ON S'FAIT LA VALISE, DOCTEUR ? (What's Up, Doc ?) est un film réalisé par Peter Bogdanovich.
Le scénario est écrit par Buck Henry, David Newman et Robert Benton, d'après une histoire de Peter Bogdanovich. La photographie est signée Laszlo Kovacs. La musique est composée par Artie Butler.
Dans les rôles principaux, on trouve : Ryan O'Neal (Howard Bannister), Barbra Streisand (Judy Maxwell), Madeline Kahn (Eunice Burns), Kenneth Mars (Hugh Simons), Austin Pendleton (Frederick Larrabee), Mabel Albertson (Mme Van Hoskins), Liam Dunn (le juge Maxwell).
Howard Bannister et Eunice Burns(Ryan O'Neal et Madeline Kahn)
San Francisco. Docteur en musicologie, Howard Bannister, accompagné de sa fiancée Eunice Burns, concourt pour l'obtention d'une bourse de 20 000 $ offerte par le directeur du conservatoire Frederick Larrabee.
Judy Maxwell et Howard Bannister(Barbra Streisand et Ryan O'Neal)
En concurrence avec Hugh Simons, Howard se prépare au dîner donné par le mécène et où il doit défendre sa thèse sur les roches magnétiques utilisées pour jouer de la musique durant la préhistoire quand il rencontre Judy Maxwell, jeune femme aussi sexy qu'extravagante et intelligente, résolue à s'incruster à la réception et à le séduire.
Howard Bannister, Frederick Larrabee, Judy Maxwell et Hugh Simons(Ryan O'Neal, Austin Pendleton, Barbra Streisand et Kenneth Mars)
Semant une pagaille indescriptible partout où elle passe, Judy permet pourtant à Howard de décrocher la récompense décernée par Larrabee. Cependant, quatre valises identiques - celle d'une riche cliente de l'hôtel Bristol (où tout le monde est descendu) qui contient ses bijoux, celle de Howard avec ses cailloux, celle de Judy avec ses vêtements et celle d'un espion avec des documents top secrets - passent de main en main - la dernière étant évidemment la plus convoitée par une bande de barbouzes et de mafieux.
Judy et Howard
Reçus chez lui par Larrabee le lendemain, après une fin de soirée catastrophique (où Howard a dû affronter la jalousie d'Eunice et a mis le feu accidentellement à sa chambre d'hôtel, ce qui lui vaut d'en être renvoyé), Howard est à nouveau, à son corps défendant, accompagné par Judy, suivis des trois hommes voulant récupérer la valise avec les documents top secrets. Pour les semer, le couple s'empare des quatre valises et s'engagent dans une délirante course-poursuite dans les rues de San Francisco... Pour finir dans la baie !
Howard et Judy
Le juge Maxwell interroge tous les prévenus et, après avoir reconnu parmi eux sa fille Judy, rend à chacun sa valise puis les renvoie, excédé par l'imbroglio auquel ils sont mêlés.
Howard et Judy
A l'aéroport, Larrabee, qui avait entretemps choisi de financer les recherches de Hugh Simons, est convaincu que celui-ci n'est qu'un vulgaire plagiaire par Judy et récompense à nouveau Howard. Puis il prend son avion au bras d'Eunice tandis que Howard et Judy s'envolent ensemble en s'avouant leur amour.
Ronde colorée et frénétique de citations cinématographiques, What's Up, Doc ? est le 3ème long métrage de Peter Bogdanovich qui s'inspire d'abord des cartoons de Bugs Bunny (auquel le titre original emprunte sa célèbre interrogation) et de Tex Avery. Le générique est aussi directement tiré du dessin animé avec l'insolent lapin où une main féminine ouvre et feuillette un livre sur les pages duquel figurent les noms des comédiens et de l'équipe (main qui, d'un geste aimable ou dédaigneux, nous indique ce qu'elle pense de chacun).
Hommage brillant et échevelé à la grande époque de la comédie américaine, le film repose tout entier sur un équilibre périlleux, une fantaisie forcenée mais ici savamment bâtis pour susciter le rire. Bogdanovich a bien révisé mais il ne se contente pas de parodier ses maîtres, il actualise le genre en en gardant les fondamentaux. Le subplot avec les valises est un pur "Mac Guffin", un argument bidon mais suffisamment accrocheur pour captiver le spectateur et lier les éléments du récit : les désirs des personnages sont confrontés à l'hystérie de l'action, ils courent toujours après quelque chose qui, par définition, leur échappe - leurs sentiments mais aussi ce qui menace leur vie. C'est en sachant s'allier qu'ils résoudront ce second problème.
Mais, avant de s'en tirer, il faut que les héros apprennent à se connaître, à se dompter, et cela passe par un combat dont ils savent l'issue mais diffèrent le dénouement car l'un des deux (au moins) hésite à sacrifier son confort. D'où échange de dialogues débités à toute allure, portes qui claquent, cascades périlleuses, ponctués de clins d'yeux complices au spectateur et baisers volés et coups subis. Ici, nul souci de vraisemblance, juste le plaisir de divertir, en invoquant George Cukor, Howard Hawks, les Marx brothers, et un soupçon d'Hitchcock en mode loufoque.
Le film est très drôle mais il fait rire en éprouvant le spectateur comme le héros, à l'usure : en jetant dans le bras d'un Ryan O'Neal, savant lunaire, pour lequel on ne peut que compatir (et dont le rôle rappelle évidemment celui de Cary Grant dans L'Impossible M. Bébé, de Howard Hawks, 1938), une Barbra Streisand déchaînée, Bogdanovich dynamite tout son projet pourtant très écrit, par trois plumes expertes de l'époque (Buck Henry à qui on doit le script du Lauréat de Mike Nichols ; David Newman et Robert Benton qui ont rédigé celui de Bonnie & Clyde d'Arthur Penn).
On s'fait la valise, docteur ? (titre français très moyen...) permet en outre de voyager dans le temps : d'abord bien sûr grâce aux références à la screwball comedy des années 40, mais aussi au New Hollywood des années 70. Autant Bogdanovich vénère les premières, autant il filme ici contre les secondes, le cinéma politique, juste après avoir signé une magnifique chronique dramatique avec La dernière séance (1971). Chez le cinéaste, la nostalgie le dispute à la relecture : visuellement, son film échappe à ce qui se produit quand il est sorti, narrativement il réinterprète un genre avec le recul d'un cinéphile mais en refusant de s'inscrire dans le registre de la critique sociale. Il a voulu (s')offrir une bouffée d'oxygène dans une époque rongée par la guerre du Vietnam et le "Watergate".
Pourtant, la folie qui traverse ce projet n'est pas qu'une échappatoire, c'est aussi un curieux reflet au dérèglement du monde en 1972. Anachronique, accusé de déni, Bogdanovich l'est peut-être, mais plus sûrement encore, il s'affiche comme un artiste qui prend parti par une esthétique issue du passé, de l'"âge d'or". D'une certaine manière, c'est une démarche de résistant, dont l'aspect dérisoire, enfantin même (comme cette scène où Judy et Howard se cache sous une table au restaurant pour parler sans les adultes autour d'eux, ou cet autre moment où ils empruntent des escalators aux mouvements contraires - symbolisant leur attraction/répulsion), le rend sympathique, et dont le résultat est franchement euphorisant.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire