GRAND DEPART est un film réalisé par Nicolas Mercier.
Le scénario est écrit par Nicolas Mercier et Simone Study. La photographie est signée Rémy Chevrin. La musique est composée par François-Eudes Chanfrault.
Dans les rôles principaux, on trouve : Pio Marmaï (Romain Gautier), Eddy Mitchell (Georges Gautier), Jérémie Elkaïm (Luc Gautier), Chantal Lauby (Danièle Gautier), Charlotte de Turckheim (Mme Fauras), Gaëlle Bona (Sophie), Zoé Félix (Serena).
Romain, Luc et leur père, Georges(Pio Marmaï, Jérémie Elkaïm et Eddy Mitchell)
Cadre dans une entreprise, Romain Gautier entretient une relation conflictuelle avec son frère cadet, Luc, scénariste et homosexuel, qu'il a toujours jalousé parce qu'il est le fils préféré de leur père, Georges. Mais cette situation bascule lorsqu'on diagnostique à Georges une maladie neurodégénérative incurable.
Romain
Leur mère, qui a divorcé, convient avec eux qu'il faut placer Georges dans un établissement spécialisé, tenu par Mme Fauras, une cliente de Romain. Celui-ci ne vient pourtant pas souvent lui rendre visite, se consacrant, comme depuis toujours, d'abord à son travail - peut-être aussi pour se protéger - où son patron songe à lui pour lui succéder bientôt.
Luc
En proie à des crises de démence violente, Georges agresse le personnel et d'autres patients, et Luc autorise Mme Fauras à lui administrer des neuroleptiques puissants pour le calmer. Mais quand Romain l'apprend, il fait suspendre ce traitement, prêt à en assumer les conséquences.
Georges et Romain
C'est alors que Romain et Georges se rapprochent : ils échangent librement grâce au comportement désinhibé du père et aux efforts du fils pour être plus disponible, lors de promenades nocturnes en ville. Luc estime que Romain cherche à acheter l'affection de leur père et n'assume pas sa déchéance en le confortant dans ses délires. La suite va lui donner raison...
Luc
Un jour qu'ils déjeunent dans un fast-food, Romain questionne Georges sur ses sentiments pour lui et découvre qu'il le confond avec Luc, depuis le début. Le jeune homme encaisse cette désillusion avec difficulté au point que son patron l'oblige à prendre une semaine de congé pour qu'il se ressaisisse. Romain tente de séduire Serena, une jolie professeur de danse que lui avait présenté son frère, mais elle le repousse en lui expliquant que ce ne serait pas opportun d'avoir une liaison en ce moment. Il vient aussi en aide à Luc qui doit de l'argent à deux prostitués et lui révèle ensuite que leur père était infidèle.
Luc et Romain entourent leur mère, Danièle(Jérémie Elkaïm, Chantal Lauby et Pio Marmaï)
Après être subitement tombé dans le coma, Georges meurt le soir de Noël. La préparation de ses obsèques permet à Luc et Romain de se réconcilier. Cinq années passent : Romain, promu comme convenu dans son entreprise, s'est marié avec Sophie (rencontrée dans des circonstances désastreuses lors d'un mariage quand son père était malade) et a deux enfants - il apprend à son tour à devenir père.
La maladie et la fin de vie (en l'occurrence celui d'un père de famille), voilà qui augurait d'un parfait téléfilm pour un débat sociétal sur une chaîne du service public... Mais l'ex-scénariste de la série Clara Sheller transforme ce sujet périlleux en une curieuse comédie dramatique, très concise (à peine 85 minutes).
Le résultat n'est pas sans défaut : à ne pas vouloir choisir entre l'humour (même noir) et la gravité (classique), et avec son épilogue moralement très convenu (devenir mari et père pour se réconcilier avec soi-même et ses proches), on a parfois l'impression que Nicolas Mercier ménage la chèvre et le chou, n'ose pas aller jusqu'au bout de son propos (en privilégiant un seul point de vue, celui de Romain).
Mais, en même temps, ce refus de s'inscrire dans un cadre trop rigide permet d'éviter quelques écueils et le réalisateur se risque avec bonheur dans le malaise, la distanciation, la crise agitant les deux frères produisant des explications bienfaitrices. Ainsi, il prend à contrepied le spectateur : c'est évident dans les certaines scènes, les meilleures du film, comme lorsque Romain tente pour la première fois de charmer Sophie en jouant au faux cynique puis qui, ivre mort par dépit, vomit sur la robe de la mariée à la fête de laquelle il était invité, achevant de se ridiculiser (alors qu'il fait toujours tout pour paraître sûr de lui). Plus fort encore, il y a ce moment à la fin de l'histoire où les deux frères ne peuvent réprimer un fou rire devant l'employé des pompes funèbres qui leur vante les mérites d'un cercueil écolo-responsable.
Dommage, en revanche, que le rôle de Luc soit moins développé, alors qu'il y avait de la matière (homosexuel assumé, et accepté par ses parents, la jalousie qu'il suscite chez Romain ne se joue-t-elle pas aussi à ce niveau ? Et, ainsi négligé dans la narration, on voit finalement peu comment il supporte le déclin et la perte de son père...). Idem pour Danièle, la mère, qui, bien que divorcée de Georges, apparaît trop peu dans l'histoire, y compris dans les moments critiques (démissionne-t-elle en laissant ses fils gérer la situation ? Ou est-elle trop accablée ?).
Le titre renvoie aussi bien à la mort (du père, le grand départ est aussi le dernier) qu'à une nouvelle vie (celle que doit emprunter Romain, et dans une moindre mesure son frère et sa mère), avec les responsabilités que cela incombe, la façon de les affronter (qu'est-ce qu'être un fils quand on n'a plus de père ?). Ces interrogations philosophiques sont à peine effleurées dans le scénario, hormis une superbe scène, à la fois tendue et désolée (Luc, après avoir révélé à Romain les infidélités de leur père, préfigurant les siennes, quand il trompe son compagnon avec des prostitués : "Tel père, tel frère : un fou, une folle"). Il est rare que je me plaigne qu'un film soit trop court, mais, en plus d'une mise en scène trop sage, là, certains aspects auraient mérité plus de développement.
Le casting est impeccable : Eddy Mitchell est étonnant dans un rôle périlleux, qu'il incarne avec sobriété et puissance, tandis que Pio Marmaï et Jérémie Elkaïm forment une fratrie formidable (le premier rongé par la jalousie, incapable d'exprimer ce qu'il ressent, le second à la fois désinvolte et blessé, mais plus lucide envers lui-même et les autres). Bien que les seconds rôles féminins soient expédiés, Charlotte de Turckheim est excellente.
Digne, parfois audacieux, Grand Départ manque un peu de souffle, comme si son auteur avait préféré (trop) la retenue à l'émotion.