jeudi 22 décembre 2016

SILS MARIA, d'Olivier Assayas (2014)


SILS MARIA (Clouds of Sils Maria) est un film écrit et réalisé par Olivier Assayas.
La photographie est signée Yorick Le Saux.

Dans les rôles principaux, on trouve : Juliette Binoche (Maria Enders), Kristen Stewart (Valentine), Chloé Grace Moretz (Jo-Ann Ellis), Lars Eidinger (Klaus Diesterweg), John Flynn (Christopher Giles), Hans Zischler (Henryk Wald).
 Valentine et Maria Enders
(Kristen Stewart et Juliette Binoche)

Actrice de renommée internationale, Maria Enders se rend à Zurich avec son assistante Valentine pour y recevoir un prix honorant Wilhelm Melchior, le metteur en scène qui l'a révélée vingt ans plus tôt dans sa pièce Le Serpent de Maloja. Elle y interprétait la jeune Sigrid et la relation amoureuse et professionnelle toxique qu'elle entretenait avec sa patronne Helena. Mais la comédienne apprend durant le trajet que Melchior s'est suicidé car, comme le lui explique sa veuve, il était incurablement malade.
Valentine
(Kristen Stewart)

A Zurich, après un discours à la mémoire de son mentor et une réception donnée en son honneur, Maria accepte, sur les conseils de Valentine, de rencontrer Lars Eidinger, qui veut remonter la pièce de Melchior en lui confiant, cette fois, le rôle de Helena. Sigrid sera incarnée par une jeune starlette hollywoodienne dont la vie privée agitée fait la "une" de la presse "people", Jo-Ann Ellis. 
Valentine et Maria

D'abord réticente, Maria s'engage et se retire dans la maison de Melchior que sa veuve met à sa disposition pour préparer son rôle avec Valentine comme répétitrice. Leurs échanges traduisent les doutes de la comédienne à propos du personnage, qu'elle n'aime pas, et au sujet de Jo-Ann Ellis, que Valentine admire mais dont Maria méprise la filmographie et l'attitude publique.  
Maria

Plus les jours passent, plus la situation se tend, les séances de répétition opérant comme un miroir cruel pour Maria qui se questionne sur le temps qui passe, son vieillissement, la manière d'appréhender l'époque, sa culture, les rapports aux médias. Une ligne de plus en plus floue se dessine entre Maria/Helena et Valentine/Sigrid, cette dernière supportant de plus en plus mal d'être déjugée par son employeuse. 
Christopher Giles et Jo-Ann Ellis
(John Flynn et Chloé Grace Moretz)

La première rencontre entre Maria et Jo-Ann ne fait que confirmer le malaise : la jeune femme a une liaison avec un écrivain en vogue, Christopher Giles, déjà marié, et donc les paparazzi rôdent pour surprendre les amants.
Valentine

Après plusieurs randonnées dans les Alpes, dont elles profitent pour travailler le texte de la pièce, Valentine entraîne un matin, très tôt, dans une sortie pour assister au véritable phénomène météo du "serpent de Maloja", une traînée nuageuse longue et dense qui parcourt la chaîne montagneuse et ses vallées. Valentine disparaît inexplicablement à ce moment-là... 
Jo-Ann
(Chloé Grace Moretz)

Quelques semaines plus tard, à Londres, les répétitions commencent au théâtre, mais la tentative de suicide de la femme de Giles déchaînent les médias contre Jo-Ann. Elle résiste pourtant à la pression, maîtrisant parfaitement son rôle sur scène. Maria a engagé une nouvelle assistante et reçoit une offre de cinéma mais tente de convaincre le réalisateur de plutôt choisir Jo-Ann car elle s'estime désormais dépassée.

Même si Olivier Assayas a plutôt revendiqué Les Larmes amères de Petra Von Kant de Rainer Werner Fassbender (1972) comme référence, Clouds of Sils Maria évoque surtout un chef d'oeuvre autrement plus écrasant : (All About) Eve de Joseph L. Mankiewicz (1950). Inévitablement, la comparaison tourne en défaveur du français dont le projet ne possède ni la même puissance ni la même subtilité.

Mais Sils Maria n'est pourtant pas raté : sa narration fluide (pour un long métrage de deux heures) et son ambition sont séduisantes, même si le film ne se départit jamais d'une certaine froideur qui empêche le spectateur de ressentir de l'empathie pour ses protagonistes et que sa réalisation (ab)use fondus au noir qui ne permettent pas assez à plusieurs scènes d'être assez développées.

Le point fort tient évidemment et surtout à la composition de ses deux actrices principales qui donnent toute sa profondeur à l'intrigue. Entre les deux femmes, quasiment seules à l'image pendant les 2/3 (voire les 3/4) du film, se joue un drame complexe sur une note mélancolique, quelquefois cruelle, souvent envoûtante.

Juliette Binoche, pour qui Assayas a bâti son récit, y livre une prestation vibrante, pas toujours très sobre (surtout au début où elle surjoue la star névrosée), et dont le personnage voit sa réalité éprouvée par la fiction, le retour à un rôle décisif de sa carrière, et le passé. Mais c'est pourtant Kristen Stewart qui l'éclipse par la force et la sensibilité qu'elle insuffle à sa partition : elle a été justement récompensé d'un César en 2015 (même s'il reste incompréhensible qu'elle n'ait été citée que comme second rôle alors qu'elle est aussi présente à l'écran que sa partenaire). Elle est en tout cas d'un naturel saisissant et confirme son épanouissement dans le cinéma d'auteur.

Assayas parvient, avec plus ou moins d'adresse et de finesse, à souligner la valeur méta-textuel du sujet (la nouvelle génération d'actrices - Stewart donc, mais aussi Chloé Grace Moretz parfait en idole en quête de respectabilité mais impitoyable en affaires - supplantant celle de Binoche, via la pièce de théâtre qui reproduit ce schéma). En réunissant toutes ces femmes, jeunes ou plus mûres, le cinéaste convoque aussi Ingmar Bergman, sans être toutefois, heureusement, aussi austère même si le résultat est finalement très épuré (l'action se déroulant principalement dans une maison isolée dans les Alpes).

C'est lorsque l'histoire insiste sur la prise de conscience douloureuse par la star de son déclin et qu'il flirte avec le thriller fantastique (la disparition inexpliquée de Valentine - peut-être tuée par Maria après une remarque désobligeante de trop ou parce que l'actrice perd fugacement mais franchement les pédales) qu'on est le plus captivé par le contraste offert entre les tourments d'une femme, l'omniprésence des écrans (de smartphones, de tablettes numériques - seuls instruments reliant la montagne au reste du monde) et la quiétude apparente des paysages environnants.

Prix Louis Delluc 2014, Sils Maria n'est donc pas complètement abouti mais ne manque pas de troubler, et doit beaucoup à son duo de comédiennes, particulièrement Kristen Stewart qu'Olivier Assayas a redirigé en 2016 dans Personal Shopper

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