dimanche 22 janvier 2017

LE VOLEUR, de Louis Malle (1967)


LE VOLEUR est un film réalisé par Louis Malle.
Le scénario est écrit par Louis Malle et Jean-Claude Carrière, dialogué par Daniel Boulanger, d'après le roman de Georges Darien. La photographie est signée Henri Decae. La musique est composée par Henri Lanoë.


Dans les rôles principaux, on trouve : Jean-Paul Belmondo (Georges Randal), Geneviève Bujold (Charlotte), Julien Guiomar (l'abbé La Margelle), Paul Le Person (Roger La Honte), Marie Dubois (Geneviève), Charles Denner (Canonnier), Marlène Jobert (Broussaille), Françoise Fabian (Ida), Martine Sarcey (Renée), Christian Lude (oncle Urbain), Bernadette Lafont (Marguerite), Pierre Etaix (le pickpocket).
 Georges Randal
(Jean-Paul Belmondo)

Une nuit, alors qu'il cambriole une villa, Georges Randal, repense à sa carrière de voleur qu'il définit en ses termes : "je fais un sale métier. Mais j'ai une excuse : je le fais salement."
Georges Randal et l'oncle Urbain
(Jean-Paul Belmondo et Christian Lude)

Orphelin, il grandit sous la tutelle autoritaire de son oncle, Urbain. Il revient à Paris une fois ses études terminées et pense alors à épouser Charlotte, sa cousine, dont il est amoureux depuis toujours. Mais ne l'attendent que de cruelles désillusions.
Georges et Charlotte
(Jean-Paul Belmondo et Geneviève Bujold)

D'abord, Georges apprend que son oncle a dilapidé son argent dans des spéculations imprudentes, le privant de la majorité de la fortune à la quelle il avait droit. Ensuite Charlotte, promise à un autre homme, lui annonce son mariage imminent. Lors de la soirée donnée chez les futurs beaux-parents de sa cousine, par dépit, Georges couche avec la bonne, Marguerite, et vole les bijoux de la maîtresse de maison.
Georges et l'abbé La Margelle
(Jean-Paul Belmondo et Julien Guiomar)

Charlotte devine que Georges a commis ce cambriolage mais ne le dénonce pas. Dans le train qui l'emporte loin de la capitale, il fait la connaissance de l'abbé La Margelle, déjà croisé lors de la réception, et qui a deviné lui aussi son méfait. 
Roger La Honte et Georges
(Paul Le Person et Jean-Paul Belmondo)

Outre son sacerdoce, le prélat dirige en effet une bande de truands à Bruxelles  et enrôle Georges. Les activités parallèles du prêtre sont destinées à financer des missionnaires en Chine où doit être édifiée une église. La Margelle présente Georges à un de ses sbires, Roger La Honte, avec qui il fera équipe. Ce monte-en-l'air émérite devient son mentor et son ami. 
Georges et Broussaille
(Jean-Paul Belmondo et Marlène Jobert)

Pour écouler leurs butins, les deux comparses se rendent à Londres où réside la soeur de Roger, la charmante et dépensière Broussaille. Georges rencontre la séduisante Ida avec laquelle il forme un couple libre, sans que l'un n'ait de compte à rendre à l'autre mais qui peut compter sur un soutien mutuel. 
Ida et Georges
(François Fabian et Jean-Paul Belmondo)

A mesure qu'il acquiert de l'expérience et de la réputation, Georges devient un des meilleurs acolytes de l'abbé. Une nuit, alors qu'il "visite" une maison, il tombe sur la femme du propriétaire, Geneviève, qui, contre toute attente, l'aide à forcer le coffre s'il accepte de l'emmener avec lui ensuite. 
Geneviève
(Marie Dubois)

Celle qu'il décrit comme "une femme d'action" à qui "il fallait des victimes" devient sa partenaire pour infiltrer les cercles mondains et approcher des personnalités politiques de la Droite bourgeoise, autant de futures proies potentielles. Lors d'une soirée, Georges aperçoit son oncle Urbain, vieilli et amoindri, parmi les invités et laisse Geneviève lui mettre le grappin dessus.
Georges et Canonnier
(Jean-Paul Belmondo et Charles Denner)

