mercredi 7 décembre 2016

LE PORT DE LA DROGUE, de Samuel Fuller (1953)


LE PORT DE LA DROGUE (Pickup On South Street) est un film écrit et réalisé par Samuel Fuller, d'après une histoire de Dwight Taylor.
La photographie est signée Joseph MacDonald. La musique est composée par Leigh Harline.

Dans les rôles principaux, on trouve : Richard Widmark (Skip McCoy), Jean Peters (Candy), Thelma Ritter (Moe), Murvyn Vye (capitaine Dan Tiger), Richard Kiley (Joey), Willis Bouchey (agent Zara).
Candy et Skip McCoy
(Jean Peters et Richard Widmark)

Skip McCoy vole le contenu du sac de Candy dans une rame de métro bondée sans savoir que la jeune femme est surveillée par l'agent fédéral Zara, qui la soupçonne d'être la complice d'un trafic. Sans s'en apercevoir, elle se fait dérober un microfilm contenant des informations gouvernementales que son amant Joey doit livrer à des espions communistes.
Joey et Candy
(Richard Kiley et Jean Peters)

Zara demande l'aide du capitaine de police Dan Tiger pour retrouver le pickpocket. Moe, une indic, est convoquée au commissariat et, contre de l'argent, fournit une liste de huit noms de voleurs susceptibles d'avoir réussi ce larcin - parmi lesquels se trouve Skip, dont Zara reconnaît le signalement pour l'avoir remarqué dans le métro.
Moe et Skip McCoy
(Thelma Ritter et Richard Widmark)

Zara rencontre Skip et tente de le convaincre de lui remettre le microfilm mais il nie le posséder. Pendant ce temps, Joey persuade Candy de retrouver le pickpocket en utilisant ses relations dans la pègre new yorkaise. Elle fait à son tour appel à Moe qui, heureuse de monnayer à nouveau ses services, lui indique où habite Skip.
Skip et Candy

Candy se rend dans la cabane sur le port où il habite et fouille l'endroit en son absence. Mais il la surprend et exige 25 000 $ pour livrer le microfilm. Malgré la brutalité dont il fait preuve à son égard, la jeune femme est aussi attiré par Skip qu'il l'est par elle.
Candy et Skip

Le supérieur de Joey leur explique, à lui et Candy, qu'il doivent récupérer le microfilm par tous les moyens sous 24 heures, avant la police et les fédéraux, et il confie un pistolet à Joey. Candy, effrayée par la tournure que prend l'affaire, retourne voir Moe afin qu'elle prévienne Skip du danger qu'il court. Mais l'informatrice échoue à raisonner le pickpocket et quand elle rentre chez elle, Joey l'attend : refusant de parler, elle est abattue.
De haut et bas et de gauche à droite :
Candy et Skip, Candy et Moe, Moe, Joey et Candy
(Jean Peters et Richard Widmark, Thelma Ritter, Richard Kiley)

Soupçonné par le capitaine Tiger, Skip apprend la mort de Moe mais Zara envoie un de ses hommes pour que le pickpocket ne soit pas inquiété. Ce dernier jure de venger son amie contre l'avis de Candy qui l'assomme, récupère le microfilm et le remet à Joey. Mais celui-ci constate qu'il en manque une partie et, pensant que Candy l'a trahi, il la blesse en lui tirant dessus. La police, alertée par le coup de feu, arrive et envoie la jeune femme à l'hôpital tandis que Joey réussit à fuir.
Skip et Candy

Passant lui rendre visite à l'hôpital, Skip jure à Candy de régler l'affaire cette nuit-même. Joey et un complice se trouvent à la cabane du pickpocket quand il y arrive. Joey décide d'aller livrer la première partie du microfilm à son supérieur, laissant son partenaire attendre Skip. Mais ce dernier suit Joey dans le métro où il les neutralise, lui et son chef. Skip retrouve Candy avec laquelle il décide de changer de vue, ce dont doute le capitaine Tiger.

Darry Zanuck propose Blaze of Glory, un synopsis écrit par Dwight Taylor, à Samuel Fuller : l'histoire raconte comment la femme d'un avocat s'éprend du criminel que son mari défend. Le cinéaste aime l'idée de ce couple atypique mais estime que l'intrigue est irréaliste et obtient de la remanier. Il en propose un traitement totalement différent à Zanuck sous le titre Pickpocket qui convainc le producteur à condition d'en changer le titre, jugé trop "européen".

C'est ainsi que naît Pickup on South Street et que le casting commence. Zanuck souhaite Marilyn Monroe pour le rôle de Candy, mais elle décline l'offre car elle répète alors Les Hommes préfèrent les blondes (Howard Hawks, 1953). Fuller auditionne Shelley Winters, puis Ava Gardner et Betty Grable, mais leur préfère finalement Jean Peters en remarquant ses jambes légèrement arquées qui lui donne une démarche similaire aux prostituées et parce qu'il apprécie le caractère bien trempée de l'actrice.

Mais c'est alors que la censure menace de compromettre le film, trouvant le script trop violent. En France, on supprimera lors du doublage toute allusion aux espions et au microfilm, tout comme la Fox (à la demande du directeur du FBI, J. Edgar Hoover, qui détestait le caractère insolent de Fuller et considérait le personnage de Richard Widmark trop antipathique) fera pression pour que soit évité de trop mentionner des agents communistes infiltrés.

Pourtant, Le Port de la drogue sera un "instant classic" du film noir, dont la critique saluera la franchise, l'absence de concessions. Thelma Ritter sera citée pour l'Oscar du meilleur second rôle féminin (battue par Donna Reed dans Tant qu'il y aura des hommes, de Fred Zinneman), mais Fuller obtiendra un prix à la Mostra de Venise en 54.

Sa mise en scène est effectivement un modèle du genre, imprimant un rythme soutenu en alternant longues séquences et actions rapides, usant du gros plan pour révéler les pensées des personnages. La photo, magnifique, souligne à la fois la sensualité torride de la relation entre Skip et Candy et la violence viscérale de l'intrigue. L'histoire est une métaphore explicite de la guerre froide, de la fièvre anti-rouge, même si Fuller jurait n'être ni un sympathisant communiste ni un opposant réactionnaire : seule lui importait l'efficacité de la narration, tout son cinéma étant fondé sur l'action.

Le passé de reporter du cinéaste et sa connaissance des bas-fonds contribuent aussi au réalisme documentaire du long métrage, peuplé de marginaux, de truands sans envergure, d'agents manipulés, de flics dépassés (Robert D. Webb ne reproduira pas ce miracle dans le piètre remake qu'il réalisera en 67 sous le titre de The Cape Town Affair). Fuller, lui, s'inscrit dans la veine du néo-réalisme italien et, logiquement, les auteurs de la "Nouvelle Vague" en France loueront les qualités de son oeuvre, sa précision brutale mais aussi sa poésie nocturne.

L'interprétation de Richard Widmark, d'une intensité épatante en escroc arrogant surpris par l'amour, et de Jean Peters, affolante de sex appeal et de rouerie, est exceptionnelle.

Que tout ça tienne en seulement 77 minutes, électriques, traduit la miraculeuse modernité du résultat. Une leçon d'écriture et de mise en images. 

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