mercredi 5 octobre 2016

EFFETS SECONDAIRES, de Steven Soderbergh (2013)


EFFETS SECONDAIRES (Side Effects) est un film réalisé par Steven Soderbeergh.
Le scénario est écrit par Scott Z. Burns. La photographie est signée Peter Andrews (nom d'emprunt de Steven Soderbergh). La musique est composée par Thomas Newman.

Dans les rôles principaux, on trouve : Rooney Mara (Emily Taylor), Jude Law (Jonathan Banks), Channing Tatum (Martin Taylor), Catherine Zeta-Jones (Victoria Siebert), Vinessa Shaw (Deirdre Banks).
Emily Taylor
(Rooney Mara)

Après avoir purgé une peine de prison de quatre ans suite à une condamnation pour délit d'initié, Martin Taylor renoue avec sa mère et son épouse, Emily. La jeune femme reprend les mondanités avec son mari, qui doit rencontrer de possibles nouveaux employeurs et, ce faisant, croiser ses anciens associés (dont celui qui l'a dénoncé anonymement). Mais Emily ne supporte pas le regard des autres et ce qu'est devenue sa vie. Elle tente de mettre fin à ses jours.
Emily et Martin Taylor
(Rooney Mara et Channing Tatum)

Bien qu'elle nie avoir voulu attenter à ses jours, le psychiatre qui l'examine à l'hôpital la convainc de sa dépression et commence à lui prescrire des anxiolytiques de plus en plus puissants. En consultant le dossier médical d'Emily, il découvre qu'elle a été, à l'époque de l'arrestation de Martin, suivi par le Dr. Victoria Siebert.
Jonathan Banks et Victoria Siebert
(Jude Law et Catherine Zeta-Jones)

Celle-ci collabore avec un laboratoire qui a mis au point un nouveau calmant prometteur, l'Ablixa, pour lequel elle lui propose  de participer à une étude clinique. Il en prescrit à Emily pour commencer et les résultats positifs sont immédiats sur sa libido, son humeur, son travail. Cependant cette hyperactivité s'accompagne d'effets secondaires inquiétants, comme des crises de somnambulisme et de trous de mémoire. Lors d'un de ses épisodes, après que Martin rentre d'un entretien avec une relation qui lui offre un poste à Albany, Emily le poignarde à plusieurs reprises avant d'aller se recoucher. A son réveil, elle découvre le corps sans vie de son époux et prévient la police.
L'Ablixa : psychotrope miraculeux ?

Jonathan soutient l'avocat d'Emily, inculpée de meurtre, pour plaider la folie. Mais cette option risque d'engager sa responsabilité puisqu'il lui a prescrit des psychotropes sans avoir su estimer correctement les conséquences. Cependant la jeune femme admet que c'est la solution la plus raisonnable car un jury pourrait l'envoyer en prison sinon.
Jonathan Banks et Emily Taylor

Les médias relaient l'affaire et la réputation de Jonathan est entachée, ses associés le lâchent, sa femme doute même de lui quand elle apprend qu'une de ses patientes, lorsqu'il exerçait en Angleterre, l'avait accusé de viol. Après avoir vu Emily tout perdre, c'est à son tour de chuter : il décide de reprendre le dossier car il pense que le jeune femme a pu tout inventer pour lui nuire et se couvrir contre une peine pour meurtre avec préméditation.
Jonathan Banks

Ses investigations le persuadent que Victoria Siebert lui a menti sur les effets secondaires de l'Ablixa et que les actions en bourse du laboratoire ont étrangement évolué sur les cours depuis le scandale. Pour confondre Emily, il lui fait passer un test sous un pseudo-sérum de vérité : elle confirme ce qu'elle a toujours dit avant de s'endormir à la fin de l'interrogatoire - ce qui la trahit puisque Jonathan lui a seulement injecté du sérum physiologique.
Victoria Siebert

Jonathan fait alors croire à Victoria qu'Emily l'a dénoncée pour la doubler financièrement. Croyant que son ex-psychanalyste l'a trahie, Emily dévoile comment elle a piégé la police et le psychiatre pour mieux tuer son mari et engranger des bénéfices sur les ventes opportunes d'actions du labo produisant l'Ablixa avec la complicité de Victoria, qui était aussi devenue sa maîtresse. Pour s'assurer que la jeune femme ne pourra plus abuser personne ni lui nuire, Jonathan maintient son internement tandis que la police arrête le Dr. Siebert.

