lundi 2 janvier 2017

CARTOUCHE, de Philippe de Broca (1962)


CARTOUCHE est un film réalisé par Philippe de Broca.
Le scénario est écrit par Philippe de Broca, Charles Spaak et Daniel Boulanger (également auteur des dialogues), avec la participation de Jean-Paul Rappeneau. La photographie est signée Christian Matras. La musique est composée par Georges Delerue.

Dans les rôles principaux, on trouve : Jean-Paul Belmondo (Louis Dominique Bourguignon alias "Cartouche"), Claudia Cardinale (Vénus), Odile Versois (Isabelle de Ferrussac), Jean Rochefort ("La Taupe"), Jess Hahn ("La Douceur"), Marcel Dalio (Malichot), Philippe Lemaire (Gaston de Ferrussac), Jacques Balutin ("Capucine").
 Dominique dit "Cartouche"
(Jean-Paul Belmondo)

XVIIIème siècle. Sous la Régence, en France. Voleur très habile et gouailleur, Dominique travaille pour le compte de l'affreux Malichot, chef des truands à Paris, mais dont les méthodes le révoltent. Il brave son autorité en contestant le partage des objets qu'il a dérobés mais doit ensuite fuir la capitale pour échapper à sa vengeance.   
"La Douceur", "Cartouche" et "La Taupe"
(Jess Hahn, Jean-Paul Belmondo et Jean Rochefort)

Il se réfugie dans une taverne où il remarque un sergent qui recrute des hommes et s'engage avec les dénommés "la Douceur", un colosse jovial, et "la Taupe", un aigrefin philosophe. Sur le champ de bataille, les trois tire-au-flanc deviennent d'inséparables amis qui sont salués comme des héros alors qu'ils ont soigneusement évités les combats rapprochés. 
"Capucine", Vénus et le sergent
(Jacques Balutin, Claudia Cardinale et Noël Rocquevert)

Lorsqu'ils apprennent qu'on va les renvoyer se faire trucider, Dominique, "la Taupe" et "la Douceur" décident de déserter en s'emparant de la solde destinée à leur régiment. En fuite, ils s'arrêtent dans une auberge où Dominique remarque une belle bohémienne entre deux gendarmes. Il libère la belle Vénus et lui confie son magot pour qu'elle le convoie à Paris pendant qu'il se débarrasse avec ses acolytes des soldats.
Vénus et "Cartouche"

Accompagné d'un moine peu orthodoxe, surnommé "Capucine", Vénus est capturée à Paris par Malichot et ses sbires. Lorsqu'il l'apprend, Dominique va la délivrer et, soutenu par "la Taupe" et "la Douceur", supplante Malichot à la tête des truands en partageant équitablement avec eux son trésor. 
"Cartouche" et Vénus

Dominique donne l'ordre à ses compagnons de ne plus s'attaquer qu'aux puissants et de ne plus commettre de meurtres pour s'emparer de leurs richesses. Les mises à sac s'enchaînent dans les demeures des nobles, les églises, les greniers, les caisses des impôts. La célébrité de ce lui qui signe désormais ses exploits du surnom de "Cartouche" grandit et il gâte Vénus en conservant sa popularité auprès de sa bande. 
Isabelle de Ferrussac
(Odile Versois)

L'émoi est tel parmi l'élite que Gaston de Ferrussac jure de neutraliser le brigand. "Cartouche", pourtant, s'ennuie de son spectaculaire succès, devenu en vérité aussi bourgeois que ceux qu'il détrousse. Il néglige aussi Vénus car il convoite Isabelle, la femme de son ennemi. Pour la conquérir, il est prêt à tout, comme lui remettre les diamants volés au Grand Turc en visite en France. Mais elle continue à lui résister, quand bien même elle est troublée par ce prétendant. 
"Cartouche" et Vénus

"Cartouche" donne un rendez-vous secret à Isabelle dans une auberge désolée, attendu que si elle vient c'est qu'elle l'aime, sinon elle pourra causer sa perte en le dénonçant à son mari. C'est la servante de Mme de Ferrussac qui indiquera à Gaston où se trouve le voleur qui est capturé par la garde. Vénus, bien que trahie, convainc les truands de l'aider à libérer "Cartouche" en tendant une embuscade à son escorte. Le plan réussit mais la bohémienne meurt en recevant une balle de pistolet visant son amant.
Vénus est morte

Alors que la fête bat son plein chez les Ferrussac et que Gaston annonce à Isabelle que le brigand a été pris, les truands font irruption dans le château. "Cartouche" porte le corps de Vénus et le couvre avec les bijoux des femmes de l'assistance. Puis il installe sa bien-aimée dans un carrosse qu'il immerge dans le lac voisin. La bande de voleurs repart pour des nuits qui, comme le prédit "la Taupe", seront désormais plus froides...

