soderbergh, en 2000, avec déjà Benicio Del Toro au générique) mais le résultat est très différent ici et impressionne autant.
En vérité, c'est un pur exercice de mise en scène. D'ailleurs, c'est le vrai sujet de ce film où toute l'opération menée par la CIA est une manoeuvre dépassant la simple neutralisation d'un narco-trafiquant : comme Kate Mercer, l'héroïne, le spectateur assiste de plus en plus médusé au déploiement d'un leurre spectaculaire.
Dès la première séquence, saisissante, on assiste à une descente d'une équipe du FBI dans une maison isolée servant de planque : une première fusillade sert à éliminer quelques sous-fifres stationnés là avant que l'examen des impacts de balles échangées permet aux agents fédéraux de découvrir des cadavres emmurés, puis qu'une inspection des dépendances ne provoque une déflagration. Une bombe était programmée pour effacer ces preuves compromettantes et retarder l'enquête.
Dès la première séquence, saisissante, on assiste à une descente d'une équipe du FBI dans une maison isolée servant de planque : une première fusillade sert à éliminer quelques sous-fifres stationnés là avant que l'examen des impacts de balles échangées permet aux agents fédéraux de découvrir des cadavres emmurés, puis qu'une inspection des dépendances ne provoque une déflagration. Une bombe était programmée pour effacer ces preuves compromettantes et retarder l'enquête.
Cette espèce de prologue est accompagnée par un travail sensationnel sur le son : la musique discrète vous prend quand même aux tripes, faisant planer une ambiance angoissante - ce motif deviendra récurrent, façonnant la perception des événements suivants en suggérant que rien n'est ce qu'il paraît être. Ce que va apprécier Kate Mercer, par laquelle le spectateur suit l'intrigue.
Villeneuve excelle dans ces séquences où on ignore si le danger présumé est bien réel, si de nouvelles explosions vont se produire : lorsque la CIA convoie un prisonnier jusqu'à une base pour l'interroger sur la manière dont la drogue est introduite sur le sol américain, les imposants véhicules des autorités sont bloqués, peu après avoir franchi la frontière, dans un embouteillage. Dans plusieurs voitures voisines, des membres de gangs latinos, reconnaissables à leurs tatouages et leurs armes apparents, sont repérés par les agents fédéraux, qui ne savent cependant pas s'il s'agit là d'hommes déployés pour libérer le prisonnier ou l'exécuter. La réaction des uns et des autres sera aussi expéditive que sidérante.
Plus tard encore, nous assistons, en immersion totale puisque Villeneuve filme là carrément avec des caméras thermiques (d'où une image tour à tour verdâtre ou solarisée selon l'équipement des agents), au raid nocturne des troupes de la CIA dans un tunnel. Puis à l'assaut collectif succède la chasse en solitaire d'Alejandro jusqu'au repaire, une luxueuse villa, du baron du cartel de Sonora : un ballet funèbre ponctué par les tirs étouffés d'un pistolet muni d'un silencieux et suivi par une steadycam à la fluidité virtuose.
L'action, chez le cinéaste, est intégrée à part entière au récit et non comme un élément additionnel qui le pimente. Même si des dialogues vifs, directs, clairs, expliquent les tenants et aboutissants de l'opération, la majorité de l'intrigue se comprend par l'évolution spatiale des protagonistes, leur progression d'un lieu à un autre comme autant d'étapes vers la révélation de toutes leurs manoeuvres.
Pour établir le lien entre ce que la CIA manigance et ce à quoi le FBI a accepté de collaborer (et cette nuance raconte beaucoup sur les compétences de chaque officine - la CIA opère à l'extérieur, le FBI à l'intérieur, induisant que la première a un ascendant sur la seconde), le personnage de Kate Mercer est celui par lequel le spectateur lit l'histoire, la découvre : moins idéaliste (on la devine revenue de tout et jamais dupe du fait qu'on se sert d'elle et du Bureau) qu'intègre (elle veut que la procédure soit respectée et n'y renoncera qu'au prix de sa vie sauve), plus observatrice (souvent impuissante, frustrée) qu'actrice (pouvant imposer son point de vue), assistant aux arrangements, tractations, planifications, c'est une figure atypique dans le cadre d'un film d'action mais qui traduit le désenchantement, la désillusion du scénariste Taylor Sheridan vis-à-vis des autorités.
Emily Blunt incarne formidablement cette femme subissant les événements, à la fois en colère et fébrile, dont la peur égale l'insoumission. Elle est au diapason du film, tendue, frémissante, et le spectateur est pris du même vertige qu'elle. Face à elle, Josh Brolin est épatant une fois encore en agent intraitable et dissimulateur. Mais c'est surtout Benicio Del Toro qui impressionne le plus en "chien de chasse" taciturne et fascinant d'intensité physique.
Sicario se referme comme une spirale, embrassant dans des compositions superbes, admirablement photographiées par Roger Deakins (le chef op' des frères Coen), pour se resserrer de plus en plus vers des espaces réduits, avec de moins en moins d'acteurs. La dernière scène se résume d'ailleurs à un face-à-face dans une chambre d'hôtel pour un échange à sens unique, filmé de plus en plus près des visages, exacerbant encore plus une tension déjà maximale.
Emily Blunt incarne formidablement cette femme subissant les événements, à la fois en colère et fébrile, dont la peur égale l'insoumission. Elle est au diapason du film, tendue, frémissante, et le spectateur est pris du même vertige qu'elle. Face à elle, Josh Brolin est épatant une fois encore en agent intraitable et dissimulateur. Mais c'est surtout Benicio Del Toro qui impressionne le plus en "chien de chasse" taciturne et fascinant d'intensité physique.
Sicario se referme comme une spirale, embrassant dans des compositions superbes, admirablement photographiées par Roger Deakins (le chef op' des frères Coen), pour se resserrer de plus en plus vers des espaces réduits, avec de moins en moins d'acteurs. La dernière scène se résume d'ailleurs à un face-à-face dans une chambre d'hôtel pour un échange à sens unique, filmé de plus en plus près des visages, exacerbant encore plus une tension déjà maximale.
Avec cette exploration troublante, aux éclats de violence fulgurants, sur la porosité entre ce qui est légal ou pas, le Bien et le Mal, sur les jeux de pouvoir précaires de l'Amérique avec les arco-trafiquants (il s'agit moins de régler le problème que de pacifier la situation, de poser un compromis), le résultat offre le meilleur des mondes : une oeuvre à la fois complexe et racée, à l'émotion rentrée mais à la rage puissante. Quand il atteint ces sommets, le cinéma de genre est la plus efficace des expressions sur l'état du monde. Et de ce point de vue, Sicario (qui, en espagnol, signifie "tueur à gages") est un très grand film.
Je me suis ennuyé d'une force. Cela fait des années que je n'étais pas allé au bout d'un film. C'est chose faite avec Sicario.
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