TOUTE PREMIERE FOIS est un film écrit et réalisé par Noémie Sagliot et Maxime Govare.
La photographie est signée Jérôme Almeras. La musique est composée par Mathieu Lamboley.
Dans les rôles principaux, on trouve : Pio Marmaï (Jérémie), Frank Gastambide (Charles), Adrianna Gradziel (Adna), Lannick Gautry (Antoine), Camille Cottin (Clémence), Isabelle Candelier (Françoise, la mère de Jérémie), Frédéric Pierrot (Hubert, le père de Jérémie), Nicole Ferroni (Sarah, la soeur de Jérémie).
Jérémie(Pio Marmaï)
Jérémie, séduisant trentenaire parisien, dirige avec son meilleur ami, Charles, un institut de sondages, "Vitalis".
Charles(Frank Gastambide)
Il partage également sa vie avec son compagnon, Antoine, brillant chirurgien cardiaque, avec lequel, comme il l'a annoncé à ses parents, il s'apprête à bientôt se marier.
Jérémie et Antoine(Pio Marmaï)
Tout va donc pour le mieux : professionnellement et sentimentalement épanoui, soutenu par sa famille, un seul problème brouille sa situation... Il vient de passer la nuit avec une ravissante suédoise, rencontrée dans une boîte de nuit, Adna !
Adna(Adrianna Gradziel)
Il l'avoue rapidement à Charles, pourtant peu fiable car coureur de jupons invétéré et incapable d'admettre qu'il aime son assistante de direction, Clémence, parce qu'elle est la seule à lui tenir tête. Cependant, pour éprouver les sentiments et les désirs de Jérémie, il décide d'engager Adna comme stagiaire alors qu'elle n'a aucune compétence pour ce boulot.
Adna, Charles et Jérémie
Mais cette proximité fournit effectivement un test complexe pour Jérémie qui se montre jaloux quand un collègue drague Adna et qui, une fois dans leur appartement avec Antoine, connaît de perturbantes pannes sexuelles.
Clémence et Jérémie(Camille Cottin et Pio Marmaï)
Incapable de choisir, Jérémie se brouille un moment avec Charles à qui il reproche de n'être pas plus courageux de son côté avec Clémence. Cette fâcherie sert de déclencheur pour les deux amis : Charles avoue publiquement ses sentiments à Clémence tandis que Jérémie est finalement démasqué par Adna lors du vernissage d'une exposition des peintures d'un ami à laquelle il assiste avec Antoine.
Adna, Jérémie et Charles
La rupture entre Antoine, qui apprend à son tour l'infidélité et les indécisions de son compagnon, et Jérémie est consommée, sa famille est affligée. Mais il est désormais obligé d'affronter la réalité et s'envole pour la Suède pour retrouver Adna.
Jérémie et Adna
Il lui déclare son amour devant ses parents et ses frères dans une contrée isolée. Puis, de retour ensemble à Paris, ils assistent au mariage civil d'un couple d'amis homosexuels où figurent aussi Antoine et son nouveau compagnon, que lui a présenté... Adna.
Fréquemment, je me replonge dans la lecture de quelques pages des passionnantes Conversations avec Billy Wilder de Cameron Crowe, un ouvrage formidable non seulement pour goûter à la verve de cet immense cinéaste mais aussi pour comprendre comment il a écrit et réalisé ses (souvent) fabuleux longs métrages. Toute sa vie durant, Wilder n'a cessé de louer Ernst Lubitsch comme son maître, celui qui lui avait appris comment produire des comédies, leur construction, et la manière dont le genre nécessitait de jouer avec le spectateur pour éviter de nombreuses lourdeurs.
Les leçons de Wilder, comme celles qu'il avait apprises de Lubitsch, sont toujours aussi instructives et pertinentes après toutes ces années. Elles disent la rigueur que la comédie exige et quels délicats mécanismes elle actionne. C'est tout un art de suggérer plutôt que de tout dire, de savoir susciter et doser le rire, de ne pas sombrer dans une sentimentalité mièvre, d'animer des personnages riches et vivants dans des situations subtiles et drôles, etc.
