L'OURS ET LA POUPEE est un film réalisé par Michel Deville.
Le scénario est écrit par Michel Deville et Nina Companeez (également auteur des dialogues). La photographie est signée Claude Lecomte. La musique est composée par Eddie Vartan.
Dans les rôles principaux, on trouve : Jean-Pierre Cassel (Gaspard), Brigitte Bardot (Félicia), Daniel Ceccaldi (Ivan), Olivier Stroh (Arthur), Georges Claisse (Stéphane), Xavier Gélin (Réginald), Sabine Haudepin (Julie), Valérie Stroh (Charlotte).
Gaspard
(Jean-Pierre Cassel)
Gaspard est violoncelliste dans l'orchestre de l'O.R.T.F., bougon et très myope. Il élève seul depuis son divorce son fils unique et ses trois nièces dans sa maison de campagne à Bougival.
Félicia
(Brigitte Bardot)
Félicia est une ravissante jeune femme, bourgeoise et capricieuse, qui collectionne les liaisons et les divorces. Elle emploie d'ailleurs comme chauffeur occasionnel Ivan, un de ses anciens maris, qui la conduit à des fêtes où elle tente de tromper son ennui.
Gaspard et Félicia
Un matin, après que Gaspard ait déposé les enfants à l'école, sa 2CV est percutée par la Rolls-Royce de Félicia, sortie faire quelques emplettes en compagnie d'Ivan. Il la reconduit chez elle en s'amusant du fait que sa voiture a moins souffert de l'accident que celle de sa passagère. Puis il rejoint son orchestre pour une répétition.
Gaspard et Félicia
Lorsque Ivan apprend ce qui s'est passé, Félicia lui promet d'arranger la situation en faisant signer un constat à l'amiable à Gaspard. Elle tente de le joindre par téléphone à l'ORTF mais n'y parvient qu'en l'appelant chez lui dans la soirée. Il accepte de la retrouver chez elle où elle donne une réception, mais la jeune femme, vexée qu'il ne succombe pas à son charme, va décider de le harceler la nuit durant.
Félicia et Gaspard
Félicia suit Gaspard jusque chez lui et s'y incruste en cherchant à le pousser à bout. Il devine le but de ses manoeuvres et les esquive. Toutefois, échouant à la faire partir et parce qu'elle est sous l'emprise la boisson, il préfère la garder pour sa sécurité. Amusé par son comportement de chipie, il baisse progressivement la garde tout comme elle - même si aucun des deux n'avoue ses sentiments naissants.
Félicia et Gaspard
Félicia et Gaspard soufflent le chaud et le froid jusqu'au petit matin dans la maison où les enfants assistent à leurs chassés-croisés, déjà conscients, eux, qu'ils s'aiment. Poursuivant leurs échanges dans le parc, Gaspard vole un baiser à Félicia. Elle fuit, il la rattrape au bord d'un cour d'eau et elle l'embrasse à son tour. L'ours et la poupée ne peuvent désormais plus se passer l'un de l'autre...
Et l'ours aima la poupée...
Au milieu des années 1960, Michel Deville et Nina Companeez rédigent un premier jet de cette histoire inspirée par les "screwball comedies" américaines d'avant-guerre. Mais leur productrice, Mag Bodart, n'est pas convaincue et refuse d'investir dans ce projet. Deville se rabat sur un autre, qui deviendra Bye Bye Barbara (1968), avant de revenir à ce script avec sa collaboratrice.
Le cinéaste souhaite confier le rôle principal de la femme sophistiquée à laquelle aucun homme ne résiste à Catherine Deneuve et celui du père de famille qui la repousse à Jean-Paul Belmondo, mais il propose aussi ce personnage à Alain Delon. Un article du "Figaro" révèle que Deville a contacté simultanément les deux stars masculines qui décident alors de décliner son offre. Deneuve, par solidarité, se désiste à son tour.
