lundi 9 janvier 2017

LOLA, de Jacques Demy (1961) (version restaurée)


LOLA est un film écrit et réalisé par Jacques Demy, librement inspiré de Nuits Blanches de Fiodor Dostoïevski.
La photographie est signée Raoul Coutard. La musique est composée par Michel Legrand, agrémentée de morceaux de Jean-Sébastien Bach, Wolfgang Amedeus Mozart, Carl Weber et Ludwing Van Beethoven.

Dans les rôles principaux, on trouve : Anouk Aimée (Cécile alias Lola), Marc Michel (Roland Cassard), Alan Scott (Frankie), Elina Labourdette (Mme Desnoyers), Annie Duperoux (Cécile Desnoyers), Jacques Harden (Michel).
Cécile
(Anouk Aimée)

Cécile est une jeune femme qui travaille comme danseuse-chanteuse-entraîneuse dans le cabaret "L"Eldorado" à Nantes sous le pseudonyme de Lola. Elle élève seule son fils depuis que le père de celui-ci, Michel, les a abandonnés sept ans plus tôt. 
Lola et Frankie
(Anouk Aimée et Alan Scott)

Cécile entretient une relation avec un marin américain, Frankie, en escale à Nantes et fou amoureux d'elle. Il lui a demandé de le suivre aux Etats-Unis et elle y songe sérieusement car il lui rappelle Michel.
Roland Cassard et Cécile
(Marc Michel et Anouk Aimée)

Le même jour, après avoir pris congé de Frankie, Cécile croise par hasard une vieille connaissance en la personne de Roland Cassard, un ami d'enfance qui vient d'être renvoyé du bureau où il travaillait sans motivation. Il lui explique qu'il réside dans un petit hôtel-café du port, tenu par la mère de Michel. 
Cécile Desnoyers et sa mère
(Annie Duperoux et Elina Labourdette)

Auparavant, Roland, féru de littérature, a rencontré dans une librairie Madame Desnoyers et sa jeune fille, également prénommée Cécile, qui doit se procurer un dictionnaire bilingue anglais-français. Le jeune homme lui propose de lui offrir le sien et il est invité à dîner pour le lui remettre. Troublé par ses retrouvailles avec Lola, Roland accepte quand même, pour gagner de l'argent rapidement, de participer à un trafic de diamants en s'engageant à partir le lendemain en Afrique du Sud. 
Cécile dans le rôle de Lola

Jaloux de Frankie, Roland est cependant prêt à tout lâcher si Lola veut vivre avec lui mais elle refuse car elle a accepté de rejoindre une revue à Marseille. La police effectue une descente chez le trafiquant mais Roland est absent au moment des interpellations des membres du réseau : cela ne change pas son intention de partir puisque désormais plus rien ne le retient à Nantes, pas même Mme Desnoyers dont il ne semble pas avoir remarqué les avances. 
Michel et Cécile
(Jacques Harden et Anouk Aimée)

Michel resurgit chez sa mère et lui annonce avoir fait fortune : il est résolu à reconquérir Lola et élever leur fils. Il va les retrouver au cabaret.

Jacques Demy a trente ans quand il réalise son premier long métrage dont il a situé l'action dans sa ville natale de Nantes. Il rêve de signer une comédie musicale en Technicolor sur le modèle des maîtres américains du genre (Vincente Minnelli et Stanley Donen). Mais son projet ne trouve pas de financement.

Ami avec Jean-Luc Godard, il est présenté au producteur de ce dernier, Georges de Beauregard, argentier pour de nombreux auteurs de "la Nouvelle Vague", mais qui lui impose des restrictions drastiques au niveau budgétaire : Demy doit renoncer à filmer en couleurs et à de nombreux numéros musicaux prévus dans son script.

Il est intéressant de noter qu'en 1961 la compagne de Demy, Agnès Varda (à l'origine en 2012 de la restauration de Lola dont le négatif original avait brûlé), réalise elle aussi son premier opus, Cléo de 5 à 7, le portrait d'une femme apprenant qu'elle est atteinte d'un cancer alors même que la guerre d'Algérie déchire le pays. Les deux longs métrages semblent se répondre de manière troublante en dressant tous les deux, mais de manière différente, les tourments intimes de leurs héroïnes au moment où la France est elle-même engagée dans un conflit qui s'enlise.

Jacques Demy dédie Lola à Max Ophüls et on pense surtout à La Ronde (1950) avec lequel il partage une construction similaire (les chassés-croisés amoureux de plusieurs personnages, la circularité de la narration, la musicalité). Mais en même temps, le jeune émule du maître déchu (depuis l'échec critique et public de Lola Montès, 1955) traite ces motifs avec personnalité, imprimant une nonchalance faussement superficielle à son sujet et à l'expression des sentiments (Cécile/Lola est coquette et séductrice qui s'assume, Mme Desnoyers ne cache pas son attirance pour Roland, lequel verbalise ses humeurs maussades tout comme Frankie avoue facilement son amour).

Le cadre urbain est scrupuleusement délimité, circonscrivant l'action dans le port de Nantes et quelques rues voisines : la photo lumineuse de Raoul Coutard en accentue la blancheur donnant à la ville l'allure d'un théâtre irréel où tout peut arriver. La concentration dramatique (sur trois jours) intensifie encore davantage la force des connexions entre les personnages : il ne se passe rien de spectaculaire et mais les événements s'accélèrent soudainement.

L'interprétation volontairement maniérée et les dialogues appuyés (donnant l'impression que chacun s'exprime sans filtre) peuvent diviser : certains trouveront cela too much, d'autres en apprécieront la grâce. Difficile de trancher car si l'ensemble du casting est terne, revoir Elina Labourdette (inoubliable Agnès des Dames du Bois de Boulogne, dans un rôle d'ancienne danseuse et veuve de guerre - ce qu'aurait pu devenir son personnage dans le film de Bresson) et surtout suivre Anouk Aimée relèvent sensiblement le niveau. Cette dernière, avec sa silhouette fabuleuse, ses yeux de chatte, ses jambes interminables, est extraordinaire de sensualité et de frivolité, papillonnant d'homme en homme, véritable astre de ce rêve blanc.

Fort du succès remporté par ce premier effort, Demy enchaînera avec un autre magnifique portrait de femme (La Baie des anges, avec Jeanne Moreau, 1963) avant de pouvoir accomplir ses rêves initiaux de musicals à partir des Parapluies de Cherbourg (Palme d'Or en 64) et Les Demoiselles de Rochefort (67).

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