lundi 23 janvier 2017

ET TA SOEUR, de Marion Vernoux (2014)


ET TA SOEUR est un film écrit et réalisé par Marion Vernoux, d'après le roman Your Sister's Sister de Lynn Shelton.
La photographie est signée Nicolas Gaurin. La musique est composée par Eric Neveux.


Dans les rôles principaux, on trouve : Virgine Efira (Marie), Grégoire Ludig (Pierrick), Géraldine Nakache (Tessa).
 Pierrick et Marie
(Grégoire Ludig et Virginie Efira)

Pierrick vient de perdre, dans un accident de la route, son frère, Erwan, avec lequel il ne s'entendait pas bien. Tessa, sa meilleure amie et ex de son frangin, l'invite à se ressourcer dans la maison de sa famille en Bretagne, où il pourra entre outre préparer son concours de bibliothécaire. Il arrive sur place dans la soirée mais, surprise, l'endroit est déjà occupé par une jeune femme qui n'est autre que la demi-soeur de Tessa, Marie. N'arrivant ni l'un ni l'autre à dormir cette nuit-là, ils boivent en se confiant sur leur situation - le deuil de son frère pour lui donc, la séparation récente d'avec une certaine Manuela pour elle. Passablement éméchés, ils couchent ensemble, mais l'étreinte est brève car Pierrick est trop excité.
Pierrick et Tessa
(Grégoire Ludig et Géraldine Nakache)

Le lendemain matin, panique à bord : Tessa débarque à l'improviste. Pierrick, seul avec Marie, ne veut pas que la visiteuse apprenne ce qui s'est passé cette nuit. Il l'accompagne en randonnée et déjeune avec elle dans un restaurant. De retour à la maison, Marie songe à partir mais sa soeur la convainc de rester pour dîner. 
Tessa, Marie et Pierrick


Le repas se déroule dans une ambiance délétère : les deux soeurs échangent leurs souvenirs les plus embarrassants et Pierrick est mal à l'aise à cause du secret qu'il dissimule et craint de voir révélé à tout moment. Chacun va se coucher, morose. Tessa rejoint Pierrick dans sa chambre où elle le masse tout en le questionnant sur Marie mais il reste évasif, troublée par la proximité et les avances de sa meilleure amie.
Marie et Tessa

Le lendemain, la tension reste vive au sein du trio et la situation dégénère carrément lorsque Tessa découvre dans la poubelle le préservatif de Pierrick. Une dispute éclate entre les deux soeurs à laquelle se joint le jeune homme quand il remarque que la capote est percée, ce qui signifie que Marie a voulu le piéger pour tomber enceinte. Il plie bagages mais arrivé au port, il est coincé car, avec la tempête qui commence à se lever, aucun ferry ne part pour le continent : il doit passer la nuit dans un refuge inconfortable tandis qu'à la maison, Tessa ne pardonne pas à Marie d'avoir couché avec Pierrick qu'elle avoue aimer. 
Pierrick, Tessa et Marie

Marie va rechercher Pierrick au matin et il retrouve Tessa avec laquelle il couche enfin. Tous les trois rentrent sur le continent. Quelque temps après, Marie attend le résultat d'un test de grossesse, entourée par Pierrick et Tessa.

Cinéaste remarquée en 1996 pour sa charmante adaptation du roman de Julian Barnes, Love, etc. (avec Charlotte Gainsbourg, Yvan Attal et Charles Berling), Marion Vernoux revenait derrière la caméra en 2013 avec Les Beaux Jours, romance attachante  entre une sexagénaire (Fanny Ardant) et un homme plus jeune (Laurent Laffite) puis enchaînait l'année suivante avec cette comédie au titre peu inspirée.

C'est la deuxième fois, après le navrant Dot not disturb d'Yvan Attal (2014), qu'un ouvrage de Lynn Shelton est porté à l'écran par une cinéaste française, mais sans plus de réussite. En effet, inutile de faire durer le suspense, c'est un désolant ratage, à peine traversé par quelques moments délicats, auquel on assiste. 

L'écrivain Nathalie Sarraute expliquait qu'elle préférait s'attacher aux "états" qu'à l'action et à la psychologie, et si elle a produit une oeuvre fascinante grâce à cette ambition, on peut constater qu'un certain cinéma français, à la croisée du film d'auteur (avec les clichés qui lui collent à la pellicule, comme son intimisme maniéré, sa description complaisante du mal-être de héros "bobos") et de la comédie sentimentale (dans la ligne des fameux feel-good movies américains si difficiles à reproduire), se contente de filmer des "états" plutôt que des personnages et des histoires consistantes, en invoquant une grâce fragile. Et donc en aboutissant à des résultats précaires.

Et ta soeur est symptomatique de cette tendance à espérer qu'un long métrage va tenir debout par miracle alors que ce qu'il raconte remplirait juste un court métrage et dont l'argument exploite une situation graveleuse maladroitement, en alignant des scènes inutilement longues, dialoguées lourdement, avec des acteurs visiblement livrés à eux-mêmes (là aussi en comptant sur une alchimie entre eux).

A force de ne jamais choisir, entre le rire et l'émotion, ou en tout cas en échouant à les marier, Marion Vernoux ne produit qu'une fable convenue et longuette avec des personnages en plein spleen mais pour auxquels on a du mal à s'attacher. L'intrigue, ou ce qui en tient lieu, est cousue de fil blanc (qui ne devine pas dès leur première scène que Pierrick et Tessa vont finir ensemble, même si lui a des scrupules à avouer son attirance pour l'ex-copine de son défunt frère, et qu'elle hésite à le draguer ?). Idem pour la pathétique baise entre Pierrick et Marie, lesbienne assumée mais en mal de maternité. La révélation du piège qu'elle tendu à ce coup d'un soir et le mélodrame familial qui s'ensuit entre les deux soeurs sont tout aussi prévisibles et mal exploités (passé le ressentiment, d'un côté, et la confusion, de l'autre, qui, là encore, doute que le trio se réconciliera ?).   

Rien ne fonctionne, tout est grossièrement exposé et développé - les deux soeurs dissemblables (la brune complexée, la blonde désabusée), le garçon largué, le huis-clos qui sert de test pour les trois. Pire, il est évident que Marion Vernoux ne semble pas aimer ses personnages qu'elle filme en les mettant rarement en valeur - seule la scène de massage montre la sensualité de Tessa - un vrai gâchis quand on a devant son objectif une actrice aussi jolie et nuancée que Géraldine Nakache. Virgine Efira, bien que son personnage affirme que toutes les lesbiennes n'ont pas un look de camionneuse, affiche une mine lasse peu flatteuse (un comble pour une comédienne lumineuse et sensible), qui semble exprimer son propre manque de conviction. Seul Grégoire Ludig (la moitié de l'hilarant "Palmashow") étonne positivement en type dépassé auquel il réussit à insuffler un peu de dérision.

Je voulais revenir au cinéma français actuel, après plusieurs films des années 60, attiré par la réunion de trois interprètes que j'apprécie et la curiosité de les voir dirigés par une cinéaste sur le retour. Tout n'est pas à jeter dans ce qui se fait actuellement chez nous (il existe des réalisateurs très fréquentables dans le registre visité ici), mais là, c'est une mauvaise pioche.

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