lundi 10 octobre 2016

LA FLIBUSTIERE DES ANTILLES, de Jacques Tourneur (1951)


LA FLIBUSTIERE DES ANTILLES (Anne of the Indies) est un film réalisé par Jacques Tourneur.
Le scénario est écrit par Philip Dunne et Arthur Caesar, d'après la nouvelle de Herbert Ravenel Sass. La photographie est signée Harry Jackson. La musique est composée par Franz Waxman.

Dans le rôles principaux, on trouve : Jean Peters (Anne Providence), Louis Jourdan (Pierre François La Rochelle), Debra Paget (Molly La Rochelle), Tomas Gomez (Barbe-Noire), Herbert Marshall (Dr. Jameson), James Robinson Justice (Mr. Red Dugal). 

La capitaine du "Sheba Queen", Anne Providence, s'empare avec son équipage de pirates d'un navire anglais. Dans les cales se trouve un prisonnier français, Pierre François La Rochelle qui explique avoir été le capitaine du "Mary O'Brien", bateau corsaire. Anne, séduite par ce bel homme, décide, contre l'avis de son second, Mr. Red Dugal, de l'épargner et le recrute comme navigateur. Ils prennent la direction de Nassau pour y partager leur butin.
Anne Providence
(Jean Peters)

Sur place, Anne retrouve son mentor, le fameux Barbe-Noire : pour s'amuser, ils se battent en duel, et Pierre en profite pour s'éclipser, prétextant une affaire personnelle. Mais, lorsqu'il remonte à bord du "Sheba Queen", Dugal le conduit devant Anne qui exige de savoir pour quelle raison il a disparu durant la soirée. Pierre reste muet et il est alors fouetté. 
Pierre François La Rochelle
(Louis Jourdan)

Il ne doit son salut qu'au Docteur de l'équipage, Jameson. Fouillé, on trouve sur lui la moitié d'une carte qui mène là où Harry Morgan aurait caché son trésor : il avoue l'avoir obtenu par un compagnon du célèbre pirate à Nassau, l'autre moitié se trouve à Port Royal en Jamaïque, sous le joug des anglais. 
Tandis que Pierre se remet, Anne fait nettoyer son bateau dans une île voisine lorsque Barbe-Noire débarque à l'improviste. Il accuse Pierre d'être un espion à la solde des anglais et l'avoir déjà vu un an auparavant assistant à la pendaison d'un pirate. La Rochelle se défend en affirmant y avoir été contraint comme tous les officiers puis en ayant quitté l'armée britannique ensuite. Anne le croit mais pas Barbe-Noire : ils s'opposent sur le sort à réserver à Pierre et le maître promet à sa disciple de lui faire payer plus tard son insolence. 
Barbe-Noire
(Tomas Gomez)

Pierre convainc, quelques jours plus tard, d'aller à Port Royal seul : désormais barbu, il est sûr de ne pas être reconnu par les anglais. Une fois en ville, il y rencontre pourtant des officiers de la couronne et leur rappelle leur marché : Anne Providence contre la restitution de son vaisseau, mais ses interlocuteurs ne le lui rendront qu'une fois la flibustière capturée. Pierre rejoint ensuite sa femme, Molly, à qui il promet qu'ils pourront bientôt quitter la Jamaïque. Au rez-de-chaussée, un autre officier anglais offre à Pierre de commander un bateau pour piller des équipages étrangers afin de financer les officiers sur l'île. Tandis qu'ils négocient, Dugal enlève Molly et l'emmène jusqu'à Anne après laquelle les britanniques ont lancé leurs navires dans la nuit et qui bat en retraite. 
Découvrant un message du Dr. Jameson l'avertissant de la situation de sa femme, Pierre part à la tête d'une bande de pirates à la poursuite de Anne, qui, elle, se dirige vers Maracaïbbo pour vendre Molly au marché des esclaves. Mais quand le vaisseau de La Rochelle approche, elle repart pour l'attaquer. La bataille est expéditive et se solde par la victoire de la flibustière. Pour se venger de celui qu'elle aimait, elle l'abandonne avec Molly sur un îlot désert. 
Molly et Pierre François La Rochelle
(Debra Paget et Louis Jourdan)

Restant au large pour savourer leur agonie, Anne est taraudée par sa conscience, hantée par des cauchemars. Elle accepte que le Dr. Jameson rejoigne le couple avec des vivres et de quoi les soigner. Barbe-Noire approche au même moment et engage un combat avec l'équipage d'Anne. Pour sauver Pierre, elle n'hésitera pas à sacrifier son bateau, ses hommes et elle-même. 

Jacques Tourneur était un grand formaliste, d'abord connu pour sa maîtrise du noir et blanc dans des films fantastiques (La Féline en 1942, Vaudou en 1943, Rendez-vous avec la Peur en 1958), des polars (La Griffe du Passé en 1948). En passant à la couleur, il a confirmé la même force esthétique et La Flibustière des Antilles en est la meilleure preuve.

L'histoire s'inspire librement de la vie de la pirate Anne Bonny, ennemie farouche des anglais qui furent surpris d'être plusieurs fois attaqués par un équipage mené par une femme. Contemporaine du terrible Rackham et de l'autre mythique flibustière Mary Read, elle s'échappa de prison et nul ne sut ce qu'elle devint ensuite.

Adapté d'une nouvelle écrite par l'historien Herbert Ravenel Sass, Anne of the Indies en conserve la densité dramatique et la concision imparable : le scénario a été très remanié par Arthur Caesar et Philip Dunne pendant quatre ans avant que la Paramount ne le produise. Mais Tourneur a su sublimer ce script pour en tirer un film d'action et une romance passionnée. Tout ici semble en surchauffe : les sentiments sont exaltés, les couleurs flamboyantes, le tempo effréné - en 75 minutes (!), il se passe plus de choses qu'en un volet de 150 minutes de Pirates des Caraïbes ! 

La caractérisation soignée des personnages permet aux acteurs des prestations remarquables : Louis Jourdan joue sur du velours en séducteur manipulateur qui veut d'abord sauver sa peau puis retrouver sa femme, incarnée par la superbe Debra Paget, et récupérer son navire. Face à lui, Jean Peters (qui remplaça pour Susan Hayward, initialement pressentie) compose une Anne Providence pleine d'énergie, mélange détonant de sensualité et de virilité : en vérité, elle fait de la flibustière une quasi-adolescente qui, par dépit amoureux, se venge de celui dont elle s'était éprise et qui l'a trahie, comme auparavant elle repousse son père de substitution, Barbe-Noire, lorsqu'il veut la séparer de ce capitaine dont il s'est rappelé la duplicité.

Cet étonnant mix d'aventures exotiques, ponctuées par des scènes épiques de bataille navale, et d'amour déçu produit un effet grisant sur le spectateur tout en l'interrogeant sur le thème de la loyauté. Le sort, tragique, sacrificiel, d'Anne émeut autant que ses coups d'éclat éblouissent. Ce tourbillon d'émotions fait de La Flibustière des Antilles un divertissement somptueux mais aussi un vrai mélodrame au final poignant. Une merveille.

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