Si on en croit Steven Soderbergh, c'est là le dernier long métrage qu'il a tourné pour le grand écran : une décision radicale qu'il a pris car il était déçu de ne pas avoir pu trouver un studio pour financer son projet suivant (Ma vie avec Liberace, 2013), finalement produit par la chaîne à péage HBO. 

Cinéaste très prolifique et passant d'un genre à l'autre à chaque nouvelle oeuvre, Soderbergh a toujours divisé la critique et le public. Sacré par la Palme d'or dès son premier opus (Sexe, mensonges et vidéo, 1989), il a alterné les petits films et les grosses productions, les projets expérimentaux et les commandes, avec évidemment des résultats inégaux. Mais avec, souvent, un thème récurrent : celui de la mystification, une sorte de métaphore déclinée sur tous les tons du cinéma lui-même.

Et justement Side Effects exploite à nouveau ce motif dans le cadre d'un thriller sur les dérives de la pharmacologie. Le scénariste Scott Z. Burns s'est longuement documenté pour écrire cette histoire et l'intrigue est un modèle de solidité et de suspense, même si le titre est déjà suggestif. Mais ce n'est pas non plus un film-enquête sur les grands laboratoires (comme pouvait l'être vis-à-vis des cartels de drogue son chef d'oeuvre Traffic, 2000) : c'est "juste" une machination en trois actes admirablement fluide et efficace. 

Le récit pointe deux effets particuliers : le premier concerne l'aspect biologique du sujet (les conséquences de la pharmacopée sur les patients - tout le monde, dans ce film, absorbe des cachets : contre le stress, le manque de sommeil, la dépression), le second l'aspect économique (chacun en tire profit - le médecin avec le patient, le laboratoire avec le médecin, les boursicoteurs). Soderbergh souligne que la négligence des thérapeutes importe peu par rapport aux bénéfices financiers qu'ils tirent de la prescription des médicaments et du partenariat avec les laboratoires. Il s'agit de soulager à n'importe quel prix : soulager les patients, soulager son compte en banque (pour pouvoir se payer un bel appartement, la bonne école privée pour les enfants, un cabinet luxueux...). 

Jonathan Banks est d'une certaine manière aussi dépendant qu'Emily Taylor aux psychotropes : ils leur assurent la tranquillité à tous les deux tout en altérant leur rapport à la réalité - le film entretient la doute sur la culpabilité de la jeune femme tout comme sur la responsabilité de son médecin. Et ce procédé contamine la forme même du film de façon troublante. 

Soderbergh s'est en effet amusé, avec une épatante habileté, à semer la confusion dans l'esprit du spectateur : en signant aussi la photographie (sous un nom d'emprunt, pour des raisons syndicales), il a la maîtrise esthétique total du projet et joue avec des effets multiples (images floues, mouvements d'appareils flottants et plus précis, ralentis, éclairages froids ou chauds, cadrages décalés). La construction en trois actes (la chute d'Emily, celle de Jonathan, et la vengeance de Jonathan) diffère les révélations et dévoile progressivement le complot sophistiqué et diabolique mis en scène comme le film l'est lui-même : un film-miroir fascinant donc, et dont le dénouement est redoutablement pervers (tel est pris qui croyait prendre et la punition sera terrible).

Pour incarner cette histoire "mentale", le cinéaste s'est appuyé sur un casting de choix avec des habitués : Jude Law (déjà au générique de Contagion, 2011) est sensationnel en praticien dépassé puis revanchard jusqu'au sadisme, Catherine Zeta-Jones (présente dans Traffic et Ocean's Twelve) est superbe en garce manipulatrice, Channing Tatum (alias Magic Mike, 2012) est excellent en mari aussi massif que dupé.

Rooney Mara n'était pas le premier choix pour jouer Emily - Blake Lively, puis Emily Blunt, Amanda Seyfried, et Michelle Williams avaient été approchées - mais elle livre une prestation fabuleuse. Sa silhouette gracile, son visage à la fois pur et indéchiffrable, la subtilité de ses expressions, son regard changeant en un éclair, font qu'on ne peut imaginer une autre actrice dans ce rôle.

La dextérité dont fait preuve Soderbergh alimente le regret que suscite son retrait : il faut souhaiter qu'il revienne dispenser de nouveaux tours pour le grand écran. Allez, reviens, Steven !  

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