mercredi 25 janvier 2017

VICTORIA, de Justine Triet (2016)


VICTORIA est un film réalisé par Justine Triet.
Le scénario est écrit par Justine Triet avec la collaboration de Thomas Lévy-Lasne. La photographie est signée Samuel Beaufils.


Dans les rôles principaux, on trouve : Virginie Efira (Victoria Spick), Vincent Lacoste (Samuel Mallet), Melvil Poupaud (Vincent Kossarski), Laurent Poitreneaux (David), Laure Calamy (Christelle), Alice Daquet (Eve), Julie Mouliet (la juge), Elsa Wolliaston (la voyante).
 Victoria Spick
(Virgine Efira)

Victoria Spick est avocate et mère célibataire de deux petites filles mais sa vie part à vau-l'eau  : son baby-sitter l'abandonne subitement, son ex-mari David rédige sur un blog une auto-fiction où il l'accable, les dossiers qu'elle plaide ne lui rapportent pas assez d'argent.
Samuel Mallet, Vincent Kossarski et Victoria
(Vincent Lacoste, Melvil Poupaud et Virginie Efira)

C'est dans ces conditions qu'elle est invitée au mariage d'un couple d'amis où elle retrouve Vincent Kossarski mais aussi Samuel Mallet, un petit dealer qu'elle a fait acquitter. Mais durant la fête, Eve, la femme de Vincent, est blessée par arme blanche !
Vincent et Victoria

Vincent, accusé de cette agression par son épouse, supplie Victoria de le défendre pour son procès. Elle accepte à contrecoeur, sachant que cette affaire va la desservir. En même temps, elle engage Samuel comme assistant et baby-sitter et l'héberge chez elle. Mais l'affaire va tourner au fiasco : dénoncée pour avoir parlé avec la plaignante, elle est jugée par le Conseil de l'Ordre et suspendue pour six mois. 
Victoria et Samuel

Cette nouvelle déconvenue l'oblige à congédier Samuel, qu'elle n'a plus les moyens de payer, et elle sombre lentement mais sûrement dans une profonde dépression, après des humiliations répétées : elle accumule les aventures sexuelles foireuses, sa voyante ne lui prédit que le pire, son ancien mari lui annonce qu'il va être publier. Pourtant, c'est cette dernière nouvelle qui va provoquer un sursaut chez Victoria. 
Victoria et Vincent

Elle rappelle Samuel, qui, entretemps, a entamé une formation de juriste, et devient son amant. Vincent refait appel à ses services car une de ses maîtresses, soutenue par Eve avec laquelle il s'était pourtant réconcilié, le traîne en justice. 
Un dalmatien très possessif

Soutenue par Samuel, Victoria mène alors deux combats simultanés : elle attaque David en se faisant représenter par sa collègue Christelle et plaide pour Vincent en élaborant une stratégie improbable, n'hésitant pas à faire témoigner le dalmatien jaloux de Eve ou le singe d'un animateur employé lors de la fête du mariage où il a pris des photos compromettantes pour les plaigantes. 
Un singe photographe

Victoria réussit à obtenir la relaxe pour Vincent mais doit se contenter d'une sanction a minima contre David. Lassé d'être négligé, Samuel a cependant choisi de la quitter et elle rechute dans la déprime. 
Victoria

Lorsqu'elle rentre enfin chez elle, Victoria croise Samuel, venu récupérer ses affaires : elle lui avoue qu'elle a besoin de lui mais surtout qu'elle l'aime et regrette de l'avoir délaissé. Il lui pardonne et accepte de rester. Enfin une victoire pour Victoria !

Victoria est le deuxième film de Justine Triet après La Bataille de Solférino (2013), réalisé sans moyens. Et ce qui saute aux yeux, c'est la sidérante progression entre ces deux oeuvres où la jeune cinéaste assume à la fois l'influence de "la Nouvelle Vague" de ses débuts et les références à la comédie américaine.

Les citations sont évidentes : Billy Wilder, Blake Edwards, Howard Hawks sont invoqués, mais Justine Triet ne copie pas paresseusement ces maîtres, elle en revisite les codes pour un résultat très drôle et inattendu. Cette maturité s'exprime dans des dialogues très écrits et accrocheurs, des situations loufoques, un ton à la fois dépressif et pince-sans-rire, un rythme bien dosé comme l'exige le genre, et une mise en scène plus posée à l'esthétique soignée (la photo est très chaleureuse).

Le film ne quitte jamais son héroïne, avocate en pleine tempête, débordée de toute part,  dont la détresse est lisible jusque dans son corps. C'est une femme désirable mais fatiguée, qui n'arrive même plus à jouir, et collectionne les amants les plus calamiteux (l'un d'eux se jette sur elle avant de lui avouer qu'il cherche à noyer son mal de vivre dans le sexe, un autre se vante d'être irrésistible parce qu'il est désirable sans effort - une scène hilarante sans dialogue où tout passe par les voix-off), lâchée par son baby-sitter, recrutant en catastrophe un ancien client, défendant un ami pour violence conjugale, affrontant le récit de son mariage désastreux par son ex-mari qui publie leur histoire sur un blog...

On ne peut qu'éprouver de la sympathie pour Victoria, écrasée par l'existence, et faisant face tant bien que (surtout) mal. Justine Triet lui fait subir une avalanche d'humiliations jusqu'à ce que le scénario rebondisse heureusement. Vient alors se nicher au coeur du film une scène cruciale où Samuel et Victoria passent la nuit ensemble : il ne s'agit pas seulement d'un rebondissement romantique mais d'un moment pivotal où l'héroïne est enfin considérée par un homme comme une belle femme, qui mérite d'être aimée, estimée. La réalisatrice saisit cet événement avec beaucoup de sensualité et de tendresse tout en parvenant à faire comprendre au spectateur que Victoria renaît littéralement alors.

La suite n'est cependant pas un long fleuve tranquille et l'acte II regorge encore de surprises savoureuses, avec le second procès de Vincent totalement délirant (avec un dalmatien jaloux et un singe facétieux mais au rôle décisif appelés à la barre, devant une juge dépassée - désopilante Julie Mouliet). La réussite du film tient alors à cet équilibre périlleux entre le burlesque et l'émotion, où se joue le rapport de l'héroïne à son travail, ses amis, ses amours. Victoria ne cesse jamais de demander conseil, de s'expliquer, se justifier, de négocier ; elle vit à contretemps mais finit par en faire une arme en en assumant l'aspect le plus absurde. Elle s'abandonne enfin complètement dans des espaces qui sont tous des arènes pour elle - prétoire, cabinet de son psy, de sa voyante, chambre à coucher - , où elle affronte ses peurs, ses contradictions.

Dans ces montagnes russes, Virginie Efira est magistrale : elle traverse l'histoire avec un mélange d'érotisme maladroit et de drôlerie déprimée absolument imparables, animant un personnage pathétique avec une franchise rare et une justesse épatante (la voilà désormais citée aux "César" où, malgré de sérieuses concurrentes - Marion Cotillard et Isabelle Huppert en tête - elle mériterait de décrocher la statuette). A ses côtés, Vincent Lacoste est également formidable, avec sa dégaine nonchalante et lunaire, comme l'est le trop rare et mésestimé Melvil Poupaud, fabuleux en séducteur inconséquent.

Victoria mérite sa bonne réputation et son succès critique et public : une surprise réjouissante. 

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