MAL DE PIERRES est un film réalisé par Nicole Garcia.
Le scénario est écrit par Nicole Garcia et Jacques Fieschi avec la collaboration de Natalie Carter, d'après le roman de Milena Agus. La photographie est signée Christophe Beaucarne. La musique est composée par Daniel Pemberton.
Dans les rôles principaux, on trouve : Marion Cotillard (Gabrielle), Alex Brendemühl (José Rabascall), Louis Garrel (André Sauvage), Brigitte Roüan (Adèle, la mère de Gabrielle), Victoire du Bois (Jeanine, la soeur cadette de Gabrielle), Aloïse Sauvage (Agostine), Victor Quilichini (Marc, le fils de Gabrielle).
Gabrielle(Marion Cotillard)
Années 1950. Sud de la France. La passion amoureuse de Gabrielle pour son instituteur, un homme marié, met ses parents dans l'embarras et provoquent des ricanements parmi les ouvriers espagnols qui travaillent dans leur exploitation.
Gabrielle
Ayant remarqué qu'un de ces ouvriers, José Rabascall, qui a fui l'Espagne de Franco, est épris de sa fille aînée, Adèle, la mère de Gabrielle, arrange leur mariage auquel la jeune femme se résigne lorsqu'on menace de l'interner.
Gabrielle
Les noces sont célébrées religieusement même si Gabrielle a fait comprendre au préalable à José que jamais elle ne couchera avec lui. Après quoi ils s'installent à Marseille où lui s'établit comme maçon et elle tient son secrétariat. José fréquente des prostituées jusqu'à ce que Gabrielle accepte enfin de de lui ouvrir son lit s'il la paie. Elle fait une fausse couche et le médecin lui diagnostique alors des calculs rénaux (dont elle souffrait depuis longtemps sans le savoir).
Gabrielle et José Rabascall(Marion Cotillard et Alex Brendemühl)
De mauvais coeur, Gabrielle accepte de suivre une cure de six semaines. Entre deux séances de balnéothérapie et de sauna, elle sympathise avec Agostine, une jeune infirmière, et rencontre André Sauvage, lieutenant de l'armée française revenu malade d'Indochine. Il est souvent visité par son ordonnance, un chinois rebaptisé Blaise, et partage avec la jeune femme le goût des livres et la pratique du piano - tous deux adorent particulièrement une Barcarolle de Tchaïkovski.
André Sauvage et Gabrielle(Louis Garrel et Marion Cotillard)
José vient voir sa femme qui lui réserve un accueil glacial. Mais le transfert d'André dans un hôpital à Lyon la plonge ensuite dans une profonde mélancolie. Lorsqu'il revient, apparemment rétabli, juste pour la revoir, ils deviennent amants. La fin de la cure de Gabrielle approchant, ils se promettent de correspondre et de se retrouver plus tard.
Gabrielle
De retour à Marseille, Gabrielle avoue son infidélité à José et son projet de rejoindre André dès que possible. Pourtant les lettres qu'elle lui envoie restent sans réponse - pire : on finit par les lui retourner sans qu'elle aient été ouvertes. La guerre d'Indochine s'achève quand Gabrielle donne naissance à un garçon, Marc, dont André est logiquement le père, mais que José va élever comme son propre fils. Le garçon grandit en manifestant un talent tel au piano que son professeur l'inscrit à un concours à Lyon.
José et Gabrielle
En passant devant l'adresse où elle envoyait ses lettres à André, Gabrielle ne peut s'empêcher d'aller vérifier s'il est là. Mais son ordonnance, Blaise, lui apprend que le lieutenant est mort le lendemain de son départ de la cure. Marc remporte le deuxième prix au concours et sur la route du retour, José révèle à Gabrielle avoir parlé une seule fois à André quand ils étaient en cure : il devina qu'il était son amant et, la nuit venue, le maçon se glissa dans la chambre de sa femme pour lui faire l'amour. C'est bien leur fils qu'elle a mis au monde. Plus troublant encore : en retrouvant une photo prise avec André au sanatorium, elle seule y figure, comme si elle n'avait fait que rêver leur amour.
Par amour pour José qui n'a jamais voulu autre chose que son bonheur et rester avec elle, Gabrielle l'accompagne en Espagne jusqu'à son village natale.
Cinéaste classique, comme on dirait "à l'ancienne", Nicole Garcia n'a en tout cas peur de rien : elle propose ici un pur mélodrame, éminemment romanesque, construit sous la forme d'un long flash-back (un procédé que peu ose utiliser aujourd'hui). Mais de ces clichés, elle tire sa force et relève le défi avec un panache certain. Le résultat est en tout cas plus que concluant, et son film renoue avec la réussite de ses premiers opus (Un Week-End sur deux, 1990 ; Le Fils préféré, 1994).
Comme autrefois donc, la cinéaste impose des personnages fiévreux, très écrits, dignes de la littérature du XIXème siècle (alors que le roman adapté est récent, publié en 2006), filmés dans le Sud de la France qui prend des airs de décors de western grâce à la photo solaire de Christophe Beaucarne (on peut penser ce qu'on veut de Nicole Garcia mais ses longs métrages sont toujours très soignés visuellement).
L'héroïne de Mal de Pierres est la digne héritière des précédentes créatures (masculines comme, plus rarement, féminines) saisies par Garcia, un personnage complexe, peu aimable, déchiré par ses sentiments, traversé par des failles profondes et secrètes, animé par une soif d'amour éperdu. Elle est intranquille, inquiète, en proie à des interrogations quasi-mystiques (ici soulignées par son éducation catholique). Sa mélancolie est nourrie par une passion inassouvie et une famille plus soucieuse de préserver sa réputation que de la comprendre. Gabrielle infligera à son mari des caprices et des exigences terribles et il les accepte avec un mélange de noblesse et d'abnégation aussi étonnante qu'admirable. Pour cet homme, taiseux mais aimant absolument, seul importe de garder cette femme même si elle ne lui témoignera longtemps aucun amour.
Aux sentiments âpres et féroces du premier acte succèdent ceux débridés du deuxième, jusqu'à la folie (littéralement, comme on le comprendra à la toute fin), pour un beau lieutenant condamné. Gabrielle se consume pour lui comme si elle comptait autant le sauver, lui, que se sauver, elle. Au centre du film, Garcia filme leur unique nuit d'amour comme une longue étreinte à la fois urgente et lascive, de manière crue et très belle. Cette romance sans retour, et sans avenir, aboutit à un dénouement bouleversant, grâce à un twist magistralement amené, quasi-fantastique - et déjouant du coup l'apparent académisme du projet.
Pour jouer cela, il fallait une actrice en totale confiance avec sa réalisatrice et Marion Cotillard livre une nouvelle interprétation (pour laquelle elle est citée aux prochains César) effectivement exceptionnelle, à la fois intense et retenue, nette et précise dans l'émotion et subtile dans l'expressivité. (De quoi inspirer un peu plus de respect à tous ceux qui se moquent d'elle en évoquant - le nullissime - Batman : The Dark Knight Rises en 2012 ? Pas sûr : les haters préfèrent persister et signer que reconnaître le talent d'une interprète indignement ridiculisée par un mauvais cinéaste...) Ses partenaires ne peuvent qu'essayer de s'aligner sur la note tenue par cette virtuose (Alex Brendemühl, magnétique, s'en sort mieux que Louis Garrel, atone).
Cette tension sensuelle produit un trouble puissant et poignant et donne à ce Mal de Pierres une qualité précieuse car rare : ce qu'on appelle du souffle.
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