dimanche 16 octobre 2016

MADAME DE..., de Max Ophüls (1953)


MADAME DE... est un film réalisé par Max Ophüls.
Le scénario est écrit par Max Ophuls, Marcel Achard et Annette Wademant, d'après le roman de Louise de Vilmorin. La photographie est signée Christian Matras. La musique est composée par Oscar Strauss et Georges Van Parys.


Dans les rôles principaux, on trouve : Danielle Darrieux (la comtesse Louise de...), Charles Boyer (le général André de...), Vittorio de Sica (baron Fabrizio Donati), Jean Debucourt (le bijoutier Rémy), Mireille Perrey (la nourrice), Lia di Léo (la maîtresse du général).
 La comtesse Louise de...
(Danielle Darrieux)

Epouse du général André de..., officier artilleur, la comtesse Louise de... est une aristocrate frivole et dépensière. A cause de cela, pour rembourser ses dettes de jeu, elle vend quelques-uns de ses bijoux au bijoutier Rémy, dont une paire de boucles d'oreilles en forme de coeur, offerte à l'occasion de ses noces.
Madame de...
(Danielle Darrieux)

Alors qu'elle doit sortir en ville avec son mari, elle prétend avoir perdu les boucles, mais le général découvre son mensonge le lendemain quand le bijoutier Rémy le rencontre et les lui revend. Le militaire décide alors de les offrir à sa maîtresse qui part pour Constantinople, où elle les perd au jeu.
La comtesse de... et le baron Fabrizio Donati
(Danielle Darrieux et Vittorio de Sica)

Madame de... fait entretemps la connaissance du baron Fabrizio Donati, un séduisant diplomate qui la courtise et la charme en profitant qu'elle soit délaissée par son mari. Pour lui prouver son amour, il lui offre la paire de boucles d'oreilles qu'il a racheté lors de son passage à Constantinople. 
Le bijoutier Rémy et Madame de...
(Jean Debucourt et Danielle Darrieux)

Le général découvre l'attirance de sa femme pour le diplomate quand elle s'affiche lors d'une sortie avec les boucles d'oreilles qu'elle prétend avoir retrouver par hasard dans une paire de gants. André défie Fabrizio en duel après avoir forcé Louise à offrir le bijou à une de ses nièces qui vient d'avoir un enfant - un geste qu'elle jure de n'avoir pouvoir lui pardonner. 
Le général André de... et la comtesse Louise de...
(Charles Boyer et Danielle Darrieux)

Humiliée, désespérée, malade, Madame de... meurt en tentant d'empêcher le duel entre son mari et son amant.

Madame de... est, de tous les films réalisés par Max Ophuls à son retour en France dans les années 1950, le plus accompli : il réussit à sublimer un vaudeville mélodramatique en en faisant un drame romantique et cruel. Mais le génie du réalisateur ne force jamais le trait et raconte cette histoire, adaptée d'un court roman de Louise de Vilmorin, avec une fluidité et un élégance extraordinaires.

Les mouvements de caméra illustrent cela parfaitement avec de longs travellings, des plans-séquences, des acteurs très mobiles. Cette forme dynamique oppose la froideur du personnage du général, symbole d'une bourgeoisie rigide, stratège aussi militaire aussi impitoyable en amour que sur le champ de bataille, à la passion qui traverse son épouse et son amant (le seul à posséder, par ailleurs, une identité complète, comme pour souligner qu'il est un corps étranger dans ce monde corseté).

Le jeu hautain, antipathique à souhait, de Charles Boyer contraste habilement avec la grâce bouleversante de Danielle Darrieux (36 ans à l'époque, au sommet de son hallucinante carrière - cette grande dame aujourd'hui centenaire a une filmographie inégalable) et la classe noble de Vittorio de Sica.

Ophuls rend sensible les frissons, énamourées puis douloureux, de son héroïne, touchante malgré sa frivolité, victime de ses inventions, grisée par la passion, et qui paiera cher pour cela. Ces évolutions s'illustrent dans des scènes mémorables : les valses partagées entre la comtesse de... et le baron où le passage du temps est traduit par leurs changements de costumes et où leurs danses les voient de plus en plus enlacées, mais aussi par l'image splendide où Madame de... déchire la lettre destinée à son amant et dont les lambeaux, jetés par la fenêtre de son compartiment de train, se mêlent aux flocons de neige. De même, la mobilité de la narration se joue dans l'intrigue secondaire qui voit les bijoux passer de main en main jusqu'à revenir dans celles de Louise. Ophuls en tire même un étonnant gag puisque le général paiera quatre fois ces boucles d'oreilles au bijoutier Rémy.

Le film est ponctué par des répliques inspirées : 

- "Les femmes, mon ami, toutes les mêmes : le mystère pour les choses les plus simples." (André à Fabrizio), 
- "Je ne vous aime pas. Je ne vous aime pas. Je vous veux." (Louise à Fabrizio), 
- "Je déteste le monde. Je voudrais n'être regardée que par vous." (Louise à Fabrizio), 
- ou encore "Le hasard a ceci d'exceptionnel qu'il est naturel." (André).
  
Ophuls a tenu toutefois à modifier le dénouement du roman (qui voyait Madame de... mourir en remettant à son mari et son amant une boucle d'oreille chacun), préférant une conclusion d'une sobriété plus poignante, comme il les appréçiait (chez Ophuls, comme chez Aragon, "il n'y a pas d'amour heureux").

Ainsi, les mots qui ouvrent le film revêtent à la fin un caractère terriblement ironique : "Madame de... était une femme très élégante, très brillante, très fêtée. Elle semblait promise à une jolie vie sans histoire. Rien ne serait probablement arrivé sans ce bijou..."

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