MANCHESTER BY THE SEA est un film écrit et réalisé par Kenneth Lonergan.
La photographie est signée Jody Lee Lipes. La musique est composée par Lesley Barber.
Dans les rôles principaux, on trouve : Casey Affleck (Lee Chandler), Lucas Hedges (Patrick Chandler), Michelle Williams (Randie Chandler), Kyle Chandler (Joe Chandler), Gretchen Mol (Elise Chandler), Matthew Broderick (Jeffrey Garner), CJ Wilson (George), Kara Hayward (Silvie McGann), Anna Baryshnikov (Sandy).
Manchester by the Sea
Résidant à Quincy, dans le Massassuchetts, Lee Daniels travaille comme concierge et homme à tout faire lorsqu'il reçoit un appel de George, un ami de sa famille, qui l'informe que Joe, son frère aîné, a été hospitalisé en urgences après un malaise cardiaque.
Lee Chandler(Casey Affleck)
Lee se rend à Manchester by the Sea, port de pêche et station balnéaire, mais lorsqu'il y arrive, les médecins lui apprennent que son frère est mort depuis une demi-heure. Médusé, il entreprend aussitôt de s'occuper avec George des formalités d'usage puis se rend au lycée de son neveu, Patrick, pour lui apprendre la nouvelle.
Patrick Chandler et Silvie McGann(Lucas Hedges et Kara Hayward)
Quelques jours après, Lee apprend qu'il a été désigné tuteur de Patrick depuis que Joe, diagnostiqué des années auparavant pour une insuffisance cardiaque, se savait condamné. Cette situation le contrarie autant que l'adolescent qui refuse de quitter sa ville natale, ses amis (avec qui il pratique le hockey sur glace et joue dans un groupe de rock) et ses copines (il entretient des relations amoureuses avec deux filles, Silvie et Sandy).
Joe et Lee Chandler(Kyle Chandler et Casey Affleck)
Lee doit rester sur place aussi car le froid hivernal empêche de procéder à l'enterrement de son frère, le sol étant trop dur pour y creuser sa tombe dans la concession familiale. Patrick lui révèle par ailleurs être resté en contact avec sa mère, Elise, qui avait quitté Joe après qu'il ait été une première fois hospitalisé, et qui serait disposée à l'accueillir avec son nouvel époux, Jeffrey Garner, habitant non loin de Manchester by the Sea.
Jeffrey Garner, Elise, Lee et Patrick Chandler(Matthew Broderick, Gretchen Mol, Casey Affleck et Lucas Hedges)
Mais les espoirs du garçon sont vite douchés par l'accueil que lui réservent sa mère et son beau-père, des catholiques très rigides, finalement plus embarrassés que ravis par sa présence. Patrick comprend qu'il n'y a plus d'alternative à la vie avec son oncle même s'il ne s'y résout toujours pas, ce qui cause des tensions entre eux. Lee essaie cependant de trouver des solutions pour faciliter cette future transition, n'ayant pas envie de s'occuper de son neveu malgré l'affection qu'il lui porte.
Randie et Lee Chandler(Michelle Williams et Casey Affleck)
La véritable raison du malaise de Lee à demeurer à s'attarder à Manchester by the Sea se trouve dans son passé : alors marié à Randie, il a assisté, impuissant à la mort de leurs trois enfants dans l'incendie accidentelle de leur maison, une nuit où, ivre, il était sorti acheter des bières après avoir alimenté sa cheminée sans avoir placer un pare-feu devant les bûches. Lorsqu'il croise Randie, remariée et mère d'un enfant, le souvenir de cette tragédie les submerge tous les deux, elle inconsolable s'excusant de l'avoir chassé de sa vie en l'accusant de l'accident, lui incapable de surmonter sa culpabilité.
Lee et Patrick
Finalement, Lee trouve un compromis pour Patrick lorsque George accepte, avec sa femme, de l'adopter. Les funérailles de Joe peuvent enfin avoir lieu grâce à une météo plus clémente. Avant que Lee ne reparte chez lui, il partage une partie de pêche sur la péniche de son frère avec Patrick, comme ils en avaient l'habitude autrefois...
Scénariste pour Martin Scorsese (Gangs of New York, 2002) et réalisateur de seulement deux films avant celui-ci (Tu peux compter sur moi en 2000, et Margaret, en 2011, dont ses producteurs le déposséderont au terme d'une lutte judiciaire pour l'exploiter en catimini après l'avoir remonté), Kenneth Lonergan a réussi un de ces come-back improbables comme seul Hollywood en connaît. Salué par une critique dithyrambique et plusieurs citations aux Oscar (et le prix du meilleur acteur pour Casey Affleck), Manchester by the Sea est un vrai symbole cinématographique à lui tout seul.
Cette histoire de deuil impossible, d'un drame intime irréparable, est donc d'abord celle du cinéaste qui nous raconte la difficulté à renaître, à revenir après une profonde douleur, à tourner la page, à surmonter la souffrance. Autant de clés qui en font un témoignage rare et déjà très troublant, mais traité avec une pudeur exemplaire.
Mais il serait réducteur de considérer ce long métrage comme une expérience autobiographique, une métaphore des affres d'un auteur. Ce serait lui retirer toute sa dimension purement artistique, lui ôter tout son intérêt fictionnel. Or, c'est aussi, c'est surtout, un récit formidablement fort, juste, une sorte de chef d'eouvre minimaliste qui, pendant près de 140 minutes, déploient toute sa puissance romanesque.
La construction morcelée du scénario, qui glisse du présent au passé, sans prévenir, en flash-backs rapides, percutants et poignants, lui confère un souffle étonnant malgré la retenue dont fait preuve Lonergan dans sa mise en scène. Progressivement, les secrets de Lee Chandler nous sont dévoilés et avec eux l'épouvantable tragédie qui explique son profond malaise à revenir et rester à Manchester by the Sea.
Il ne s'agit pas seulement d'enterrer son frère (un frère qu'il savait condamné depuis longtemps), ce qui est déjà une épreuve pénible, contrariée par le froid (ce qui injecte un humour absurde épatant au sujet), ni même d'affronter médecins, employés des pompes funèbres, voisins hostiles ou empruntés avec lui, ou même son neveu revêche, plus occupé par ses conquêtes féminines que par les dernières volontés de son père (qui le sidèrent autant que Lee). Il s'agit de faire face à la mort de son propre couple avec Randie, qui s'est entretemps remariée et a eu un nouvel enfant, tandis que les leurs ont péri dans un incendie dont il s'estime coupable.
Comme il finit par l'avouer à Patrick, Lee "n'y arrive pas". Il n'y arrive plus. L'adolescent et son oncle craqueront tardivement et de manière imprévisible - le premier après une longue période de déni, le second après une bagarre pathétique dans un bar où il s'est soûlé pour tenter (en vain, comme toujours) d'oublier, du moins de s'anesthésier. Lonergan prend son temps pour arriver à ces moments de vérité, non pour tester la patience du spectateur mais simplement parce que c'est souvent ainsi que ça se passe dans la vraie vie, et ce choix narratif, périlleux, est parfaitement accompli.
Au centre d'un casting impeccable (Kyle Chandler et CJ Wilson en frère et ami, ou Gretchen Mol, Matthew Broderick, Kara Hayward - découverte dans Moonrise Kingdom de Wes Anderson - qui s'imposent souvent le temps d'une seule scène), Casey Affleck est effectivement fascinant : son jeu, d'une retenue confinant à l'épure, donne au film toute sa dignité, autrement dit ce n'est pas une "performance" lacrymale, hystérique, mais une interprétation minérale, intense, de la douleur d'un homme devenu absent à lui-même et au monde, écrasé par ce qu'il vécu, mais aussi endurci au point de ne plus avoir de plaisir. Impressionnant.
Lucas Hedges (lui aussi issu de chez Wes Anderson) est épatant en ado rebelle, têtu, dont le charme cynique se fissure quand le chagrin le rattrape et qu'il (re)découvre le drame de son oncle (un moment, plus qu'une vraie scène, où il entre dans la chambre de ce dernier en son absence et voit, sur une commode, trois cadres avec les photos de ses enfants : rapide, sans un mot, sans musique, et pourtant renversant).
Derrière, donc, sa rugosité mélancolique, son temps dilaté, comme suspendu, pareil à celui qu'on traverse tel un somnambule quand un grand malheur s'abat sur vous, Manchester by the Sea se termine, apaisé, dans un lyrisme délicat et révèle son vraie thème, la consolation. Frissons garantis.
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