vendredi 27 janvier 2017

LES CAPRICES DE MARIE, de Philippe de Broca (1970)


LES CAPRICES DE MARIE est un film réalisé par Philippe de Broca.
Le scénario est écrit par Philippe de Broca et Daniel Boulanger (également auteur des dialogues). La photographie est signée Jean Penzer. La musique est composée par Georges Delerue.
Dans les rôles principaux, on trouve : Marthe Keller (Marie Panneton), Philippe Noiret (Gabriel), Bert Convy (Broderick McPower), Jean-Pierre Marielle (Léopold Panneton), Didi Perego (Aurore Panneton), Fernand Gravey (le capitaine Ragot), François Périer (Jean-Jules de Lépine), Valentina Cortese (Madeleine de Lépine - avec la voix de Nadine Alarie), Dorothy Marchini (Dorothy Golden).
Aurore Panneton, le capitaine Ragot et Léopold Panneton
(Didi Perego, Fernand Gravey et Jean-Pierre Marielle)

Angevine est un petit village paisible de Normandie dont le maire et bistrotier, Léopold Panneton, protège l'insouciance dans laquelle vivent ses administrés en censurant les mauvaises nouvelles publiées dans les journaux et en autorisant le facteur à lire et détruire les courriers fâcheux.
Léopold Panneton et sa fille Marie
(Jean-Pierre Marielle et Marthe Keller)

Sa fille, la belle Marie, fait tourner la tête à tous les hommes du bourg mais elle n'aime vraiment que Gabriel, le timide instituteur, un vieux garçon bourru qui joue du violoncelle dans l'orchestre municipal que dirige Jean-Jules de Lépine, dont l'épouse Madeleine conseille la jeune femme. Celle-ci désire découvrir le monde et s'inscrit pour cela à un concours de beauté, "Miss Flots Bleus", organisé dans une localité voisine des Côtes de la Manche. 
Marie et Gabriel
(Marthe Keller et Philippe Noiret)

Au même moment, un milliardaire américain, Broderick McPower, en croisière sur son yacht, apprend que sa quatrième épouse demande le divorce. Humilié dans la presse, il décide de se remarier rapidement et jette son dévolu sur la gagnante du concours de beauté que lui montre sa secrétaire, Dorothy Golden : Marie !
Madeleine de Lépine et Marie
(Valentina Cortese et Marthe Keller)

McPower débarque en grandes pompes à Angevine et séduit la population en offrant de somptueux cadeaux à tout le monde. Marie, d'abord amusée, hésite quand même à quitter son petit village pour vivre à New York, craignant surtout que Gabriel ne l'oublie. 
Jean-Jules de Lépine et Gabriel
(François Périer et Philippe Noiret)

Qu'à cela ne tienne ! L'excentrique américain fait transporter tout Angevine en Amérique pour rassurer sa fiancée. Le bourg devient une attraction touristique très courue, "la réserve française", mais les habitants déplorent la situation, regrettant leur tranquillité. Quant à Marie, elle pense toujours à Gabriel, seul à être resté en France, avec nostalgie.
Dorothy Golden, Gabriel et Marie
(Dorothy Marchini, Philippe Noiret et Marthe Keller)

Le capitaine Ragot, de Lépine et Panneton conspirent alors pour que Gabriel les rejoigne afin de raisonner Marie : ils lui demandent opportunément d'apporter une pièce de rechange pour le moulin à café de Léopold, tandis que Marie repousse sans cesse Broderick, de toute façon accaparé par ses affaires, car elle lui réclame des noces spectaculaires.
Gabriel, Marie et Broderick McPower
(Philippe Noiret, Marthe Keller et Bert Convy)

Gabriel surgit le matin même du mariage et Broderick rend sa liberté à Marie, conscient de l'absurdité de leur union. Il renvoie tout le village et ses résidents en Normandie où l'instituteur pourra épouser sa belle à qui il a enfin osé faire sa déclaration.

En dix ans, depuis son premier opus (Les Jeux de l'amour, 1960), Philippe de Broca aura réalisé dix films (et participé à deux longs métrages à sketches : un segment dans Les Sept péchés capitaux en 1962, un autre dans Les Veinards en 1963). Une décennie prodigieuse qui en fait un cinéaste populaire et original, riche d'énormes succès et d'un échec cuisant.