A l'occasion d'une réunion politique où il est introduit par Renée, Georges rencontre Canonnier, un voleur réputé et anarchiste, évadé de l'Île du Diable. Il tente de le gagner à sa cause tout en lui enseignant de nouveaux tours, pendant le discours d'un député, mais Randal se "méfie de la violence" dont il a peut qu'elle l'emporte". En quittant l'endroit, aussi discrètement que possible, Canonnier est reconnu par un policier qui l'abat en lui tirant dans le dos alors qu'il tentait de fuir.
Georges et Charlotte

La mort de Canonnier provoque une série d'attentats anarchistes et beaucoup d'arrestations - Georges et Roger échappent de peu à l'une d'elles une nuit. Le métier devient difficile, il se retire à Londres où Charlotte l'attend et devient enfin sa maîtresse. A la mort de l'oncle Urbain, Georges fabrique un faux testament qui le désigne comme co-héritier avec Charlotte. Néanmoins, il prévient celle-ci qu'il ne cessera pas ses cambriolages : elle l'accepte pour ne pas le perdre à nouveau.

Le roman de Georges Darien, publié en 1897, était un récit présenté comme autobiographique par l'auteur et fut salué par les révolutionnaires anarchistes et les surréalistes (André Breton le premier, même s'il n'appréciait pourtant pas ce genre de littérature conventionnelle). 

Dans la filmographie, souvent commentée avec passion, de Louis Malle, où des oeuvres aux sujets sensibles créèrent plus d'une fois le scandale (cf. Les Amants en 1958, Le Feu Follet en 63, Le Souffle au coeur en 71, Lacomb Lucien en 74), Le Voleur est souvent, sinon oublié en raison de l'accueil mitigé et du petit succès qu'il reçut, du moins peu retenu. C'est fort dommage car c'est sans nul doute un des meilleurs opus du cinéaste.

Lui-même bourgeois en rupture de ban (il prendra part activement à Mai 68, qui lui inspirera Milou en Mai en 90) comme Georges Randal, qui mieux que lui pouvait saisir les motivations troubles de cet anti-héros devenu cambrioleur par dépit (amoureux) puis par plaisir (au point de dire, en termes suggestifs, à Charlotte : "j'aime cela. Il y a cette chose à éventrer. C'est comme si je venais au monde. Puis quand c'est terminé, j'attends que ça recommence.").

Le résultat est proche de l'esprit du roman, très critique envers les institutions que sont la famille (le détestable oncle Urbain, campé par Christian Lude), la religion (personnifiée par le peu orthodoxe abbé La Margelle que joue, avec onctuosité, le grandiose Julien Guiomar) et la politique (via le personnage de Renée, incarnée par Martine Sarcey, mais aussi par celui de Canonnier, pour lequel Charles Denner n'a besoin que d'une séquence pour le rendre inoubliable).

Le casting réunit une troupe d'acteurs extraordinaire, particulièrement dans sa partie féminine : Geneviève Bujold (trouble et troublante Charlotte - la comédienne retrouvera Belmondo et Guiomar sept ans plus tard dans L'Incorrigible de Philippe de Broca), Marie Dubois (incandescente Geneviève), Françoise Fabian (d'une classe folle), Marlène Jobert (espiègle Brouissaille - et elle aussi future partenaire de "Bébel" dans Les Mariés de l'An II de Jean-Paul Rappeneau en 71) ou Bernadette Lafont (parfaite en soubrette aguicheuse).

Le film ne se départit jamais d'une froideur (soulignée par la photo magnifique d'Henri Decae, le chef opérateur de Melville, avec des tons gris quand Georges est seul, et plus lumineux quand il est au milieu des autres voleurs) qui évite toute glorification du cambriolage ou mise en scène spectaculaire. Malle épouse le point de vue de Randal, formidablement interprété par Jean-Paul Belmondo, tout en colère rentrée ("parfois je rêve de tout faire sauter. - Attaquer la bourgeoisie, c'est scier la branche sur laquelle on est assis." le prévient La Margelle) et de plus en plus mélancolique ("Le métier devenait difficile. Je travaillais moins. Le coeur n'y était plus."), et livre une critique désespérée teintée d'une ironie acide.

Une rareté donc, à (re)découvrir d'urgence. 

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