C'est la période des bonnes résolutions et une de celles que je vais tâcher de tenir cette année consistera à écrire davantage sur des films français dans ce blog largement dominé par le cinéma américain. 

Pour commencer en beauté, quoi de mieux que (re)voir Cartouche ?

Longtemps mésestimé par la critique, Philippe de Broca est désormais reconsidéré comme le cinéaste atypique qu'il était quand il débuta dans les années 1950. Sa filmographie a donc commencé avant que les "jeunes turcs" de la "Nouvelle Vague" révolutionnèrent le 7ème Art. Pourtant ce fils de bonne famille (petit-fils du peintre Alexis de Broca, fils d'un industriel du cinéma, diplômé de l'école technique de photographie et de cinématographie) tirera son inspiration en réaction à la guerre en Allemagne et en Algérie : traumatisé par cette période, il dira plus tard que "le rire est la meilleure défense contre les drames de la vie." Cette philosophie explique son oeuvre légère, élégante, mais non dénuée de gravité.

Après avoir été assistant de Henri Decoin, Claude Chabrol (sur Le Beau Serge, Les Cousins, À double tour), François Truffaut (Les 400 coups) et de Pierre Schœndœrffer (Ramuntcho), il réalise son premier long métrage en 59, Les Jeux de l’amour (avec son comédien fétiche, Jean-Pierre Cassel). 

Cartouche marque un tournant décisif : c'est son premier grand succès commercial et la la première de ses six collaborations avec Jean-Paul Belmondo. L'ambition de ce faux biopic, librement inspiré de la vie du véritable brigand du XVIIIème siècle, est assumée par son producteur-aventurier, le légendaire Alexandre Mnouchkine, puisqu'il s'agit de rivaliser avec les classiques américains des films de cape et d'épée.

A l'écran, le résultat est une indéniable réussite : magnifiquement photographié par Christian Matras, le design est somptueux, qu'il s'agisse des costumes flamboyants, des décors (naturels pour les prises de vue en extérieurs, ou en studio - notamment pour le repaire de Malichot puis de "Cartouche"). Le film n'a vraiment rien à envier à des chefs d'oeuvre comme Scaramouche ou Le Prisonnier de Zenda, d'autant que la mise en scène grise par son énergie (parfois foutraque - on peut noter des faux raccords amusants dans les scènes de bagarre impliquant des figurants).

Mais, comme je le disais plus haut, chez de Broca, la vigueur se nuance souvent de mélancolie. Le scénario, dans sa première partie, est euphorisant, décrivant la rébellion puis la fuite et le retour de Dominique devenu "Cartouche", ayant évincé Malichot, aimé de la sublime Vénus, respecté de ses hommes. Le voilà arrivé et, en vérité aussi embourgeoisé que les nobles qu'il détrousse. Notre bondissant héros s'ennuie et convoite alors un trésor plus grand, plus difficile à acquérir : Isabelle de Ferrussac.

Daniel Boulanger (qui signe aussi les dialogues plein de gouaille du film) et Charles Spaak - sans oublier Jean-Paul Rappeneau, non crédité mais qui officiait comme script-doctor à l'époque (comme d'autres futurs cinéastes, tels que Claude Sautet) - se sont visiblement amusés à donner le nom de leur réalisateur (Philippe de Broca de Ferrussac pour l'état-civil) à celle qui causera la perte de "Cartouche". Mais en exploitant cet élément, ils font aussi basculer le récit dans un second acte dont le spectateur pressent qu'il se terminera moins gaiement.

Ainsi l'aventure finit effectivement sur une étonnante note dramatique : la mort, sacrificielle, de Vénus, ses obsèques bouleversantes, à l'esthétique d'une beauté renversante, vous étreignent avec une force poignante. Et entraînent du coup le film dans une autre dimension, plus puissante, que ce qu'on supposait.

L'interprétation est exceptionnelle : Jean Rochefort (encore sans sa mythique moustache), Jess Hahn, Marcel Dalio (excellent en crapule rancunière), entourent un trio inoubliable composé par Jean-Paul Belmondo (génial dans ce registre où il est resté sans égal), Claudia Cardinale (qui ne vole pas son titre de "plus belle italienne de Tunis" mais donne aussi une émotion subtile à son personnage d'amante délaissée mais loyale) et Odile Versois (soeur de Marina Vlady, troublante en aristocrate troublée).

Porté par une merveilleuse musique de Georges Delerue (partenaire fidèle de de Broca), Cartouche illustre à la perfection cet avis de Vénus à son brigand bien-aimé : "amuse-toi, Dominique, ça empêche de mourir."

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