mardi 13 décembre 2016

WHATEVER WORKS, de Woody Allen (2009)


WHATEVER WORKS est un film écrit et réalisé par Woody Allen.
La photographie est signée Harris Savides.

Dans les rôles principaux, on trouve : Larry David (Boris Yelnikoff), Evan Rachel Wood (Melody Saint-Ann Celestine), Patricia Clarkson (Marietta Celestine), Henry Cavill (Randy Lee James), Conleth Hill (Leo Brockman), Ed Begley Jr. (John Celestine), Olek Krupa (Morgensten), Jessica Hecht (Helena).
 Boris Yelnikoff
(Larry David)

Ancien professeur de physique, Boris Yelnikoff enseigne aujourd'hui les échecs à des enfants dont le niveau l'afflige. Ce misanthrope, atteint de t.o.c. et paranoïaque, n'est pas un maître très accommodant, il ne l'a jamais été et ce n'est pas son divorce qui a arrangé les choses.
Melody Saint-Ann Celestine
(Evan Rachel Wood)

Un soir qu'il rentre chez lui, il trouve sur le pas de sa porte une jeune femme endormie, Melody St-Ann Celestine, 21 ans, qui a quitté sa famille, des républicains fondamentalistes, dans le Mississipi. Réticent, Boris accepte quand même qu'elle passe la nuit chez lui. 
Melody et Boris

S'il la considère comme une provinciale simple d'esprit, Boris éprouve quand même de la sympathie pour Melody. Elle devient promeneuse de chiens et développe un béguin pour son hôte, qui a pourtant l'âge d'être son grand-père. Lequel avoue à ses rares amis la trouver jolie et amusante...
 Leo Brockman et Marietta Celestine
(Conleth Hill et Patricia Clarkson)

Un an passe. Boris et Melody se sont mariés lorsque Marietta, la mère de cette dernière, débarque à New York en annonçant qu'elle a quitté son mari infidèle avant de découvrir, effarée, la situation conjugale de sa fille. Peu après, elle fait la connaissance de Leo Brockman, un ami de Boris, qui la séduit et l'encourage à exposer ses photos.
Randy Lee James et Melody
(Henry Cavill et Evan Rachel Wood)

En déjeunant avec son amant, son gendre et sa fille, Marietta est abordée par Randy Lee James, séduisant jeune comédien, qui a remarqué Melody. Sa mère va alors tout faire pour les réunir et donc briser le couple de sa fille et Boris. Marietta entame une relation à trois avec Leo et Morgensten tandis que Melody finit par céder aux avances de Randy Lee. 
John Celestine
(Ed Begley Jr.)

John Celestine, le mari de Marietta et père de Melody, surgit à son tour mais en découvrant ce qu'elles sont devenues, il va se soûler dans un bar où il se confie à un client. De fil en aiguille, il reconnaît ses responsabilités et avoue avoir toujours été attiré par les hommes, ce qui ravit son interlocuteur qui vient d'être largué par son amant.
"Mais, à qui parles-tu, Boris ? - Au public, voyons ! Il nous regarde depuis le début !"

Melody avoue à Boris son amour pour Randy Lee et il la laisse en profiter en lui accordant le divorce. Il tente quand même ensuite de se suicider par défenestration mais tombe sur une passante, Helena. En lui rendant visite à l'hôpital, il apprend qu'elle est médium et pour s'excuser l'invite à dîner.
Au Nouvel An, tout le monde se retrouve chez Boris, chacun savourant son bonheur : comme le dit leur hôte au public, face caméra, "qu'importe, si ça marche !".

Dans un entretien qu'il avait donné avec les réalisateurs d'Intouchables, Eric Toledano et Olivier Nakache, Woody Allen expliquait la régularité de son écriture par le fait qu'il conservait une somme de notes diverses - parfois une simple réplique, parfois une ébauche d'histoire. Quand il commençait la rédaction d'un nouveau script, il procédait souvent à la synthèse de plusieurs de ces idées, dont certaines dataient de plusieurs années, voire décennies.

C'est ainsi que la première version de ce qui allait devenir Whatever Works, son 39ème film, remonte aux années 1970 : il en destinait le rôle principal à son ami Zero Mostel, mais abandonna le projet à la mort du comédien en 77. Il le reprit et le remania en 2007 pour le confier à Larry David, vedette de la série télé Curb Your Enthusiasm (diffusée sur HBO de 2000 à 2011) ; celui-ci hésita à accepter car il estimait que seul Allen pouvait jouer un personnage pareil.

Heureusement, l'insistance du cinéaste eut raison des réticences de l'acteur sans qui cette romance improbable entre un génie autoproclamé mais irascible et une jeune fille (pas si) idiote n'aurait pas été aussi irrésistible. 

C'est d'abord un festival de bons mots hilarants qui ponctue ce récit : "Si ma grand-mère avait des roues, ce serait un tramway !" (Boris), "On déteste les noirs parce qu'ils ont un gros pénis. Les juifs, on les déteste même s'ils en ont un petit !" (Boris again), "Où je peux emmener ma mère pour qu'elle s'amuse ? - Au musée de l'Holocauste peut-être." (Melody à Boris), "L'entropie, c'est comme quand on ne peut pas remettre le dentifrice dans le tube." (Melody), "J'emporte toujours du viagra avec moi. - Pas la peine, je mange beaucoup de viande rouge." (Melody à Randy Lee), "Toutes le femmes nous font du mal. Qu'elles soient mâles ou femelles." (Boris).

Après sa "trilogie londonienne" dominée par le drame (même si Scoop était une comédie) et son escale ibérique sous le signe de Marivaux (Vicky Cristina Barcelona, 2008), Allen revient à New York comme s'il ne l'avait jamais quitté, ragaillardi, et dissertant avec verve sur le sens de la vie (à supposer qu'elle en ait un...) et de l'amour (tout aussi incertain...). Pour cela, Larry David est son parfait alter ego, partageant avec lui le même goût de l'auto-flagellation et des formules bien senties, monologuant face caméra avec un cynisme réjouissant.

L'argument du film permet aussi au cinéaste d'animer des personnages ahurissants, opposés, qui dans la mégalopole voient tous leurs repères sociaux, moraux, sexuels bouleversés. Il y a, mine de rien, dans ce projet un esprit, certes rigolard, mais surtout libertaire totalement assumé, et Allen se lâche comme jamais sur ses bêtes noires - les républicains, les bigots, le communautarisme (juif et noir en particulier - il ne se faisait aucune illusion sur la "révolution" Obama en 2009), les femmes.

Mais il n'est pas aigri et prône même une grande réconciliation sensuelle : hétéros, homos, jeunes, vieux, à deux, à trois, "qu'importe, si ça marche !" -  "Whatever works !", comme l'affirme le titre. A 74 ans, Allen était encore inspiré par l'érotisme débridé qui animait Vicky Cristina Barcelona, mais en s'affranchissant d'un final aussi amer, et il troquait son pessimisme pour un positivisme décomplexé et drôlissime.

L'interprétation est exceptionnelle, en particulier Evan Rachel Wood (qu'on aurait revoir chez Allen) mais aussi une phénoménale Patricia Clarkson en sudiste perverti par la Grosse Pomme et Henry Cavill (avant Man of Steel) très à l'aise dans ce registre.

85 minutes de bonheur pour un des opus récents les plus réjouissants du plus grand cinéaste américain vivant !

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