PRISONERS est un film réalisé par Denis Villeneuve.
Le scénario est écrit par Aaron Guzikowski. La photographie est signée Roger Deakins. La musique est composée par Johann Johannsson.
Dans les rôles principaux, on trouve : Hugh Jackman (Keller Dover), Jake Gyllenhaal (inspecteur Loki), Terrence Howard (Franklin Birch), Paul Dano (Alex Jones), Maria Bello (Grace Dover), Viola Davis (Nancy Birch), Melissa Leo (Holly Jones).
Grace et Keller Dover(Maria Bello et Hugh Jackman)
Pennsylvanie. Les familles Dover (le père Keller, la mère Grace, leur fils Ralph, leur fille Hannah) et Birch (le père Franklin, la mère Nancy, leurs filles aînée Eliza et cadette Joy) se réunissent pour le repas de Thanksgiving chez les Birch. Hannah et Joy sortent s'amuser dehors tandis que Eliza et Ralph restent à l'intérieur pour regarder la télé. Le soir tombe, et, inquiets de ne pas avoir revus les petites, Keller et Franklin partent à leur recherche avant d'avertir la police.
Nancy et Franklin Birch(Viola Davis et Terrence Howard)
L'inspecteur Loki, réputé pour élucider toutes les affaires qu'on lui a confiées, est chargé de l'enquête et appréhende le conducteur d'un camping-car aperçu près de chez les Birch. Suspect idéal, Alex Jones est néanmoins difficile à interroger car il est mentalement retardé. Son véhicule est examiné par la brigade scientifique mais rien ne vient prouver qu'il est mêlé à la disparition des fillettes.
Alex Jones et l'inspecteur Loki(Paul Dano et Jake Gyllenhaal)
Loki explore d'autres pistes en rendant visite à des délinquants sexuels fichés dans la région : il découvre ainsi chez un prêtre, Patrick Dunn, le cadavre d'un homme - il prétendait mener une guerre contre Dieu en enlevant et tuant des enfants afin d'ôter la foi aux parents.
Keller Dover et Alex Jones
La garde à vue de Jones prend fin et n'est pas prolongée, faute de preuves l'accablant. Quand il l'apprend, Keller Dover l'agresse devant le commissariat, convaincu de sa culpabilité. Après avoir été raisonné par Loki et son chef, Dover n'entend toutefois pas en rester là alors que sa femme est désespérée. Les Birch, eux, par contre, décident d'accorder leur confiance aux autorités.
Holly et Alex Jones(Melissa Leo et Paul Dano)
Après que Loki soit retourné parler à Alex et sa tante Holly, son enquête piétine toujours. La nuit venue, alors qu'il sort promener son chien, Alex est enlevé par Keller qui le séquestre dans la maison abandonnée de son père (un gardien de prison qui s'est suicidé quelques années plus tôt). Puis il commence à le torturer pour le faire avouer - en vain, malgré l'aide que lui apporte, à contrecoeur, Franklin Birch.
L'inspecteur Loki et Keller Dover
Lors d'une veillée aux chandelles, Loki remarque et poursuit un homme au comportement bizarre, Bob Taylor, qu'il réussit à retrouver quelques jours plus tard grâce à une vendeuse d'une boutique de vêtements chez qui il a acheté des habits pour enfants. L'inspecteur trouve chez ce nouveau suspect les habits en question, ensanglantés, ainsi que des dessins représentant des labyrinthes.
Keller Dover
Certains des habits sont successivement reconnus par les Birch et Keller, qui ne décolère pas contre Loki, qui l'a suivi auparavant jusqu'à la maison abandonnée de son père au lieu de traquer le(s) coupable(s), mais persiste à croire les fillettes encore en vie. Tandis qu'il retourne torturer Alex, Loki malmène Taylor qui lui prend son arme de service et se suicide en se tirant une balle dans la tête, ne laissant derrière lui que de nouveaux dessins de labyrinthes.
L'inspecteur Loki et Keller Dover
Joy Birch est retrouvée en vie, mais droguée, après avoir réussi à échapper à son ravisseur chez qui elle jure avoir vu Keller. Celui-ci se précipite alors chez Holly Jones à qui il avait tenté de soutirer des informations au sujet d'Alex la veille en prétendant lui présenter des excuses pour l'avoir effrayé, ce qui expliquerait sa disparition. Loki pense que Keller est retourné à la maison de son père et, ainsi, découvre Alex. Ce dernier pris en charge par des médecins, l'inspecteur va prévenir sa tante.
