samedi 15 octobre 2016

MISS PEREGRINE ET LES ENFANTS PARTICULIERS, de Tim Burton (2016)


MISS PEREGRINE ET LES ENFANTS PARTICULIERS (Miss Peregrine's Homme for Peculiar Children) est un film réalisé par Tim Burton.
Le scénario est écrit par Jane Goldman, d'après le livre de Ransom Riggs. La photographie est signée Bruno Delbonnel. La musique est composée par Mike Highman et Matthew Margeson.

Dans les rôles principaux, on trouve : Asa Butterfield (Jacob Portman), Eva Green (Miss Alma LeFay Peregrine), Samuel L. Jackson (Barron), Ella Purnell (Emma Bloom), Terence Stamp (Abe Portman), Judi Dench (Miss Avocet). Les Enfants Particuliers sont interprétés par : Finlay MacMillan (Enoch), Pixie Davis (Bronwyn), Georgia Pemberton (Fiona), Lauren McCrostie (Olive), Milo Parker (Hugh), Hayden Keeler-Stone (Horace), Cameron King (Millard), Joseph et Thomas Dowell (les jumeaux).

Floride. De nos jours. Jacob est un adolescent qui, sur son temps libre, travaille comme magasinier dans un supermarché et s'occupe de son grand-père, Abe, négligé par ses parents et à qui les médecins ont diagnostiqué une démence précoce. Un soir, à la suite d'un appel téléphonique alarmiste du vieil homme, Jacob se rend chez lui et le trouve mourant dans la forêt derrière sa maison. Les yeux énucléés, il a le temps, avant de s'éteindre d'ordonner à son petit-fils de prévenir une certaine Miss Peregrine dont l'école est basée au Pays de Galles.
 L'école pour enfants particuliers de Miss Peregrine

Après ce drame, Jacob suit une psychothérapie et convainc son père de partir en voyage au Pays de Galles où son grand-père servit comme soldat durant la seconde guerre mondiale. Une fois sur place, il lui fausse compagnie pour rechercher l'emplacement de l'école dont Abe lui a souvent parlé dans les contes qu'il lui racontait enfant. 
Miss Alma LeFay Peregrine
(Eva Green)

Il accède à l'établissement en explorant une grotte : l'endroit est tel qu'en 1943, pris dans une boucle temporelle, juste avant son bombardement par l'aviation allemande, à l'abri des Sépulcreux, les ennemis de Miss Peregrine, qui appartient à l'ordre des Ombrunes, et des enfants particuliers. Ces derniers sont tous dotés de pouvoirs étranges et si l'un d'eux, Enoch, est immédiatement jaloux de Jacob, une autre, Emma, se rapproche vite de lui.  
 Quelques-uns des enfants particuliers.

Miss Peregrine explique que les Sépulcreux, dont le chef est Barron, que Jacob a aperçu près de chez son grand-père le soir de son assassinat, veut la capturer pour lui dérober sa force magique et devenir, avec ses semblables, immortel et recouvrer une apparence humaine. Le garçon, qui ignore comment les aider contre cette menace, découvre qu'il possède lui aussi un don : il peut voir les monstres invisibles aux autres enfants.
 Emma Bloom et Jacob Portman
(Ella Purnell et Asa Butterfield)

Malheureusement, en trouvant l'école, Jacob a permis à Barron de la localiser aussi et, contre la vie sauve des élèves, il obtient la reddition de Miss Peregrine. Culpabilisant, Jacob convainc les enfants de partir sauver leur protectrice en gagnant Blackpool où se réunissent les Sépulcreux dans une autre boucle temporelle - ce qui permettrait aussi au garçon de retrouver son grand-père.
Barron
(Samuel L. Jackson)

L'affrontement entre les enfants et les Sépulcreux est épique mais gagné par Jacob et ses amis. Miss Peregrine, sous sa forme d'oiseau, parvient à s'échapper mais, blessée, s'éclipse pour se rétablir, se contentant provisoirement d'observer comment ses élèves s'en sortiront sans elle désormais.
Jacob, lui, a pu éviter l'assassinat de Abe qui, en retour, lui confie une carte situant toutes les boucles temporelles. L'adolescent va les utiliser pour revoir Emma et ses camarades, et les accompagner dans leurs nouvelles aventures.

Miss Peregrine a les défauts de ses qualités, et le premier d'entre eux est d'être clairement conçu comme le premier volet d'une future franchise qu'espère lancer le studio Fox. D'où un sentiment mitigé à la sortie de la projection : si l'histoire, bien qu'adapté du premier tome de la trilogie de romans écrits par Ransom Riggs, est assez solide pour divertir sans attendre une (ou plusieurs) suite(s), et comporte nombre d'éléments évoquant le cinéma du réalisateur Tim Burton, il n'en reste pas moins que ce dernier n'a pas totalement réussi à transcender cette oeuvre de commande.

La critique a souvent, ces dernières années, pointé du doigt l'inspiration défaillante du cinéaste après l'avoir chéri pendant les années 90. Or, aujourd'hui, tout ce qui faisait la singularité de son style, cette imagerie gothique hérité des films d'épouvante de la Hammer, cet attachement pour les freaks, lui colle tant à la peau que s'il s'en écarte, on le lui reproche, mais s'il s'en contente, on s'en plaint aussi. Un vrai cercle vicieux.

