L'AMANT DE CINQ JOURS est un film réalisé par Philippe de Broca.
Le scénario est écrit par Philippe de Broca et Daniel Boulanger (également auteur des dialogues), d'après le roman de Françoise Parturier. La photographie est signée Jean Penzer. La musique est composée par Georges Delerue.
Dans les rôles principaux, on trouve : Jean-Pierre Cassel (Antoine Chérier), Jean Seberg (Calire Thiébaut), Micheline Presle (Madeleine de Seaulieu), François Périer (Georges Thiébaut), Carlo Crocolo (Mario, le chauffeur de Madeleine), Claude Mansard (Paulin, le tailleur de Madeleine).
Antoine Chérier et Madeleine de Seaulieu
(Jean-Pierre Cassel et Micheline Presle)
A la présentation de la collection de la maison de Haute-Couture de Madeleine de Seaulieu, Antoine Chérier, son amant, fait la connaissance de Claire Thiébaut, la meilleure amie de la styliste. Les deux jeunes gens se séduisent en plaisantant durant le défilé. Mais elle ignore qu'il est entretenu par Madeleine et lui ne sait pas qu'elle est l'épouse rangée de Georges, un gentil archiviste.
Georges et Claire Thiébaut
(François Périer et Jean Seberg)
Antoine et Claire deviennent amants mais le week-end renvoie chacun à son triste sort. Comme chaque dimanche Claire accompagne son époux et leurs deux enfants en bas âge au château de Chantilly dont Georges connaît tout l'historique alors qu'Antoine entretient le jardin de la propriété de Madeleine à Montfort-l'Amaury.
"Madame, c'est la peau qui vous habille le mieux."
(Antoine à Claire)
Le lundi, les amants se retrouvent et Claire accepte de passer avec Antoine la nuit de mardi à mercredi. Elle raconte à Georges qu'elle dormira chez Madeleine à qui elle confie avoir un amant - elle comprend alors qu'Antoine est aussi celui de son amie quand celle-ci lui vante les mérites du jeune homme. Cela n'empêche pas Claire de passer une nuit exquise avec lui, en se promenant à Vincennes où ils jouent aux courses hippiques et s'amusent avec leurs gains jusqu'au petit matin.
Madeleine et Antoine
Souhaitant renoncer à sa situation pour partager sa vie avec Claire, Antoine annonce à Madeleine qu'il la quitte pour réintégrer la compagnie d'assurances où il travaillait avant de la rencontrer. Inquiète de ce rebondissement, Madeleine interroge Mario, son chauffeur, qui transporte aussi Antoine, et apprend sa liaison avec Claire.
"Comment appelez-vous la femme qui prend l'homme de sa meilleure amie ?
- Une paresseuse." (Madeleine à Georges)
- Une paresseuse." (Madeleine à Georges)
Indignée, Madeleine va se venger en invitant Claire, Georges et Antoine à une réception le lendemain soir. Antoine sympathise avec Georges devant Claire, confuse - et confondue. Le jeune homme saisit les intentions de son ancienne maîtresse mais aussi, plus tard, en recevant Claire chez lui qu'elle ne souhaite pas quitter son mari pour mener une vie aussi sage avec lui.
Madeleine et Antoine
Georges, qui a également deviné les dessous de la manoeuvre de Madeleine, pardonne à Claire dont il souhaite avant tout qu'elle soit heureuse pour ne pas la perdre. Antoine tentera, en vain, de se réconcilier avec Madeleine tandis que Claire continuera à attendre qu'un nouvel amant.
Avec ses deux premiers films (Les Jeux de l'amour et Le Farceur, 1960), Philippe de Broca avait rapidement posé les bases d'un univers ludique via des intrigues sentimentales animées par son double de cinéma, Jean-Pierre Cassel. Leur collaboration connaîtra son aboutissement en 64 avec Un Monsieur de compagnie (dont je vous ai parlé récemment).
Entretemps les deux partenaires ont signé cette autre merveille, moins connue car reniée par le réalisateur. De Broca n'a jamais vraiment précisé pourquoi il était si peu satisfait de L'Amant de cinq jours, mais on peut penser que c'est parce qu'ici la noirceur du dénouement de l'histoire l'emporte sur la légèreté. Or, on sait que le cinéaste préférait produire des longs métrages positifs, autant par goût qu'en réaction à ses expériences personnelles durant la guerre d'Algérie.
