jeudi 26 janvier 2017

LE DIABLE PAR LA QUEUE, de Philippe de Broca (1969)


LE DIABLE PAR LA QUEUE est un film réalisé par Philippe de Broca.
Le scénario est écrit et dialogué par Daniel Boulanger, découpé par Claude Sautet. La photographie est signée Jean Penzer. La musique est composée par Georges Delerue.


Dans les rôles principaux, on trouve : Yves Montand (le baron César Anselme de Maricorne), Madeleine Renaud (la marquise), Marthe Keller (la baronne Amélie de Coustine), Jean Rochefort (le comte Georges de Coustine), Maria Schell (la comtesse Diane de Coustine), Clotilde Joano (la comtesse Jeanne de Coustine), Jean-Pierre Marielle (Jean-Jacques Leroy-Martin), Tanya Lopert (Cookie), Claude Piéplu (Patin), Xavier Gélin (Charlie).
 La comtesse Jeanne, la marquise, la comtesse Diane et la baronne Amélie
(Clotilde Joano, Madeleine Renaud, Maria Schell et Marthe Keller)

Propriétaire d'un château vétuste du XVIIIème siècle, la famille d'aristocrates de Coustine n'est pas à l'abri de l'indigence malgré ses lettres de noblesse et a dû transformer sa demeure en hôtel. Mais situé trop loin des axes routiers, la clientèle est rare. Amélie, la petite-fille de la marquise, convainc Charlie, le garagiste qui est amoureux d'elle, de saboter les véhicules des touristes de passage pour ensuite les emmener passer la nuit au château.
Le baron César Anselme de Maricorne
(Yves Montand)

Par un samedi soir pluvieux, l'établissement fait ainsi le plein mais attire, dans le lot, un prétendu baron, César Anselme de Maricorne, flanqué de ses deux hommes de main patibulaires. Le personnage est aussi élégant que beau parleur mais sent le soufre. 
La comtesse Diane et le comte Georges de Coustine
(Maria Schell et Jean Rochefort)

En vérité, César vient, avec ses complices, de commettre un audacieux hold-up à Mâcon et toutes les polices sont à ses trousses. Séducteur, il ensorcelle toutes les femmes du château par son bagout mais la marquise, méfiante, exige de Charlie qu'il répare sa voiture en urgence de peur que sa fille Diane ne succombe au charme du baron.
La marquise et le baron César

Le lendemain matin, la météo est plus clémente et le trio de malfrats peut donc repartir, mais découvre que les autorités ont dressé des barrages dans tout le secteur. Accidentellement (et définitivement) séparés de ses sbires, César n'a d'autre issue que de revenir au château pour téléphoner à un ami de venir le récupérer en avion la nuit venue. Amélie découvre, pendant qu'il passe son coup de fil, que l'attaché-caisse dont de Maricorne ne se sépare jamais contient effectivement l'argent dérobé à la banque de Mâcon.  
La baronne Amélie

Avertie, la famille, sous le commandement de la marquise, s'emploie alors à mettre la main sur ce butin et à se débarrasser du baron. Mais malgré l'énergie déployée par Georges et sa femme Diane, César échappe avec une chance insolente à tous les pièges qu'on lui tend.
Patin et la marquise
(Claude Piéplu et Madeleine Renaud)

A Jeanne, la seule des filles de la marquise encore célibataire, qui a fait échouer son évacuation par les airs, César finit par avouer sa lassitude de toujours devoir fuir mais aussi l'amour qu'il éprouve pour elle, si pure. Il se résigne donc à rester au château et à confier son magot à la marquise. 
La comtesse Jeanne

Trois mois plus tard, la demeure rénovée est devenue une auberge étoilée et florissante dont César est devenu le cuistot, suscitant toujours l'admiration par son dynamisme de la gente féminine.

Après le douloureux échec du Roi de Coeur (1966), Philippe de Broca a songé à abandonner sa carrière de cinéaste et il faudra tout le soutien de sa famille et de ses amis (dont François Truffaut) pour qu'il ne s'exécute pas.

Après une interruption de trois ans, il rebondit en signant un chef d'oeuvre vraiment endiablé, témoignant de son inspiration intacte - mieux même : de son regain de forme. Tournée en pleine floraison post-Mai 68, cette comédie farfelue est écrite par son fidèle partenaire, Daniel Boulanger, et bénéficie d'un découpage de Claude Sautet (qui officiait comme script-doctor en parallèle de son activité de réalisateur, comme Jean-Paul Rappeneau).

L'intrigue se déploie dans un décor qui peut être lu comme un prolongement de celui du Farceur (1960) avec sa maison sur plusieurs niveaux bourdonnant comme une vraie ruche : dans ce château décrépit règne une ambiance joyeusement amorale mais aussi marinent d'innombrables frustrations sexuelles exacerbées par le fait que des personnages très divers mais libertins ("Je suis un libéral et un libertin. Le libéral tolère l'église. Le Libertin fait son lit." déclarera le personnage du playboy Jean-Jacques Leroy-Martin, incarné par l'hilarant Jean-Pierre Marielle) s'y trouvent coincés.

Toute l'histoire et ses péripéties sont prétexte à des allusions, des double-sens grivois mais qui ne sombrent jamais dans la vulgarité, grâce aux dialogues spirituels de Boulanger et la légèreté formelle de de Broca. Le film baigne dans une volupté décomplexée et gaie à laquelle il est impossible de résister, depuis la (très) mini-jupe de Marthe Keller (tout à fait superbe en fausse ingénue et filmée avec un amour évident par le réalisateur qui est tombé sous son charme durant le tournage) jusqu'aux étreintes troubles et répétées qu'offre Maria Schell (exquise en épouse insouciante) aux clients et au baron César en particulier.

Dans ce festival d'érotisme plus coquin que salace, les hommes apparaissent comme des jouets pour les femmes : le cadre bucolique, les couleurs chatoyantes de la nature environnante, la lumière estivale, la musique enchanteresse de Georges Delerue, sont autant d'invitations à savourer l'instant présent. De Broca emballe son affaire en 90 minutes exaltées mais nuancées par une discrète mélancolie, exprimée par la fatigue de César, les soupirs de Patin, la résignation de Georges, l'assurance ébranlée du playboy. Les filles sont futées, peu farouches, la grand-mère fomente des homicides, beaucoup de mouvements comme pour avoir à l'usure tous les mâles de la demeure.  
(debout :)Charlie, Jean-Jacques Leroy-Martin, Diane, la Marquise, Georges, Jeanne,
(assis :)Amélie, César, Cookie
(debout : Xavier Gélin, Jean-Pierre Marielle, Maria Schell, Madeleine Renaud, Jean Rochefort, Clotilde Joano ; assis : Marthe Keller, Yves Montand, Tanya Lopert)

Le bal est mené par Yves Montand, sorte de double mûr des personnages tourbillonnants et "intranquilles" jadis campés par Jean-Pierre Cassel, mais tout aussi déchaîné, sec avec ses sbires mais fanfaron avec les dames, cabotinant volontiers en reprenant son accent méridional. Il est merveilleusement entouré par Madeleine Renaud, exceptionnelle en mémé conspiratrice, et Jean Rochefort, flegmatiquement désopilant.

Jusqu'au dénouement, où Clotilde Joano piège de façon désarmant César, Le Diable par la queue nous embobine. Mais on abdique avec plaisir devant une si belle démonstration. 

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