COMME UN TORRENT (Some Came Running) est un film réalisé par Vincente Minnelli.
Le scénario est écrit par John Patrick et Arthur Sheekman, d'après le roman de James Jones. La photographie est signée William H. Daniels. La musique est composée par Elmer Bernstein.
Dans les rôles principaux, on trouve : Frank Sinatra (Dave Hirsh), Shirley MacLaine (Ginny Moorhead), Dean Martin (Bama Dillert), Arthur Kennedy (Frank Hirsh), Martha Hyer (Gwen French), Nancy Gates (Edith Barclay), Leora Dana (Agnes Hirsh).
Dave Hirsh et Ginny Moorhead(Frank Sinatra et Shirley MacLaine)
Soldat démobilisé, l'écrivain Dave Hirsh est de retour dans sa ville natale, Parkman, après une partie de poker gagnée à Chicago. Il se réveille au terminus du bus en compagnie de Ginny Moorhead, une prostituée qui s'est entichée de lui.
Frank et Dave Hirsh(Arthur Kennedy et Frank Sinatra)
Sachant que son arrivée déplaît à sa famille, préoccupé par son inspiration déclinante et s'auto-dénigrant comme romancier, Dave donne de l'argent à Ginny pour qu'elle rentre à Chicago. Puis il reçoit, dans la chambre d'hôtel où il est s'est installé, son frère aîné, Frank, avec lequel il est fâché depuis seize ans. Celui-ci, dans le souci d'apaiser la situation, l'invite à dîner chez lui, malgré les réticences se son épouse qui n'a pas pardonné à Dave d'avoir évoqué leur famille sous un jour peu flatteur dans son dernier livre.
Dave Hirsh et Gwen French(Frank Sinatra et Martha Hyer)
Lors de cette soirée, Dave fait la connaissance de Gwen French, fille de son ancien professeur, elle-même enseignante d'art littéraire et grande admiratrice de son oeuvre. Il lui fait la cour mais comprend rapidement qu'elle s'intéresse plus de savoir quand il écrira à nouveau. Il prend congé alors qu'elle le reconduit à son hôtel pour entrer dans un bar.
Dave Hirsh et Bama Dillert(Frank Sinatra et Dean Martin)
Dans ce bar, Dave rencontre Bama Dillert, un joueur professionnel, qui lui propose d'être partenaires au poker. Il retrouve aussi Ginny, qui n'est pas repartie, mais que son souteneur jaloux a rejoint. Mêlé à une bagarre contre ce dernier, Dave finit la nuit au poste de police. Le scandale éclabousse la réputation de Frank qui a versé la caution pour le libérer, en échange de quoi il demande à son frère de quitter Parkman.
Dave Hirsh, Ginny Moorhead et Bama Dillert
Frank n'est pourtant pas irréprochable : il commence une liaison adultère avec sa secrétaire, Edith Barclay, que surprend sa fille, Agnes. Bouleversée, la jeune fille va se soûler dans un cabaret à Terre-Haute où Dave avec Ginny retrouvent Bama. Dave téléphone à Gwen qui lui annonce avoir fait publier une nouvelle qu'il lui avait faite lire et lui avoue enfin qu'elle l'aime.
Dave et Ginny
Mais avant que Dave ne revoie l'institutrice, cette dernière reçoit la visite de Ginny qui lui explique les sentiments qu'elle éprouve pour l'écrivain. Désarmée, Gwen la rassure puis rompt ensuite avec Dave, prétextant que, si elle l'admire, elle ne peut accepter sa façon de vivre.
Dave, en colère, se calme en comprenant que nulle femme ne l'aimera aussi totalement que Ginny et il la demande en mariage, ce que désapprouve Bama, refusant d'être leur témoin chez le juge. Le joueur apprend ensuite que le souteneur de Ginny est encore en ville et armé, résolu à tuer Dave. Il ne parviendra qu'à le blesser, Ginny se sacrifiant pour le protéger.
Comme un torrent est le sommet du mélodrame américain. Esthétiquement et narrativement, le film permet à Vincente Minnelli d'afficher tous ses talents dans cette histoire où le sordide côtoie le sublime, le vulgaire à la pureté : c'est sans nul doute pour cela, cet accomplissement artistique, que le public en fit un succès et que long métrage a conservé son pouvoir de fascination.
Les protagonistes de cette fresque intime (135 minutes) se distinguent par de simples détails qui les résument tout en leur laissant une part de mystère et en annonçant leur trajectoire dramatique : Bama Dillert (le plus beau rôle de Dean Martin, avec celui de Dude dans Rio Bravo) est un superstitieux fataliste qui ne quitte jamais son chapeau (ce qui ne lui évitera toutefois pas un gros ennui de santé pour lequel il refuse d'être traité) ; Frank Hirsh est un pleutre plus attaché à son rang qu'à son frère et sa femme et incapable de résister à la tentation d'une liaison avec sa secrétaire (quand bien jure-t-il au début qu'il ne se compromettrait jamais avec une employée) ; Gwen French cache derrière son admiration littéraire une évidente frigidité (qu'elle n'admet pas par orgueil) ; le souteneur de Ginny préférerait tuer celle-ci plutôt que la lâcher (surtout pour un homme qu'il n'estime pas) ; Dave Hirsh fuit l'effort d'écrire et de changer de style de vie pour se complaire dans la débauche (autant par lâcheté que par provocation) ; et Ginny Moorhead se sacrifiera pour celui qu'elle aime à la fois naïvement mais sincèrement (alors qu'il la traite souvent avec mépris).
Minnelli réussit à transfigurer ce tourbillon d'émotions et animer cette galerie de personnages par le génie de sa mise en scène : il souligne les regards, les gestes, les attitudes, les silences, magnifie les sentiments à la fois exacerbés et subtils par une photo flamboyante (incandescente même, ouvragée par William H. Daniels, qui fait effectivement ressembler Parkman à un décor artificiel jusqu'au dénouement lors de la fête du centenaire de la ville, avec ses stands multicolores, ses néons criards). La caméra accompagne les tourments, les aspirations, les déceptions, les frustrations : l'ombre de la fatalité plane sur ce récit où le retour précipite la perte.
La beauté picturale de la réalisation est toute entière au service des connections riches entre chaque personnage mais elle permet de dépasser le réalisme classique du roman de James Jones pour glisser dans une ambiance onirique douloureuse et poignante.
Cela est traduit par une anecdote célèbre : Frank Sinatra (dans sa meilleure interprétation, et dont les scènes avec Dean Martin raviront, par leurs sous-entendus, les fans du Rat Pack) eut le nez fin et un geste élégant en suggérant à la fin du tournage que Minnelli ne fasse pas mourir Dave mais Ginny (incarnée avec une sensibilité déchirante par Shirley MacLaine, outrageusement maquillée comme un masque pour dissimuler sa fragilité) : le réalisateur accéda à cette requête en comprenant que ce n'était pas un caprice de star mais une intuition géniale, le sacrifice dont avait besoin cette histoire pour briser le coeur des spectateurs.
Tout simplement de quoi transformer une chronique déjà inspirée en une oeuvre poétique, en un des plus beaux films du monde.
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