Durant ces dix années, il aura développé un univers riche et fantaisiste grâce au scénariste et dialoguiste Daniel Boulanger. Pourtant, en 1970, les deux partenaires se séparent après l'écriture des Caprices de Marie. Pourquoi ? Mystère. Peut-être de Broca a-t-il voulu se diversifier et a-t-il pensé que cela passait par un changement de collaborateur ? Toutefois est-il que même si dans les années 70 il signera encore de belles réussites artistiques et commerciales, son cinéma perdra quand même beaucoup de la grâce qu'il savait produire avec Boulanger. Par la suite, dans les années 80-90 jusqu'à la fin de sa carrière et de sa vie en 2004, le déclin sera encore plus prononcé.

Philippe de Broca portera un regard sévère sur Les Caprices de Marie dont le premier tour de manivelle a lieu le 20 Juillet 1969, soit le jour même où on marcha sur la Lune. Pour le cinéaste, réaliser un film devient alors une entreprise dérisoire. Pire encore : il estime s'être engagé dans une histoire trop déconnectée de la réalité (un comble pour un auteur qui a construit son oeuvre en réaction au naturalisme) alors qu'il ambitionnait d'explorer la comédie comme celles produites en Italie, dans une veine plus sociale.

Il faut pourtant corriger le jugement si dur de l'artiste en réévaluant son effort car c'est un film enchanteur encore une fois. Après le succès du Diable par la queue, de Broca dirige à nouveau la femme qu'il aime, Marthe Keller (effectivement aussi désirable que virevoltante), dans un cadre provincial. Mais pour la première fois, c'est une héroïne qui incarne son double fantasmé, une fille fantasque, capricieuse mais irrésistible, dont les rêves vont provoquer une succession de péripéties farfelues.

Angevine fournit au cinéaste et son scénariste un décor qu'ils se plaisent à représenter de manière idyllique, avec ses habitants pittoresques, dont l'existence est rythmée par les apparitions de la fille du maire dont tous les hommes sont amoureux sans que les femmes ne la jalousent. La truculence des comédiens (Jean-Pierre Marielle en tête, tonitruant de drôlerie en élu anti-capitaliste et anti-morosité forcené) rend ces personnages attachants, plus naïfs que libidineux. Seul l'instituteur Gabriel (campé par Philippe Noiret, formidable de tendresse) semble résister au charme solaire de Marie, même si en vérité il n'arrive pas à lui exprimer ses sentiments et son désir (pour lui laisser sa liberté), alors qu'il est le seul à compter pour elle.

La photo chaleureuse de Jean Penzer rend justice à la fois à la beauté de l'actrice, piquante et sensuelle, et au cadre de l'action. De Broca, malgré ses doutes, est très inspiré, avec des fulgurances poétiques (superbe scène où l'orchestre jouant dans le kiosque un soir dans lequel Marie finit par ne plus voir que Gabriel). En cela, le film s'inscrit dans la veine d'oeuvres comme La Vie de château (Jean-Paul Rappeneau, 1965) et Alexandre le bienheureux (Yves Robert, 1967), tous deux avec Noiret d'ailleurs. Mais le réalisateur raconte cette romance contrariée avec une douceur, presque désinvolte, que vient balayer le tourbillon incarné par le milliardaire McPower (tout un programme dans ce nom !) : comme toujours, c'est à l'homme, puissant ou rêveur, de faire le chemin vers celle qu'il aime - quand il ne préfère pas rester seul.

Le film brocarde gentiment le choc des cultures, opposant la quiétude du village à l'agitation des métropoles, le débonnaire Gabriel à l'intenable Broderick, sous le regard à la fois amusé et mélancolique de Marie, qui assiste et provoque les rebondissements. Bien entendu, ce sont le doux rêveurs qui ont les faveurs du cinéaste et du spectateur, mais l'américain pressé s'éclipse finalement avec dignité quand il comprend l'absurdité de ses efforts et surtout qu'on n'est pas aimé d'une femme en essayant de l'acheter.

Opus méconnu et mésestimé, Les Caprices de Marie clôt en beauté une décennie jubilatoire pour Philippe de Broca, auteur dont le style, l'élégance et la vivacité méritent d'être salués. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire