LOVING est un film écrit et réalisé par Jeff Nichols.
La photographie est signée Adam Stone. La musique est composée par David Wingo.
Dans les rôles principaux, on trouve : Ruth Negga (Mildred Loving), Joel Edgerton (Richard Loving), Michael Shannon (Grey Villet), Nick Kroll (Bernard Cohen), Jon Bass (Phil Hirschkop), Terri Abney (Garnet Jeter), Marton Csokas (le shérif Brooks).
Richard et Mildred Loving, le jour de leur mariage(Joel Edgerton et Ruth Negga)
1958. Etat de Virginie. Richard Loving, maçon, vit avec Mildred Jeter, une femme noire, dans un Etat qui interdit le mariage des couples mixtes. Lorsqu'elle découvre qu'elle est enceinte, ils décident de se marier et partent à Washington pour officialiser leur union. A leur retour, Richard commence à dessiner les plans de leur future maison.
L'arrestation des époux Loving en 1958
Mais, peu après, une nuit, le shérif Brooks et ses hommes procèdent à l'arrestation de Richard et Mildred et les incarcèrent dans deux cellules différentes du poste de police. Menacé d'être renvoyé en prison s'il paie lui-même la caution pour libérer Mildred, Richard loue les services d'un avocat qui convainc le couple de plaider coupable devant le juge afin que leur peine d'un an de prison soit commuée en une interdiction de territoire de 25 ans.
Richard et Mildred
Richard et Mildred s'installent à Washington chez une amie d'enfance de Mildred. Mais ils retournent brièvement et discrètement en Virginie pour l'accouchement de Mildred par la mère de Richard. Arrêtés à nouveau par le shérif Brooks, ils échappent à la prison grâce à l'intervention de leur avocat qui endosse la responsabilité de leur retour et gagne la clémence du juge.
Mildred
Cinq années s'écoulent : après la naissance de Sidney, Mildred donne le jour à deux autres enfants, Donald et Peggy, tandis que Richard a retrouvé une place de maçon. Mais la jeune femme est frustrée de vivre loin des siens et, motivée par son amie après avoir regardé à la télévision la retransmission de la Marche pour les Droits Civiques conduite par Martin Luther King à Washington, elle adresse un courrier à Robert Kennedy. Il renvoie son dossier à l'Union Américaine pour les Libertés Civiles et l'avocat Bernard Cohen contacte Mildred pour l'informer qu'il veut les défendre, elle et son mari, quitte à porter l'affaire jusqu'à la Cour Suprême.
Richard
Les époux Loving rentrent en Virginie où ils s'établissent dans une maison à l'écart de tout. Sur les conseils de Me Cohen, Mildred accepte de répondre aux sollicitations médiatiques afin que l'opinion publique les soutienne. Mais Richard, lui, vit dans la peur constante que ce battage n'incite la police de l'Etat à venir les arrêter à nouveau.
Mildred et Richard
Leur histoire va prendre une tournure décisive avec la visite de Grey Villet, photographe pour le magazine "Life", qui immortalise les Loving dans leur quotidien et interroge les lecteurs sur le fait qu'ils sont, aux yeux de la loi, "coupables de s'aimer". De son côté, avec l'aide de Phil Hirschkop, un collègue que lui a présenté son ancien professeur de Droit, Bernard Cohen poursuit l'action en justice et réussit, grâce à une stratégie audacieuse, à faire annuler la condamnation contre le couple devant la Cour Suprême : désormais, une jurisprudence rend légaux les mariages inter-raciaux.
Mildred et Richard
Richard Loving mourra sept ans plus tard, en 1975, dans un accident de la route. Mildred lui survivra jusqu'en 2008, sans jamais se remarier, en résidant dans la maison que son époux avait bâtie pour elle et leurs enfants.
Ce genre de récits édifiants aboutit souvent à des films lacrymaux et académiques, privilégiant l'exemple à l'exercice cinématographique qui peut transcender le sujet pour le rendre intemporel et universel.
Mike Nichols a voulu contourner ce piège en usant de tact et délicatesse. Quitte à priver son long métrage d'un élément pourtant fondamental : l'émotion.
En soi, il est tout à fait estimable de vouloir à tout prix éviter de trop en faire, et aborder une histoire vraie, avec une forte valeur symbolique (hier comme aujourd'hui, avec la politique menée par l'administration Trump), avec retenue est effectivement intelligent. Ni pamphlet virulent, ni mélodrame sirupeux, Loving laisse entrevoir quel grand film il aurait pu être en s'intéressant à ces héros simples, victimes d'une injustice absurde et cruelle et engagés dans un combat courageux, mené humblement mais obstinément.
C'est quand, en vérité, étrangement, Nichols ne traite d'ailleurs pas directement du cas des Loving, qu'il se contente de les montrer dans leur quotidien, de filmer leur amour simple, évident, profond, autant qu'il a été éprouvé, malmené, bafoué, que son film est le plus beau : ici le regard de Richard sur Mildred triste d'être loin des siens et de la campagne dans laquelle elle a grandie, là le sourire désarmant de Mildred pour Richard qui ne l'a jamais abandonnée et a tout risqué pour elle. Saisis dans les paysages du Sud des Etats-Unis, dans une lumière chaleureuse, ces moments suspendus, simples, essentiels pour mesurer le lien de ces époux, produisent une vraie poésie, fragile, précieuse.
Mais quand on entreprend de raconter une telle aventure, l'humilité de la démarche peut vite s'avérer contre-productive : on a trop souvent le sentiment que Nichols refuse d'étreindre vraiment ses héros, d'embrasser leur relation, qu'il évite à tout prix d'attaquer frontalement cette histoire. Le rythme, contemplatif, se fait alors languissant, ça n'avance pas, on n'est pas touché comme on le devrait, pas ému - un comble !
Si on ne peut que compatir aux tourments des Loving, il faut s'armer de (beaucoup de) patience avant que le scénario ne décolle, et encore juste un peu, au bout d'une heure (sur les deux que dure le film) : une bascule, presque insensible, s'opère alors lorsque Mildred choisit d'entrer en lutte et ne rencontre l'avocat Bernard Cohen - d'ailleurs présenté comme un personnage trouble, semblant agir autant par conviction que par opportunisme, en élaborant une tactique très périlleuse.
Mais plutôt, dès le début, et même ensuite, de privilégier la figure plus dynamique de Mildred, Nichols accorde autant, si ce n'est plus d'importance à Richard, homme taiseux, massif, inquiet, fuyant comme la peste la lumière sur ses problèmes car désirant mener une vie tranquille, cabré sur le fait qu'il peut seul "prendre soin" de sa femme. Le film s'engourdit avec ce personnage qui souffre en silence, tendu mais comme paralysé.
Joel Edgerton l'interprète d'ailleurs de manière très (trop ?) marmoréenne, inexpressif, distant, insondable jusqu'à l'hermétisme. Le contraste est saisissant avec sa partenaire, la radieuse et bouleversante Ruth Negga, qui pour son premier grand rôle a bien mérité sa citation à l'Oscar de la meilleure actrice. On remarque aussi la présence, fugace, mais mémorable de Michael Shannon, comédien fétiche de Nichols, qui hérite de la plus belle scène du film : c'est lui qui incarne Grey Villet, le photographe de "Life", qui immortalisa le couple (voir le cliché ci-dessous).
Richard et Mildred Loving,photographiés par Grey Villet pour le magazine "Life".
Loving, avec un titre pareil, est un film que j'aurai aimé aimer davantage, mais son auteur, effrayé par le sentimentalisme, a rendu cela impossible : trop se contenir parfois revient à ne rien donner au spectateur. C'est une erreur malencontreuse quand il s'agit d'évoquer un amour aussi vibrant que celui de Richard et Mildred.
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