La tactique maladroite va forcer la Fox, qui produit le film, et le réalisateur à négocier plus habilement : Brigitte Bardot est approchée, mais les cadres du studio grimacent car elle a subi connu plusieurs échecs. Justement, pour Deville, c'est l'occasion de l'engager à moindre frais - réflexion peu délicate... Puis il évoque Jean-Pierre Cassel pour lui donner la réplique mais les financiers préféreraient Yves Montand : celui-ci tourne Melinda (Vincente Minelli, 1970) et refuse. Cassel, légitimement vexé, accepte de signer à deux conditions : être traité à égalité avec "BB" et avec plus de considération par son metteur en scène.
Deville aura beau jeu d'expliquer ensuite que ce casting était meilleur car il ajoutait "de l'authenticité et de la sensibilité au récit" avec qu'avec Belmondo ou Delon et Deneuve, "cela aurait ressemblé à un match de stars".
Le tournage débute en Normandie à l'Eté 69 dans une chaleur caniculaire, ce qui obligera à filmer plusieurs scènes sous une pluie artificielle. Cassel n'est pas au bout de sa peine non plus, devant composer avec des enfants peu motivés par la comédie et un gros chien susceptible. Mais, heureusement, il s'entend parfaitement avec Bardot.
La Fox ne sortira le film en salles que début 70 sans y croire (Mag Bodard commandera une affiche dessinée à la va-vite), mais le public l'accueille avec enthousiasme. Malgré un démarrage laborieux, le résultat ne manque pas de charme, grâce à une interprétation formidable et des dialogues pleins d'esprit (ce sera d'ailleurs la dernière collaboration entre Companeez et Deville).
L'Ours et la poupée n'égale pas ses illustres modèles américains de l'âge d'or pour autant : bien que rapide et bref (85 minutes), et bénéficiant d'une mise en scène très fluide, l'histoire est insuffisamment développée, comme si, en vérité, la fantaisie invoquée était un peu forcée. Le coeur du film tient d'ailleurs à un huis clos dans la maison de Gaspard où sont déclinées des motifs empruntés au théâtre de boulevard avec des portes qui claquent, de la vaisselle cassée, des escaliers montés et descendus. Peut-être parce que, comme écrit plus haut, les enfants retenus au casting n'étaient pas emballés, ils sont rapidement écartés, au point qu'on les oublie complètement. Circonscrite dans un espace somme tout réduit, l'action et les gags sont comme étouffés alors que la "screwball comedy" s'appuie beaucoup sur le mouvement, l'exploitation des décors et des accessoires, la façon dont les personnages se débattent avec ce qui les entourent. Dans la maison de campagne de Gaspard, les options sont forcément limitées.
L'essentiel repose alors sur l'abattage des comédiens et Cassel et "BB" forment un couple épatant. Il a alors 37 ans et elle 35, ce ne sont donc plus des perdreaux de l'année, mais cet entre-deux âges confère une épaisseur à leurs personnages : Gaspard est divorcé, Félicia accumule les aventures sans lendemain, ils ne croient plus en l'amour, c'est donc parfait pour qu'il leur tombe dessus au moment le plus inattendu puisqu'ils mènent des existences opposées donc complémentaires. "La poupée" désire au fond qu'on lui résiste pour prouver qu'elle peut encore séduire, "l'ours" est éprouvé par cette femme qui prend comme un défi de le charmer.
La magie opère vraiment quand, le temps d'une scène dans la chambre de Gaspard, Félicia imite un homme qui tenterait de séduire une jeune fille, sans manière : le spectateur comprend alors avant eux qu'ils sont faits l'un pour l'autre car en inversant leurs rôles, il montre à l'autre ce qui cloche chez lui - elle trop précieuse et allumeuse à la fois, lui trop sauvage et déjà dépassé. Cassel est prodigieux en musicien farouche et excédé, Bardot sexy en diable en mondaine frivole et collante, mais tous deux sont finalement très touchants quand ils saisissent ce qui leur arrive.
Il manque donc un peu de rigueur à cet exercice de style dont les acteurs sont les meilleurs atouts : c'est un peu frustrant mais quand même sympathiquement désinvolte.
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