Entretemps, Holly Jones a blessé par balles Keller après lui avoir avoué avoir kidnappé les fillettes (comme Alex et d'autres enfants plusieurs années auparavant) et l'a forcé à sauter dans une fosse derrière sa maison, dont elle dissimule le trou en y garant sa voiture. Lorsque Loki arrive chez elle, il la surprend en train de droguer Hannah Dover et la tue quand elle veut lui tirer dessus. Il conduit la fillette à l'hôpital où elle se rétablit. Grace Dover reste cependant sans nouvelles de son époux.
L'inspecteur Loki
La maison des Jones est passée au crible. A la nuit tombée, seul dans le froid, Loki croit entendre le son d'un sifflet, tout proche, sans savoir que c'est Keller qui se sert de celui de sa fille depuis la fosse...
Avant Premier Contact (2016) et Sicario (2015), Denis Villeneuve s'était fait remarquer avec un premier film, Incendies (2010) qui lui a permis de réaliser ce Prisoners, son chef d'oeuvre. Thriller impressionnant de plus de 150 minutes, cet opus reste un tour de force saisissant d'abord par sa capacité à susciter un malaise intense tout au long d'une intrigue constamment tendue mais aussi d'un drame humain.
Tout accuse le simple d'esprit rapidement appréhendé, mais les preuves manquent à la police, contrainte de le libérer. Une erreur selon le père d'une des deux fillettes disparues qui entend bien la corriger, d'une manière terrible, à la (dé)mesure de la souffrance endurée par sa famille et celle de son meilleur ami, également affligé (mais qui choisit, lui, dans un premier temps, de faire confiance aux autorités). Pendant ce temps, justement, un flic pugnace mais prudent poursuit ses investigations. Les deux hommes, ignorant leurs efforts respectifs, s'opposant totalement sur les méthodes à employer, luttent néanmoins contre un même ennemi, le temps qui file et qui est compté.
A travers ces deux personnages s'affrontent deux conceptions de la justice : d'un côté la foi dans la loi et respect de la procédure incarnés par le policier avisé et méticuleux - peut-être trop - ; de l'autre la réactivité émotive et la violence désespérée du père, un "survivaliste" et catholique tourmenté. De cette opposition découle une représentation du clivage philosophique de l'Amérique face à sa criminalité sur fond de repli sur soi.
La grande force du propos et de son traitement tient à ce que rien n'est présenté de manière simpliste : les protagonistes de cette affaire sont caractérisés de manière très dense, avec leurs doutes, leurs failles, leurs convictions. L'écriture du script d'Aaron Guzikowski est puissante et nuancée, de telle sorte qu'il est difficile de juger les actes des uns et des autres d'un bloc.
Ici, le mal et le bien se confondent, les sentiments qui agitent les personnages sont troubles, et ceux que ressent le spectateur le dérangent. Les tortures inhumaines qu'inflige Keller Dover à Alex Jones sont injustifiables moralement mais expriment la confusion, la rage et le chagrin liés, qui agitent ce père de famille sûr de son intuition. Villeneuve s'abstient de trop en montrer, refusant toute complaisance, s'interdisant d'en faire un spectacle pouvant susciter l'adhésion. On n'apprend qu'à la toute fin si, oui ou non, le suspect est le coupable - et la révélation est sidérante. Mais en suggérant habilement, en jouant sur la répétition, la durée, le cinéaste nous entraîne dans un gouffre de sadisme, de vengeance, de cruauté et de peur, au gré de rebondissements, de pistes (valables ou non) dans l'enquête cauchemardesque de Loki.
Esthétiquement, la photo, magnifique, de Roger Deakins (le chef opérateur des frères Coen) souligne cette ambiance oppressante dans un décor hivernal, aux lumières blafardes. Le temps semble s'être arrêté dans ce coin perdu, où semblent se situer les racines de l'inhumanité (en mettant à jour des crimes parallèles et antérieures) alors que le récit se déroule sur à peine une semaine en vérité. Une vraie leçon de narration et de mise en scène.
Portés par des acteurs phénoménaux, habités (Hugh Jackman est impressionnant en justicier possédé, Jake Gyllenhaal est magistral en flic qui, lui aussi, rongé par on ne sait quel fantôme), Prisoners est une plongée en apnée dans la culpabilité, la vengeance, le pardon, aux dimensions quasi-mythologiques (la logique monstrueuse transforme les victimes en bourreaux), jusqu'à ce final glaçant. Un chef d'oeuvre hanté.
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