Les nombreux teasers qui ont précédé la sortie de son dernier opus laissaient cependant espérer un retour en force, après le cuisant échec commercial (et, plus partiellement, critique) de son pourtant très estimable Big Eyes (2014) - qui était justement une tentative d'aborder d'autres rivages. Présenté comme une version dark de Mary Poppins (Robert Stevenson, 1964), le film permettait en outre à Burton de retrouver Eva Green, quatre ans après l'épatant Dark Shadows, une actrice taillée pour ses visions extravagantes, et moins encline aux fatigants cabotinages de Johnny Depp.
  
Le résultat est hybride : sans renouer avec les grandes réussites que furent, entre autres, Edward aux mains d'argent (1990) ou Sleepy Hollow, la légende du cavalier sans tête (1999), et loin de l'introspection émouvante du pourtant très beau Big Fish (2003), Miss Peregrine's Homme for Peculiar Children  est un divertissement inégal mais plaisant, à destination des enfants.

La comparaison avec les comics et leurs adaptations en films des X-Men est celle qui s'impose le plus vite : Miss Peregrine est une sorte de Professeur Xavier et ses élèves sont des sortes de mutants, même si le scénario ne répond pas à des questions élémentaires (d'où viennent ces enfants ? Et comment ont-ils acquis leurs étranges pouvoirs ? Quelles sont les origines des Ombrunes, leurs gardiennes, et des Sépulcreux, leurs ennemis ?). Que Jane Goldman, qui a adapté le roman, ait aussi écrit le script de Days of Future Past (Bryan Singer, 2014) n'est évidemment pas étranger à ces points communs, en dehors du fait que les créatures imaginées par Stan Lee et Jack Kirby sont antérieures à celles de Ransom Riggs.

La construction du récit est très (trop ?) classique : Jacob nous sert de guide et, même quand son pouvoir nous est révélé en même temps qu'il l'apprend, il reste le seul individu normal (par son aspect, son attitude) dans tout cela.  Le problème tient davantage à l'interprétation d'Asa Butterfield, qui demeure peu expressif, transparent - une vraie déception. C'est d'autant plus remarquable qu'il est entouré de jeunes partenaires, tous inconnus, mais dont les capacités et le jeu sont plus mémorables. Sa partenaire la plus régulière, Ella Purnell, est très convaincante dans un rôle dont la poésie pouvait facilement basculer dans la mièvrerie.

Evidemment, ces jeunes comédiens sont éclipsés par les adultes : dans la peau du méchant Barron, Samuel L. Jackson alterne entre le grand guignol (sans doute pour ne pas trop effrayer le public le moins âgé) et un look qui demeure assez bien étudié pour rester flippant. Pour camper Miss Peregrine, Eva Green est parfaite, d'une classe folle, d'une beauté bizarre dont elle sait jouer avec mesure : on peut cependant déplorer qu'elle soit écartée de l'action dans la dernière partie du film, alors que son personnage méritait d'y démontrer ses talents magiques (c'est là par contre une autre concession, plus évidente, au cahier des charges d'un divertissement pour enfants, où ceux-ci sont mis en avant pour résoudre seuls in fine leurs problèmes, dans une métaphore lourdingue sur l'émancipation).

Dans des seconds rôles, Terence Stamp et Judi Dench sont hélas ! aussi trop sacrifiés, un autre problème manifeste de construction narrative dans un film qui dure 125 minutes (et qui avait donc le temps de mieux disposer ses protagonistes).
  
Tim Burton réalise le tout avec quelques éclairs de génie (le clin d'oeil à Edward aux mains d'argent avec les sculptures végétales dans le parc de l'école de Miss Peregrine, la découverte de l'épave, l'inventivité malicieuse dans la représentation des pouvoirs des enfants particuliers - la super-force de Fiona, l'invisibilité de Millard, etc.) et moments plus quelconques, comme n'importe quel habile technicien aurait pu les mettre en image. On devine parfois que l'artiste est soit englouti par les effets numériques, soit grisé par les possibilités qu'ils lui offrent, tout comme il est évident que le film décolle vraiment comme Burton lorsque l'histoire se déplace au Pays de Galles et anime ses petits monstres (dont les ruses pour abattre les Sépulcreux sont d'une facétie bienvenue), loin de la Floride représentée de manière appuyée comme le vrai cauchemar de l'artiste. 

Le constat est cruel mais indéniable : en l'état, Miss Peregrine et les enfants particuliers échoue à ressusciter la magie des meilleurs opus de Tim Burton. Il y a dans l'oeuvre de Ransom Riggs tout ce qu'il faut pour l'inspirer mais il se l'approprie sans jamais la sublimer. Y a-t-il renoncé parce qu'il n'avait pas toute la liberté pour en faire plus ? Ou n'en a-t-il tout bonnement pas été capable ? Selon l'humeur, on trouvera dans ces interrogations matière à espérer ou se résigner, voire à s'inquiéter. Mais pour ce film-là, il manque quand même une étincelle, un supplément d'âme, ce je-ne-sais-quoi qui aurait transformé le projet en film plus atypique et personnel.

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