samedi 7 janvier 2017

LES JEUX DE L'AMOUR, de Philippe de Broca (1960)


LES JEUX DE L'AMOUR est un film réalisé par Philippe de Broca.
Le scénario est écrit par Philippe de Broca et Daniel Boulanger (également auteur des dialogues), d'après une idée de Geneviève Cluny. La photographie est signée Jean Penzer. La musique est composée par Georges Delerue.
Dans les rôles principaux, on trouve : Jean-Pierre Cassel (Victor), Geneviève Cluny (Suzanne), Jean-Louis Maury (François), Maria Pacôme (une cliente), Robert Mattier (un client), Mario David (le représentant), François Maistre (l'élégant).
 Victor
(Jean-Pierre Cassel)

Victor et Suzanne forment un jeune couple d'amoureux qui tiennent une boutique de brocante proche du Panthéon. Tout irait pour le mieux entre eux si la jeune femme convainquait son compagnon de lui faire un enfant, mais il se défile sans arrêt pour mieux se consacrer à son unique occupation, qui consiste à peindre des roses.
Suzanne
(Geneviève Cluny)

Propriétaire d'une agence immobilière de l'autre côté de la rue, François, amoureux transi de Suzanne en secret, lui rend fréquemment visite et assiste ainsi à ses brouilles et réconciliations avec Victor. 
Suzanne, Victor et François
(Geneviève Cluny, Jean-Pierre Cassel et Jean-Louis Maury)

Mais, un samedi soir, alors que Victor a une nouvelle fois pris la fuite pour éviter une dispute, Suzanne lui annonce qu'elle est prête à le quitter si elle n'est pas exaucée dans son désir de maternité. Il part s'étourdir dans un cabaret pendant qu'elle sort avec François, trop heureux de la consoler. Mais la jeune femme s'agace vite du trop grand sérieux de son ami et finit par rentrer chez elle, rejointe par Victor avec lequel elle se rabiboche une nouvelle fois. 
Victor, Suzanne et François

Le lendemain, dimanche, le couple sort pique-niquer en entraînant François. Ragaillardi, Victor s'amuse comme un fou mais lasse Suzanne qui déjeune alors seule avec François. Ce dernier en profite pour lui demander sa main et elle accepte. Lorsqu'il l'apprend, Victor s'assombrit et rentre à Paris en auto-stop. 
Victor et Suzanne

Suzanne persuade François de sortir danser dans un club où il l'attend pendant qu'elle se distrait sur la piste avec d'autres jeunes hommes. Ils ne quittent l'endroit qu'à la fermeture mais en arrivant chez elle, Suzanne découvre Victor qui l'attend, après avoir erré toute la nuit en ville. Il lui promet de l'épouser et de lui donner autant d'enfants qu'elle le voudra. François, résigné, se retire discrètement.

Et nous voici donc à l'origine : le premier film réalisé par Philippe de Broca nous donne l'occasion de constater qu'il avait mis en place dès ses débuts son univers si caractéristique. Témoin d'actes de torture en Algérie, où il travaillait au Service Cinématographique de l'Armée, il rentrera en France traumatisé et résolu à embrasser la vie avec le plus de légèreté possible, en racontant des histoires bourrées d'humour. Une manière de fuir, d'oublier les drames.

Il devient l'ami de Claude Chabrol (qui tient ici un petit rôle, celui du forain) dont il devient l'assistant sur ses trois premiers films (Le Beau Serge, Les Cousins et A Double tour) puis celui de François Truffaut (sur Les 400 Coups). Fort de son bagage technique, il monte, avec leur aide, son premier projet, écrit par Daniel Boulanger (également dans un caméo, celui du danseur moustachu dans le club).

Ecrivain, poète et dramaturge, Boulanger signera également les dialogues de ses longs métrages. De Broca saura parfaitement illustrer la verve spirituelle de son partenaire avec lequel il invente un héros vif, enjoué, insouciant, grand enfant insatisfait, immature, à la fois inconséquent et capricieux, mais aussi (surtout) charmeur et attachant. 

Le cinéaste trouve en Jean-Pierre Cassel l'incarnation idéal de ce personnage : alors âgé de 28 ans, ce comédien et danseur est ambitieux et deviendra le temps de quatre films le porte-parole de de Broca. Leur complicité est telle qu'on peut se demander qui dicte la mise en scène à l'autre, mais ils sont en vérité complémentaires car le jeu virevoltant de l'un est cadré par la rigueur esthétique de l'autre via les mots de Boulanger et la musique de Georges Delerue, l'autre voix du réalisateur.

L'expressivité de Cassel domine les débats et souligne la sagesse des interprétations de Geneviève Cluny, repérée dans une publicité diffusée lors des entractes dans les cinémas et qui soufflera l'idée des Jeux de l'amour, et de Jean-Louis Maury, un copain de Chabrol. Cassel résume à lui seul, comme Belmondo chez Godard dans A Bout de Souffle la même année, la modernité qui dynamite le cinéma français de ce début des 60's. 

Si de Broca filme à la manière de ses contemporains de "la Nouvelle Vague", en extérieurs et avec une caméra très mobile, il se distingue des "jeunes turcs" issus des "Cahiers du Cinéma" et du naturalisme hérité du néo-réalisme italien par ses échanges très écrits et rythmés évoquant davantage la "screwball comedy" américaine (comme Howard Hawks, il encourage d'ailleurs ses acteurs à parler toujours plus vite).

Le résultat, s'il repose sur un argument minimaliste, séduit par l'acuité du regard sur la jeunesse des Trentes Glorieuses et la spontanéité de la réalisation et du jeu des comédiens, qui traduit bien la quête des plaisirs immédiats et éphémères confrontée à la conscience de l'âge adulte et de ses responsabilités (soit ici : Victor, peintre fantasque, et François, agent immobilier terre-à-terre). Si Victor consent finalement à exaucer les souhaits de Suzanne, de Broca suggère quand même que l'affaire n'est pas pliée car le garçon reste un baratineur prêt à tout pour garder à la fois sa fiancée et son indépendance.

Malicieux et malin, élégant et allègre, de beaux débuts.

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