jeudi 13 octobre 2016

L'APPÂT, de Anthony Mann (1953)


L'APPÂT (The Naked Spur) est un film réalisé par Anthony Mann.
Le scénario est écrit par Sam Rolfe et Harold Jack Bloom. La photographie est signée William C. Meller. La musique est composée par Bronislau Kaper.


Dans les rôles principaux, on trouve : James Stewart (Howard Kemp), Robert Ryan (Ben Vandergroat), Janet Leigh (Lina Patch), Millard Mitchell (Jesse Tate), Ralph Meeker (Roy Anderson).
 Howard Kemp
(James Stewart)

Howard Kemp traque depuis plusieurs semaines Ben Vandergroat, un meurtrier, qui se cache dans les montagnes avec Lina Patch, une jeune femme qui ne croit pas à sa culpabilité. Avec l'aide d'un chercheur d'or, Jess Tate, et d'un lieutenant nordiste renvoyé de l'armée, il réussit à les capturer. 
Jess Tate, Ben Vandergroat, Lina Patch et Roy Anderson
(Millard Mitchell, Robert Ryan, Janet Leigh et Ralph Meeker)

Mais Kemp n'est pas un shérif, c'est un chasseur de primes qui compte, avec les 5 000 $ promis contre la livraison, mort ou vif, de Vandergroat, racheter le ranch que sa femme a vendu pendant qu'il était mobilisé. Ayant d'abord caché le montant de la récompense à ses deux partenaires, il accepte à contrecoeur de la partager s'ils l'aident à ramener le fugitif à Abilene.
Lina Patch et Ben Vandergroat
(Janet Leigh et Robert Ryan)

Durant tout le voyage, Vandergroat s'amuse à monter les trois hommes les uns contre les autres. Il leur faut aussi composer avec des Cheyennes aux trousses d'Anderson : leur rencontre se soldera par un massacre contre les indiens. Durant l'affrontement, Kemp est blessé et Lina le soigne. Vandergroat raconte pendant ce temps à Tate qu'il connaît un gisement d'or auquel il est prêt à le conduire en échange de sa liberté.
Lina Patch et Howard Kemp
(Janet Leigh et James Stewart)

Ayant entraîné Lina et Tate dans sa fuite, Vandergroat tue de sang froid le chercheur d'or puis se poste sur un promontoire rocheux pour y  attendre Kemp et Anderson et les abattre. Lina cause la perte du criminel qui chute dans une rivière. Anderson se noie en essayant de récupérer son cadavre. Kemp renonce à la prime et donne une sépulture à Vandergroat après avoir accepté de partir en Californie avec Lina pour qu'ils y refassent leur vie ensemble.

Troisième des cinq films qu'Anthony Mann a tourné avec James Stewart (après Winchester '73, en 50 ; Les Affameurs, en 52 ; et avant Je suis un aventurier, en 54 ; L'Homme de la plaine, en 55), L'Appât se distingue par la beauté des compositions de ses plans : rarement western aura si bien exploité la nature sauvage de l'Amérique du Nord au point d'en faire un personnage à part entière mais aussi le territoire reflétant les sentiments violents qui animent les protagonistes.

Pour cela, Mann use d'angles de vue dramatiques : plongées, contre-plongées, gros plans, contribuent à diffuser une ambiance tendue, oppressante. Par ailleurs, le récit évacue les clichés du genre : pas de duel, de course-poursuite à cheval - seule la scène de fusillade avec les indiens fait exception, mais exposée avec radicalité, le résultat d'un déchaînement barbare.

En suivant également souvent les personnages, vus de dos, la caméra donne la sensation au spectateur de suivre cet étrange convoi, d'être immergé dans l'intrigue. Plus que l'action, ce sont les comportements des personnages qui sont explorés et leur nombre réduit permet de souligner leur caractérisation, indiquant leurs motivations, dévoilant leurs psychologies. Aucun ne s'illustre positivement : c'est la cupidité, la vengeance, la manipulation, la lâcheté, la jalousie qui les animent. On ne peut faire confiance ni à Kemp, ni à Tate, ni à Lina, encore moins à Anderson et Vandergroat.

Cela offre l'occasion aux acteurs des interprétations puissantes, en particulier James Stewart (qui livre une composition trouble comme celles qu'il fournissait chez Hitchcock à la même époque), prêt à tout endurer pour mener sa mission jusqu'au bout, et Robert Ryan (extraordinaire en crapule manipulatrice, jubilant des disputes opposant ses ennemis). Janet Leigh joue une figure féminine passionnante : son attachement à Vandergroat s'explique par le fait qu'elle est elle-même fille d'un criminel mais elle se détourne du bandit quand découvre sa nature vraiment mauvaise. En vérité, elle semble surtout chercher un protecteur, mélange de père de substitution et de compagnon, plus qu'un amant, et aspirer à l'oubli (elle désire aussi ardemment demain qu'ailleurs). Millard Mitchell et, surtout, Ralph Meeker (flippant en soldat dégradé sanguinaire) complètent cette distribution minimale mais formidable.

L'incroyable brutalité de l'histoire aboutit à un dénouement logique : harassé, Kemp, en larmes, s'effondre et accepte d'accompagner Lina en Californie, un endroit éloigné de cet enfer traversé et promesse d'une nouvelle vie. Cette fin échappe à toute convention et l'image de ce cowboy déchu qui craque complètement est étonnante et émouvante, profondément humaine.

The Naked Spur dépeint le western avec un acuité impitoyable, le genre y est sévèrement questionné et le pays qui en est le décor à travers lui, soulignant le cercle vicieux de la violence, son absurdité. Un nouveau coup de maître pour la paire Mann-Stewart.

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