INSIDE LLEWYN DAVIS est un film écrit et réalisé par Joel et Ethan Coen.
La photographie est signée Bruno Delbonnel. La musique est produite par T-Bone Burnett et Marcus Memford.
Dans les rôles principaux, on trouve : Oscar Isaac (Llewyn Davis), Carey Mulligan (Jean Berkley), Justin Timberlake (Jim Berkley), Adam Driver (Al Cody), Garrett Hedlund (Johnny Five), John Goodman (Roland Turner), F. Murray Abraham (Bud Grossman), Stark Sands (Troy Nelson).
New York, 1961. Llewyn Davis se produit pour la dernière fois sur la scène du "Gaslight Cafe" cet hiver-là. Il a décidé de raccrocher sa guitare car sa carrière musicale ne décolle pas et parce qu'il vient de vivre les quatre jours les plus déprimants de son existence...
Llewyn Davis
(Oscar Isaac)
4 jours avant donc, Llewyn se réveille chez les Gorfein, qui se sont absentés. En quittant leur appartement, il laisse malencontreusement sortir leur chat, qu'il va être obligé de traîner avec lui en attendant de pouvoir le rendre à ses propriétaires.
Il se rend ensuite chez les Berkley où il est accueilli froidement par Jean, avec laquelle il a eu une brève liaison, mais suffisante pour qu'elle soit enceinte, et qui héberge déjà Troy Nelson, musicien de folk comme lui mais en permission militaire. Llewyn obtient malgré tout de dormir là pour la nuit qui vient.
Jean et Jim Berkley
(Carey Mulligan et Justin Timberlake)
Llewyn assiste à la prestation sur la scène du "Gaslight Cafe" de Troy, rejoints par Jean et Jim Berkley, le mari de celle-ci.
Le lendemain, il va voir sa soeur pour lui demander un peu d'argent, sans succès. Puis il passe au siège de Columbia Records où il décroche opportunément un cachet en enregistrant avec Jim Berkley et Al Cody une chanson. Ce dernier accepte ensuite que Llewyn couche chez lui cette nuit-là.
Llewyn Davis et Jim Berkley
Llewyn se dispute avec son impresario, Mel, incapable de lui trouver un engagement, mais qui lui rappelle le succès d'estime obtenu quand il chantait en duo avec Mike Tamin (qui s'est ensuite suicidé). Il retrouve ensuite Jean avec laquelle il évoque son avortement imminent.
Ayant eu vent d'auditions organisées par le manager Bud Grossman à Chicago, Llewyn s'y fait conduire en étant pris en stop par deux curieux personnages : le taciturne Johnny Five et son partenaire, Roland Turner, qui exprime franchement son mépris pour les chanteurs de folk.
Johnny Five et Roland Turner
(Garrett Hedlund et John Goodman)
Lorsque, en route, lors d'un banal contrôle de police, Johnny Five est embarqué, Llewyn abandonne Roland, encore inconscient après avoir survécu miraculeusement à une overdose dans les toilettes d'un diner, et poursuit son périple jusqu'à Chicago.
Il est auditionné par Grossman mais, malgré une interprétation bouleversante, se voit expliquer qu'il n'a aucune chance de succès avec ses chansons.
Llewyn Davis
De retour à New York, Llewyn rend visite à son père dans une maison de retraite, tente de trouver une place de matelot sur un bateau, et revoit Jean qui a convaincu le patron du "Gaslight Cafe", l'odieux Pappi Corsicato, de le laisser chanter. Il retrouve alors le chat des Gorfein et le leur ramène.
Après avoir interprété deux titres, Llewyn quitte donc la scène où un jeune inconnu prend place : un certain Bob Dylan...
Récompensé, à juste titre, par le grand prix du jury au festival de cannes 2013, l'opus 16 des frères Coen est une de leurs productions les plus abouties, confirmant la bonne santé de leur filmographie récente, avec ce conte moins grinçant et ironique que d'habitude.
Inside Llewyn Davis n'est effectivement pas le portrait d'un de ces idiots qu'affectionnent les frangins : c'est certes un loser, parfois antipathique (qui ne fait en tout cas pas d'efforts pour se rendre sympathique), mais finalement plus touchant que grotesque. Le ton dépressif mais pourtant étonnamment drôle parfois de son aventure donne au film une étrange beauté morose au destin contrarié de ce musicien qui joue de malchance quand il ne la provoque pas.
Le prodigieux Oscar Isaac, grande révélation de l'affaire, campe donc un folk singer errant dans le Greenwich Village de 1961, tapant l'incruste chez le premier qui accepte de lui prêter un canapé pour dormir, sans réussir à s'imposer sur la scène musicale. Il traîne derrière lui le succès d'estime obtenu avec un partenaire brillant mais qui s'est suicidé et doit composer avec une cascade de catastrophes intimes - la grossesse de Jean (Carey Mulligan, épatante dans un rôle dominé par la colère et la rancoeur), avec qui il a eue une brève aventure, dont le mari (Justin Timberlake, excellent en bon pote) ignore tout ; ses rapports tendus avec sa soeur, son impresario, et un chat !
Ce qui intéresse les frères Coen, ce ne sont pas les causes de la déchéance de Llewyn, mais de montrer à quel point son existence est totalement à la dérive, dénuée de tout le romantisme attaché à la vie de bohème. Esthétiquement sublime, le film est photographié par le français Bruno Delbonnel (Roger Deakins, le chef op' habituel des frères ayant été retenu sur une autre production) dans des tons grisâtres, cireux, qui correspondent bien à la saison hivernale mais aussi au marasme mental du héros.
Ainsi, c'est encore une fois, après le jubilatoire O'Brother (2000), une nouvelle version de L'Odyssée que content Joel et Ethan Coen, mais point cette fois-ci de créatures loufoques pour égayer le voyage du personnage central : en lieu et place, une galerie de bonhommes souvent inquiétants, déjantés, aussi perdus que Llewyn Davis lui-mêmeLe film est ainsi parcouru de figures spectrales dont tout le poids pèse sur les épaules d’un Llewyn Davis. Pour les incarner, les deux auteurs ont convié des familiers (John Goodman, ogresque en junkie) et des nouveaux venus dans leur galaxie (Garrett Hedlund, incroyable dans un rôle quasi-muet et mystérieux ; Adam Driver, irrésistible en cowboy lunaire). La manière arbitraire, hasardeuse, absurde, de ces rencontres ajoute encore au climat à la fois fascinant et improbable du film.
La bande son est exceptionnelle et le CD peut s'apprécier comme un album à part entière, supervisé par T-Bone Burnett et Marcus Memford : tous les acteurs y chantent eux-mêmes, filmés avec une ou deux caméras, en direct et en une prise (seuls quelques arrangements ont été ajoutés en post-production). Les Coen voulaient des performances live, comme des mini-concerts intégrés à l'histoire. Le résultat est stupéfiant, bluffant.
En comparaison avec de précédents titres de leur filmographie, où on a pu leur reprocher de s'amuser à bon compte avec des crétins, cette ode à la musique folk, mélancolique par définition, exprime une douleur poignante et transforme le portrait de Llewyn Davis en tragédie sensible et délicate sur un personnage rongé par le défaitisme, ayant tout perdu en route sans savoir exactement quand, comment, pourquoi, et surtout quoi. Sans être déprimant, les Coen ont réussi un film superbement touchant, triste mais pas plombant : sans doute le plus émouvant de leur carrière.
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