jeudi 27 avril 2017

CIGARETTES ET CHOCOLAT CHAUD, de Sophie Reine (2016)


CIGARETTES ET CHOCOLAT CHAUD est un film réalisé par Sophie Reine.
Le scénario est écrit par Sophie Reine et Gladys Marciano. La photographie est signée Renaud Chassaing. La musique est composée par Sébastien Souchois.


Dans les rôles principaux, on trouve : Gustave Kerven (Denis Patar), Camille Cottin (Séverine Greliot), Héloïse Douglas (Janine Patar), Fanie Zanini (Mercredi Patar), Frank Gastambide (Pierrot), Thomas Guy (Robert).
 Mercredi, Denis et Janine Patar
(Fanie Zanini, Gustave Kerven et Héloïse Douglas)

Veuf depuis peu, Denis Patar élève ses deux filles, Janine et Mercredi, et, pour subvenir à leurs besoins, travaille la journée à "Jardibonheur" (une grande surface d'articles de jardinage) et la nuit au "Soyeux Mignon" (un sex-shop). Mais la situation bascule lorsque, à cause de leurs comportements rebelles à l'école, ses deux filles sont conduites à la gendarmerie qui a alerté les services sociaux.
Séverine Greliot
(Camille Cottin)

Une assistante sociale, Séverine Greliot, prévient Denis qu'il va devoir suivre un stage de parentalité s'il veut conserver la garde de ses deux filles. Dans ce cadre, il doit convaincre qu'il va changer de façon de vivre en s'entretenant avec un psy, en participant à des réunions avec d'autres parents en difficulté, en encourageant ses filles à se sociabiliser grâce à des activités extra-scolaires (de la danse pour Janine, du sport pour Mercredi). 
Denis Patar

Denis s'exécute à contrecoeur car il explique à Séverine qu'il élève ses filles ainsi pour les protéger d'un monde brutal et injuste contre lequel il a toujours protesté avec sa femme, Caroline, depuis leur rencontre en 1986 (lors des manifestations lycéennes contre la Loi Devaquet) ou en 2002 (quand Jean-Marie Le Pen avait accédé au second tour des élections présidentielles). Mais en consacrant du temps au stage, il est souvent absent à son poste à "Jardibonheur" et son ami et supérieur hiérarchique, Pierrot, est contraint de le remplacer.  
Janine et Mercredi

Pour ne rien arranger, l'angoisse d'être séparée de son père accentue les troubles comportementaux de Janine chez qui le psy, que fréquente Denis, diagnostique des symptômes voisins de ceux du syndrome de Gilles de la Tourette. Elle doit suivre un traitement médical lourd et coûteux qui la déprime au point qu'elle tente de se suicider.
Séverine et Denis

Pour Denis, ce drame évité de justesse provoque un déclic : il refuse de suivre plus longtemps le stage, résolu si nécessaire à emprunter de l'argent pour recruter un avocat qui plaidera sa cause auprès des services sociaux. Séverine déplore doublement cette décision : parce qu'elle s'est attachée à Denis et parce qu'elle sait que son dossier risque de connaître une issue défavorable. Mais elle choisit de l'aider. 
Denis et Janine

Ainsi entraîne-t-elle son boss au spectacle de l'école de Janine qui, exclus par sa maîtresse, improvise un numéro en coulisses qui épate les spectateurs et prouve aux assistants sociaux à quel point les Patar forme une famille soudée et solidaire malgré son excentricité. Denis gagne le droit de garder ses filles. Quant à Séverine, si elle n'est pas pas prête à s'engager dans une relation amoureuse avec lui, elle ne refuse pas qu'ils se revoient à l'avenir...

Monteuse expérimentée (pour Rémi Bezançon sur Le Premier Jour du reste de ta vie ou Régis Roinsard sur Populaire), Sophie Reine signe avec son premier film comme réalisatrice une oeuvre autobiographique, dédiée à ses parents comme il est indiqué lors du générique de fin. Mais c'est aussi une comédie tendre et réjouissante, à la mise en scène inspirée et à l'écriture poétique.

Articulée autour de la figure de Denis, qui vient de perdre sa femme, et doit faire face à des responsabilités auxquelles il n'est pas préparé, l'histoire présente une famille fantasque, immédiatement attachante, avec un background contestataire (les manifs contre la loi Devaquet en 86, celles contre le Pen en 2002). D'abord léger, le récit se fait plus grave lorsque la menace de voir ses filles lui être retiré s'abat sur Denis, obligé dès lors de suivre un stage de parentalité par les services sociaux. S'engage alors un face-à-face, tantôt résigné, tantôt discuté, avec Séverine, chargée de suivre les progrès de ce papa immature mais aimant et protecteur.

La cinéaste brosse un portrait très juste de cet homme sans céder à la facilité : elle ne l'exonère pas de certains travers et ne fait pas non plus de l'assistante sociale une méchante. Cette subtilité bienveillante fait plaisir à voir, de même que l'arrière-plan social (où le héros a du mal à joindre les deux bouts) et psychologique (le trouble psychomoteur dont souffre Janine) est traité sans pathos. Comme Denis, Sophie Reine préfère opposer aux rouages des institutions, assurant agir d'abord pour le bien des enfants, la difficulté d'un père célibataire qui veut épargner à ses filles la brutalité du monde à tout prix (ainsi remplace-t-il le cochon-dinde mort par un autre dont il teint le pelage à l'identique).

Le scénario n'est pas parfait : en privilégiant nettement la fille aînée, Janine (dont le prénom est un clin d'oeil à la chanson de David Bowie, l'idole de la famille Patar), sa cadette, Mercredi, au caractère bien trempé et roublard à souhait, est sacrifiée. Denis bien seul dans les épreuves qui l'assaillent, il aurait été bienvenu que le personnage de Pierrot, son collègue, soit également un peu plus développé.

Mais ces bémols mis à part, on fond, comme Séverine, pour ce gros nounours qui s'arrange comme il peut avec les ennuis du quotidien sans jamais se décourager, tiraillé entre l'envie de bien faire et celle de poursuivre son existence et sa manière d'élever ses filles comme bon lui semble. L'assistante sociale ne peut que s'attendrir, au point d'oublier son devoir de neutralité, et d'éprouver plus que de la sympathie pour Denis... Pourtant, la réalisatrice ne cède pas à la tentation d'ajouter une romance convenue à son récit : si la famille Patar est finalement épargnée, l'avenir commun de Denis et Séverine est laissée en suspens.

Gustave Kerven est formidable en baba-cool lunaire et farouchement attaché à sa progéniture, merveilleusement incarnée par deux jeunes actrices épatantes (impossible de départager Héloïse Douglas de Fanie Zanini). Et Camille Cottin est également excellente en fonctionnaire incapable d'être trop sévère, taraudée par le désir mais apeurée à l'idée de débuter une relation amoureuse.

En somme, cette jolie fable sur le coeur et la raison est un véritable "feel-good movie", qui donne envie de découvrir très vite un nouvel opus de son auteur.

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