jeudi 12 janvier 2017

LE MOUTON ENRAGE, de Michel Deville (1974)


LE MOUTON ENRAGE est un film réalisé par Michel Deville.
Le scénario est écrit par Christopher Frank, d'après le roman de Roger Blondel. La photographie est signée Claude Lecomte. La musique est composée par Camille Saint-Saëns.

Dans les rôles principaux, on trouve : Jean-Louis Trintignant (Nicolas Mallet), Jean-Pierre Cassel (Claude Fabre), Jane Birkin (Marie-Paule Allard), Romy Schneider (Roberte Groult), Michel Vitold (Georges Groult), Georges Wilson (Lourceuil), Henri Garcin (Bertould), Florinda Bolkan (Flora Danieli - avec la voix de Martine Sarcey).
 Nicolas Mallet
(Jean-Louis Trintignant)

Caissier dans une banque, Nicolas Mallet souffre d'une timidité maladive qui l'empêche de s'épanouir personnellement et professionnellement. Mais le jour où il ose aborder Marie-Paule, une jeune femme peu farouche, et couche avec elle ensuite, il le raconte à son meilleur ami, Claude Fabre, qu'il a l'habitude de retrouver dans un café.
Marie-Paule Allard
(Jane Birkin)

Fabre estime qu'il s'agit là d'un premier pas prometteur et encourage Nicolas à aller plus loi, plus vite. Invités chez le professeur de philosophie Georges Groult, Nicolas reçoit par Fabre la mission de séduire Roberte, l'épouse de leur hôte, dans la soirée. Il y parvient facilement car cette mère de famille n'est pas en heureuse en couple.  
Nicolas Mallet et Claude Fabre
(Jean-Louis Trintignant et Jean-Pierre Cassel)

Mais Fabre vise plus haut : grâce à Groult, Nicolas fait la connaissance du député Bertould qui lui présente l'homme d'affaires Lourceuil. Avec la complicité de Marie-Paule, qui devient la maîtresse de ce dernier, Nicolas se rend indispensable pour celui qui veut faire carrière en politique. Bertould lui trouve une circonscription facile à gagner et, pour faire connaître le candidat parachuté, Nicolas rachète à une vieille héritière un journal en difficulté pour y publier des éditos au milieu d'articles à sensations qui contribuent à relancer le titre.
Roberte Groult
(Romy Schneider)

La situation semble désormais établie mais Fabre met en garde Nicolas : pour la pérenniser, il doit consolider et développer ses réseaux, quitte à sacrifier des pions - comme Roberte, même si Mallet continue à coucher avec elle car il en est amoureux. Nicolas se rapproche, difficilement, de la redoutable femme d'influence Flora Danieli : elle lui fait profiter de son carnet d'adresses, lui joue la comédie pour qu'elle renouvelle ses amant(e)s.  
Lourceuil et Nicolas
(Georges Wilson et Jean-Louis Trintignant)

Sur le point d'être élu, Lourceuil épouse Marie-Paule et en fait son héritière car sa fille a sa propre fortune. Roberte tombe enceinte de Nicolas mais Georges Groult la surprend chez son amant et la tue avant de se donner la mort. Mallet n'est pas inquiété par la police. 
Flora Danieli
(Florinda Bolkan)

Lorsqu'il retrouve Fabre au café, Nicolas apprend que Lourceuil est mourant après une syncope. Son testament stipule que Marie-Paule ne devra pas se remarier si elle veut profiter de l'argent qu'il lui laisse. L'arrivée de la vedette de cinéma pornographique Shirley Douglas agit davantage Fabre qui l'a bien connue, comme Nicolas, quand, adolescents, elle était la fille du pharmacien de leur village. 
Nicolas et Fabre

Pour son ami, Nicolas couche avec la comédienne mais lui explique que l'expérience n'avait rien d'excitant. Fabre, qui a essuyé un nouveau refus d'un éditeur pour son dernier manuscrit et qui considère la situation de Mallet suffisamment solide maintenant, lui annonce alors qu'il part en vacances. Mais il se suicidera peu après avoir dévoilé les séquelles de l'accident de la route dont il a été victime autrefois lors d'une virée avec Nicolas. 
Nicolas et Marie-Paule

Mallet, désormais seul, épouse Marie-Paule en comptant profiter de la vie avec celle qui, depuis le début, a été sa meilleure et fidèle alliée.

Sorti l'année même où Valéry Giscard d'Estaing, archétype du jeune loup ambitieux, accédait à la présidence de la république française, Le Mouton enragé semble d'abord traiter de l'arrivisme forcené et revisiter l'intrigue du Bel-Ami de Maupassant.

La trajectoire fulgurante de Nicolas Mallet qui accède au sommet, dans les milieux de la finance et de la politique, grâce aux femmes qu'ils croisent évoque effectivement ces références. Le film ressemble à une fable mordante sur l'ambition décomplexée d'un jeune homme longtemps freiné par sa timidité mais bien guidé par un mystérieux ami aux motivations troubles.

Michel Deville filme le premier acte de l'histoire, adapté du roman éponyme de Roger Blondel par l'écrivain Christopher Frank (qui passera quelques années après lui aussi derrière la caméra, avec une réussite relative), avec des mouvements de caméra très précis et vifs, soutenus par un montage nerveux. La narration de l'ascension de Nicolas Mallet est rapide, jubilatoire. 

Le réalisateur dirige une bande d'acteurs extraordinaires avec un mélange de sensualité carnassière (pour les femmes) et de cynisme désinvolte (pour les hommes) : les compositions dans des seconds rôles de Henri Garcin et surtout de Georges Wilson sont épatantes.

Puis le tempo, sans fléchir, se nuance progressivement, les scènes défilent, toujours aussi bien chorégraphiées, mais plus froidement pour souligner le temps de la jouissance des bénéfices obtenus après moult manipulations (le rachat du journal "Le Témoin" auprès de sa vieille propriétaire), compromissions (le pacte scellé entre Nicolas et Flora), et calculs (le fichier mondain de Fabre manoeuvrant en coulisses comme un joueur d'échecs).

Le vrai dessin du scénario se définit alors : il s'agit moins du parcours éclair de Mallet que de la vie par procuration qu'éprouve Fabre à travers lui. Mais pourquoi ce fin stratège n'opère-t-il pas lui-même et reste-t-il assis sur la banquette du café où il converse avec Nicolas ? On ne le découvrira qu'à la toute fin, même si un accident est mentionné auparavant. Nicolas Mallet apparaît alors pour ce qu'il est vraiment : moins un joueur bien inspiré - il est d'ailleurs vite satisfait de sa nouvelle condition - qu'un jouet pour son ami - insatiable au point que, même tous ses plans réalisés, il n'est pas comblé. Jean-Louis Trintignant interprète génialement ce pantin hédoniste tandis que Jean-Pierre Cassel, dans un contre-emploi, est prodigieux dans ce rôle de manipulateur brisé et moins cruel que désespéré. 

Les personnages féminins sont superbement filmés et animés par Jane Birkin toute en fantaisie malicieuse, Romy Schneider fascinante d'érotisme et de vulnérabilité, et Florinda Bolkan (doublée par Martine Sarcey) fabuleuse en mante religieuse.

Même si des éléments datent esthétiquement le film (une photo un peu terne parfois, des costumes, décors et véhicules typiquement 70's), Le Mouton enragé a conservé intact son brio grâce à sa mise en scène et son écriture acérées. 

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