La comédie américaine est devenue, par le talent (le génie quelquefois) de ses scénaristes et réalisateurs, un genre aux codes sophistiqués et typiques. Aujourd'hui, sans vouloir jouer les passéistes, et parce que je ne vois pas non plus tout ce qui est produit dans le domaine, il me semble tout de même que les délices de Hawks, Cukor, (Preston) Sturges, McCarey, Wilder et donc Lubitsch ont fait place à une épaisse pâtisserie avec des gags en-dessous de la ceinture, dans une surenchère qui confond transgression et régression.
En Europe, le tableau n'est guère plus reluisant : l'Angleterre propose épisodiquement quelques pépites, mais la comédie italienne est fantomatique (alors qu'elle en produit un paquet de mémorables autrefois). En Espagne, la fantaisie n'est guère mise à l'honneur (même quand Almodovar y revient, il signe son plus mauvais ouvrage avec Les Amants passagers). Et en France, même si Pierre Salvadori ou Cédric Klapisch s'y essaient avec inspiration, le genre est devenu très formaté pour être programmé en prime time sur les grandes chaînes de télé qui financent le cinéma hexagonal.
Tout ça pour situer cette Toute Première Fois dont le sujet promettait un peu d'audace mais qui échoue à tenir ses promesses justement en étant trop convenu et en échouant (on en revient aux leçons de Lubitsch et Wilder) à exploiter sinon intelligemment, en tout cas habilement son postulat.
Le piège dans lequel sont tombés Noémie Sagliot et Maxime Govare, c'est de placer toute leur intrigue sous le signe du choix : Jérémie, le héros, qu'on découvre dès la première scène sidéré parce qu'il a couché avec une femme alors qu'il est un homosexuel qui s'assume et qui est heureux en couple, passe les 90 minutes suivantes à tenter de comprendre ce qui lui est arrivé puis à admettre que la jolie suédoise avec laquelle il a été infidèle lui convient mieux que le beau chirurgien avec lequel il vit. A la fin du film, il est devenu un hétérosexuel tout à fait rangé et, malgré tout le mal qu'il a pu faire, toute la confusion qu'il a semée (et qu'il a lui même traversée), il nous est montrés comme un individu sans regrets - comme si avoir été gay depuis ses quinze ans n'avait été qu'un malentendu - ni remords - et pour cause, son meilleur ami comme son ex-compagnon ont (re)trouvé le bonheur comme lui.
Ce n'est pas accablant : après tout, il ne s'agit que d'une petite comédie, sans prétention (les auteurs ne prétendent pas délivrer un quelconque message sociétal), et j'ai parfois ri de bon coeur, grâce à la prestation du toujours impeccable Pio Marmaï (dont l'abattage ne sacrifie jamais une interprétation nuancée). Mais demeurent des faiblesses trop évidentes pour que le plaisir soit total : de nombreux seconds rôles mal écrits, voire dispensables : Camille Cottin balance quelques répliques bien senties comme son personnage dans la série Connasse - à laquelle participait Noémie Sagliot - et c'est tout, Frank Gastambide ne déborde jamais du cadre du rôle éculé du copain sympa mais lourdingue, alors que Nicole Ferroni joue une soeur tête-de-turc dont on ne comprend jamais pourquoi elle suscite tant de mépris de la part de ses parents, campés par Isabelle Candelier et Frédéric Pierrot. Quant à Adrianna Gradziel, elle est charmante, assez pour semer le trouble, mais son personnage n'est pas davantage développé (alors qu'elle est à l'origine de toute l'intrigue !).
Au final, on a avec Toute Première Fois un long métrage profitant de la libération sociétale mais qui ne s'en sert que comme prétexte et pour aboutir à une situation paradoxalement très rétrograde où l'orientation sexuelle d'un personnage est aussi étonnamment réversible, comme s'il s'agissait d'une anomalie à corriger. En matière d'audace, Lubitsch avait bien moins peur d'être incorrect il y a 80 ans, tout en étant bien plus efficace !
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