Il est indéniable que ce film, alliant miraculeusement la comédie et le drame romantiques, détone : l'insouciance du fantasme n'y est pas représentée comme un refuge pour ses protagonistes mais bien comme la traduction de leurs peurs profondes. Madeleine voit dans Antoine sa propre jeunesse et sa beauté perdues, Claire projette sur lui son besoin de fantaisie dans une vie conjugale ennuyeuse, Georges ne voit pas (ne veut pas voir ?) l'infidélité de sa femme car il est trop absorbé par son travail d'archiviste, Antoine ne se rend pas compte qu'il risque de tout perdre en voulant celle qu'il aime plus que le confort de sa situation actuelle.
C'est l'occasion de louer une fois de plus le talent exceptionnel et mésestimé de Jean-Pierre Cassel, comédien auquel on a du mal à trouver un héritier aujourd'hui (son fils Vincent évoluant dans des registres très différents et sa fille Cécile s'est davantage affirmée comme chanteuse - sous le pseudonyme de Hollysiz). Adoubé par rien moins que Gene Kelly, c'était un danseur prodigieux et cette dimension physique définit son jeu à la fois très expressif et animé, sa classe naturelle faisant le reste (là encore, peu d'interprètes ont cette prestance). Tout est mouvement chez Cassel, et ce mouvement est précis, comme sa diction à la fois nuancée et claire (comparez la manière de dire les dialogues à l'époque avec celle de la majorité des - jeunes - acteurs actuels, et vous verrez à quel point tout le monde semble marmonner aujourd'hui...).
Le personnage d'Antoine est sans doute le plus lucide de tous, à tout le moins celui qui paiera le prix le plus élevé pour ses actions. Mais, avec une élégance épatante, soulignée par les dialogues magiques de Daniel Boulanger (à réévaluer lui aussi car s'il est moins flamboyant que Jacques Audiard, il est bien plus fin et spirituel), Jean-Pierre Cassel l'incarne à sa manière, bondissante et enjouée, même quand il comprend que les moments volés avec Claire ne sont qu'une parenthèse avant qu'elle ne rentre chez elle, ou quand il sait que le temps passé avec Madeleine n'est qu'un simulacre de vie à deux car elle est plus occupée en vérité par ses affaires que par lui le reste de la semaine.
Antoine émeut car il comble le vide dans l'existence de deux femmes tout en étant toujours frustré, et lorsqu'il voudra y remédier, il perdra tout : la protection de sa maîtresse qui ne lui pardonne pas d'en aimer une autre et l'affection de son amante qui le désirait surtout parce qu'il la divertissait. Sa dernière scène, où il est seul, le combiné de son téléphone à la main, largué par Madeleine et délaissé par Claire, est bouleversante : le Zébulon plein de charme est un jeune homme défait.
Auparavant, de Broca réussit à mêler la délicatesse à la sensualité dans une scène superbe où Antoine déshabille Claire, conquise et qui le mange des yeux, ou quand ils passent la nuit ensemble, entre amusement et passion. La ballade des amants dans Paris, la nuit, superbement photographiée par Jean Penzer (comme d'habitude, le film est visuellement renversant de beauté), est accompagnée par une musique magnifique de Georges Delerue. Cette partition habille d'une mélancolie poignante les instants tendres et charnels, par définition et par avance éphémères, quand ensuite chacun ressentira la cruauté de ses inaccessibles désirs (Madeleine voyant Antoine le quitter pour une femme plus jeune qu'elle - Micheline Presle est fabuleuse en "cougar" aigrie et vengeresse - , Antoine voulant travailler pour mériter Claire qui ne souhaite surtout pas reproduire ce qu'elle vit avec Georges, Georges préférant dormir sur son canapé plutôt que dans le même lit que sa femme par peur de lui dire des choses qu'il regrettera ensuite - François Périer est admirable dans cette scène).
Un mot encore sur Jean Seberg : elle compose un personnage de femme finalement indigne mais qu'elle parvient à rendre touchante, et sa beauté fragile reste aussi troublante après plus d'un demi-siècle.
Philippe de Broca s'est trompé en n'appréciant pas son propre travail : L'Amant de cinq jours est un joyau.
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