lundi 30 janvier 2017

ADORABLE MENTEUSE, de Michel Deville (1962)


ADORABLE MENTEUSE est un film réalisé par Michel Deville.
Le scénario est écrit par Michel Deville et Nina Companeez (également dialoguiste et monteuse). La photographie est signée Claude Lecomte. La musique est composée par Jean Dalvé (alias Jean-Jacques Grünenwald).
Dans les rôles principaux,on trouve : Marina Vlady (Juliette), Macha Méril (Sophie), Michel Vitold (Antoine), Jean-Marc Vitold (Antoine), Claude Nicot (Sébastien), Jean-François Calvé (Simon), Ginette Letondal.
 Juliette et Sophie
(Marina Vlady et Macha Méril)

Soit deux soeurs : l'aînée s'appelle Juliette et est aussi belle et blonde que menteuse, la cadette se prénomme Sophie et mignonne et brune mais d'une franchise totale. Elles s'entendent pourtant parfaitement et partagent le même appartement à Paris après avoir quitté leur ville natale de Tours.
Juliette

Rédactrice dans un magazine, Juliette accepte d'aider Sébastien, responsable de la rubrique du "courrier du coeur", d'avoir moins de succès avec les femmes comme il s'en plaint - alors qu'il n'est pas très beau, zozote, et précieux.
Sébastien 
(Claude Nicot)

Comme Juliette n'aime rien tant qu'inventer des histoires, volontiers embarrassantes pour ses proches, c'est un défi facile à relever pour la jeune femme. 
Sophie

Vendeuse dans une boutique de vêtements, Sophie est beaucoup plus sage et fréquente Martin, un jeune homme charmant et sympathique, qui souhaite l'épouser pour lui prouver à quel point il tient à elle.
Martin
(Jean-Marc Bory)

Martin est de bonne composition également car Sophie hésite à s'engager, s'estimant trop jeune pour cela, et subissant les tours que lui joue sa soeur aînée, qui l'encourage à profiter de la vie. 
Simon
(Jean-François Calvé)

Les deux soeurs, accompagnés de deux amis farfelus et de Sébastien, entraînent Simon, le patron de Sophie, à un pique-nique un après-midi au milieu de la semaine. Il les suit car il est tombé sous le charme de Juliette qui s'en est aperçue et s'en amuse en flirtant avec lui. Sophie demande à Juliette ce qu'elle compte inventer ensuite tout en la mettant en garde contre ses mensonges qui pourraient bien un jour lui causer de sérieux ennuis. La jeune femme décide de jeter son dévolu sur un de leurs voisins.
Antoine
(Michel Vitold)

Elle se met à le suivre, visite son appartement en son absence, reprend sa filature jusque dans le quartier chaud de Pigalle la nuit suivante. Là, elle est sauvée d'une agression par une bande de voyous par le dît voisin qui s'appelle Antoine. Il a remarqué son manège depuis le début et révèle qu'il est avocat, s'occupant de jeunes délinquants. Elle lui raconte l'avoir suivi par amour, ce qu'il ne croit pas mais qui l'amuse.  
Vicky
(Ginette Letondal)

Refusant qu'un homme, même plus âgé et sans charme particulier, lui résiste ainsi, Juliette le harcèle jusqu'à l'importuner alors qu'il dîne avec son amie Vicky. Elle obtient qu'il pique-nique avec elle et semble enfin réussir à le séduire quand il l'embrasse, mais il lui annonce ensuite qu'il va bientôt se marier.
Sincèrement éprise maintenant, Juliette décide de ne plus mentir tandis qu'Antoine ne peut la chasser de son esprit - au point que Vicky préfère le quitter. Juliette rejoint une nuit Antoine et il se réveille le lendemain ravie de l'avoir à ses côtés. Mais c'est à présent Sophie qui ment à Martin pour le récupérer après l'avoir repoussé, à regret, une fois de trop...

Michel Deville a trente ans quand il réalise Adorable Menteuse, son deuxième film, après avoir été assistant d'Henri Decoin depuis dix ans. Pour garder son indépendance, il fonde sa propre société de production, Eléfilm, et co-écrit avec Nina Companeez, qui est aussi monteuse. Ensemble, pendant une dizaine d'années, ils vont enchaîner les longs métrages, jusqu'à L'Ours et la poupée (1970), avant qu'elle ne passe à son tour derrière la caméra.

Le film assume à la fois l'influence de "la Nouvelle Vague" (prises de vue en extérieur, équipe technique légère, budget modeste, jeunes acteurs) mais aussi des comédies américaines de l'âge d'or (Deville cite George Cukor comme une de ses références). De fait, le résultat possède à la fois une légèreté dans le fond (il s'agit d'une "romcom" fantasque) et une sophistication dans la forme (la photo de Claude Lecomte est superbe, la caméra d'une fabuleuse mobilité, le rythme très soutenu avec des effets de montage très élaborés )assez détonantes.

La critique a reproché à cette Adorable Menteuse sa construction bancale, or je trouve que c'est justement ce qui participe à sa singularité. L'histoire est nettement découpée en deux actes : on assiste d'abord à une comédie frivole et tourbillonnante conforme au titre où Juliette, menteuse invétérée mais à la beauté renversante, fait tourner en bourrique sa soeur cadette, aussi jolie que franche, et tous les hommes dans leur sillage. L'une ne songe qu'à papillonner sans se soucier des conséquences mais l'autre commet également des gaffes en ne disant que la vérité - mais Juliette se défend en expliquant que "mentir, c'est comme un roman, mais au lieu de l'écrire, on le vit".

Puis le récit bascule lorsque Juliette décide de s'"occuper" d'Antoine, un voisin au comportement intrigant, plus âgé qu'elle et loin des canons de séduction de ses soupirants habituels. Elle veut le conquérir par défi mais il la perce rapidement à jour et surtout lui résiste : le rapport de force qu'elle a elle-même créé est renversé. Démasquée, elle est prise à son propre jeu. Opposez un indifférent à une menteuse aguicheuse et c'est la "tendre guerre" (dixit Jacques Brel), le trouble finit par gagner, inéluctablement, les deux parties. Par amour, Juliette renonce à (se) raconter des histoires... Mais c'est alors Sophie, qui comme contaminée par un virus dont s'est débarrassée son aînée, se met à mentir !

Si ces retournements de situations peuvent désarçonner, la fluidité avec laquelle Deville les met en scène est épatante : quoique surprenantes, les deux parties du film sont également excellentes, ostensiblement sur-écrites mais rusant avec l'apparente mièvrerie des héroïnes, inconséquentes, capricieuses avant d'être rattrapées par la réalité et les sentiments.

Outre ses qualités narratives et esthétiques, l'autre atout majeur du film tient à ses deux actrices principales : Macha Méril est un délicieuse souris, d'un charme irrésistible, débitant ses dialogues comme une mitraillette, avec cet air constamment étonné. Mais c'est Marina Vlady qui s'impose comme la reine des abeilles : elle exhale un érotisme à la fois lumineux et sensuel incroyable et son visage vous subjugue littéralement par sa beauté - le cinéaste la filme avec une évidente fascination (la signature de Deville, qui sait mettre en valeur la féminité de ses actrices comme peu de ses pairs) - tout en passant de l'espièglerie insolente à la mélancolie sentimentale avec un sens exceptionnel de la nuance - elle pousse même la chansonnette dans une séquence absolument magique, magnifiquement réalisée et montée (presque comme un clip).

Rien que pour elle(s), mais pas seulement quand même, laissez-vous prendre dans les filets de cette Adorable Menteuse.

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