lundi 24 octobre 2016

LA CLE DE VERRE, de Stuart Heisler (1942)


LA CLE DE VERRE (The Glass Key) est un film réalisé par Stuart Heisler.
Le scénario est écrit par Jonathan Latimer, d'après le roman de Dashiell Hammett. La photographie est signée Theodor Sparkhull. La musique est composée par Victor Young.


Dans les rôles principaux, on trouve : Alan Ladd (Ed Beaumont), Veronica Lake (Janet Henry), Brian Donlevy (Paul Madvig), Bonita Granville (Opal Madvig), Moroni Olsen (Ralph Henry), Joseph Calleia (Nick Varna), William Bendix (Jeff).
 Paul Madvig et Janet Henry
(Brian Donlevy et Veronica Lake)

Paul Madvig est un gangster influent qui soutient financièrement la campagne électorale de Ralph Henry parce qu'il est amoureux de sa fille, Janet. Contre l'avis de son ami et bras droit, Ed Beaumont, Madvig décide aussi de rompre son alliance avec Nick Varna, propriétaire de maisons de jeux, afin de paraître plus respectable.
Opal Madvig et Ed Beaumont
(Bonita Granville et Alan Ladd)

Opal Madvig, la jeune soeur de Paul, entretient, elle, une liaison avec Taylor Henry, le fils de Ralph, qui s'adonne justement au jeu. Compromettant les ambitions de son père et de son soutien, il est trouvé mort, assassiné, par Ed Beaumont. Des lettres anonymes accusent Paul du meurtre et son relayées par "L'Impartial", le journal tenu par Varna. 
Paul Madvig, Ed Beaumont et Janet Henry
(Brian Donlevy, Alan Ladd et Veronica Lake)

Beaumont tente de raisonner Varna mais celui-ci le séquestre alors et le fait passer à tabac par un de ses hommes de main, Jeff. Ed réussit à s'enfuir et, après un séjour à l'hôpital, se venge en poussant Jeff à tuer Varna sous l'emprise de l'alcool. Il pense ensuite confondre Janet Henry comme étant l'auteur des lettres anonymes. Il convainc le procureur de la faire arrêter mais quand la police vient la chercher, son père avoue le meurtre de Taylor.
Dégoûté, Beaumont fait ses valises pour New York où Janet veut le suivre. Madvig les surprend mais les laisse partir ensemble.

Après avoir été une première fois adapté en 1935 au cinéma (par Frank Tuttle, avec George Raft), The Glass Key de Dashiell Hammett fournit donc la matière au film de Stuart Heisler. En vérité, ce n'était guère plus qu'un prétexte pour la studio Paramount afin de réunir le couple formé par Alan Ladd et Veronica Lake, dont la popularité était établie lors de la sortie, la même année, de Tueur à gages, réalisé par le même cinéaste.

J'avais rédigé une critique du roman ici et les grandes lignes de l'intrigue sont respectées, même si la concision du long métrage (85 minutes) en sacrifie des éléments. Néanmoins, la représentation de la corruption, de l'ambition et de la brutalité est fidèle à la prose de cet immense écrivain (que Ernest Hemingway tenait pour son grand modèle) : aucun des personnages n'y est sympathique, pas plus Madvig qui veut s'acheter une respectabilité en appuyant Ralph Henry que Janet prête à tout pour accabler l'homme qui l'aime du meurtre de son frère ou Beaumont (re-prénommé ici Ed alors qu'il s'appelle Ned dans le livre), dont le cynisme mais aussi le masochisme en font tour à tour un type arrogant et trop impulsif se donnant l'air d'un bon stratège.

Pour l'époque, cette histoire offrait un cocktail étonnant de polar et de combines politiques, où chacun manoeuvre sans se cacher, avec l'assurance de ceux qui profitent de l'impunité. Là encore, on reconnaît la vision sans concessions de Hammett, et le scénariste Jonathan Latimer a le bon goût de ne pas l'édulcorer. Pas plus qu'il n'adoucit l'extrême violence de certains passages teintée d'une ambiguïté sexuelle évidente.

Ainsi il est troublant de voir Jeff, qui caresse Beaumont avant de le frapper avec une lueur lubrique dans le regard, puis ensuite assister à une scène tout aussi étrange où Beaumont retourne provoquer son bourreau et le pousse à étrangler Varna, observant le meurtre avec le plaisir évident d'un dominateur commandant à son amant (lequel jouit en s'exécutant) !

Cette "physicalité" irrigue tout le récit et a même en quelque sorte ordonné le casting : Alan Ladd qui ne mesurait que 1,68 mètre devait initialement donner la réplique à Patricia Morrison mais celle-ci, trop grande, fut donc évincé au profit de Veronica Lake (1,50 m.). Celle-ci devait, dans une scène, gifler Brian Donlevy et ne retint pas son coup. Tout comme William Bendix (Jeff) assomma vraiment Ladd - ce qui scella leur amitié et valu au colosse de figurer dans de nombreux autres films de la star.

Malheureusement, en plus d'une réalisation moyenne (hormis la scène où Beaumont fait une terrible chute, passant à travers une verrière), le film souffre d'une interprétation limitée : Ladd est terriblement inexpressif et figé, Donlevy promène sa carrure massive dans des costumes élégants sans jamais inspirer la puissance que doit inspirer son personnage. Veronica Lake s'en tire mieux, mais sa prestation souffre des insuffisances de ses partenaires.

En comparaison avec le chef d'oeuvre que fut Le Faucon maltais que John Huston signa un an auparavant de l'oeuvre la plus connue de Hammett, La Clé de verre est une série B palote, fidèle à l'esprit de l'écrivain plus qu'à l'intensité de son fabuleux roman. 

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