lundi 24 avril 2017

UNE FEMME DISPARAÎT, d'Alfred Hitchcock (1938)

300ème critique !

UNE FEMME DISPARAÎT (The Lady Vanishes) est un film réalisé par Alfred Hitchcock.
Le scénario est écrit par Sidney Gillat et Frank Launder, d'après le roman White The Wheel Spins Continuity d'Ethel Lina. La photographie est signée Jack Cox. La musique est composée par Cecil Milner.


Dans les rôles principaux, on trouve : Margaret Lockwood (Iris Henderson), Michael Redgrave (Gilbert Redman), Dame May Whitty (Miss Froy), Paul Lukas (Dr. Egor Hartz), Cecil Parker (Eric Todhunter), Linden Travers (Margaret Todhunter), Naunton Wayne (Caldicott), Basil Radford (Charters).
 Un train traverse la Baldinka...

Baldinka, un pays d'Europe Centrale. Un train est bloqué suite à une avalanche. Deux anglais, Caldicott et Charters, sont impatients de connaître le résultat d'un match de cricket dans leur pays. Mr. Todhunter, qui espère être nommé juge, attend là avec sa femme. Il y a aussi Miss Froy, vieille gouvernante qui rentre au Royaume Uni. De son côté, Iris Henderson vient de quitter ses deux amies, Blanche et Julie, pour rentrer à Londres où elle doit épouser Lord Charles Fotheringail. 
Miss Froy et Iris Henderson
(Dame May Whitty et Margaret Lockwood)

La nuit venue, logés dans un hôtel,  Iris, exaspérée par le bruit provenant de la cabine de Gilbert Redman, qui fait des études sur la musique folklorique, réussit à le faire expulser mais, du coup, elle est obligée de partager sa chambre avec lui. Caldicott et Charters, faute de place aussi, doivent dormir dans la chambre de la servante, Anna. Miss Froy écoute un chanteur - qui disparaît dans la nuit, étranglé !
Miss Froy, Iris Henderson et Gilbert Redman
(Dame May Whitty, Margaret Lockwood et Michael Redgrave)

Le lendemain matin, les clients reprennent leur train. Légèrement blessée par la chute d'un objet, Iris est soignée par Miss Froy dans son compartiment. La gouvernante va ensuite prendre son thé au wagon-restaurant, mais n'en revient pas. Les passagers affirment même ne l'avoir jamais vue, et Caldicott et Charters refusent un nouveau retard du train pour lancer des recherches.
Miss Froy, Iris et Gilbert

Seul Gilbert accepte de croire et d'aider Iris, accompagnée par le Dr. Hartz - bien que ce dernier croit la jeune femme folle... L'apparition de Mrs. Kurder vêtues des habits de Miss Froy persuade tous les passagers de la confusion mentale d'Iris, sauf Gilbert qui pense à une machination collective. 
Gilbert et Iris

Iris et Gilbert parviennent à retrouver Miss Froy que le Dr. Hartz faisait passer pour une malade recouverte de bandages. Mais le wagon des passagers est alors détourné sur une voie secondaire et attaqué par des militaires complices du docteur. Todhunter est abattu. Miss Froy demande alors à Gilbert de mémoriser un air pour qu'il puisse le répéter au Foreign Office puis elle réussit à s'enfuir. Gilbert prend les commandes du train à qui il fait passer la frontière de la Baldinka. 
Gilbert, Miss Froy et Iris

A la gare de Londres, Iris échappe à son fiancé et gagne le Foreign Office avec Gilbert. Mais celui-ci a oublié l'air qu'il devait répéter. Heureusement, Miss Froy est déjà là !

Le tournage de ce grand classique de la période anglaise d'Alfred Hitchcock débuta mal : son assistant réalisateur, Fred Gunn, se blesse lors des repérages en Yougoslavie et tout doit être re-planifié  pour que les prises de vue aient lieu en Grande-Bretagne.

Mais si le cinéaste se passionne pour cette intrigue, c'est aussi parce qu'elle lui rappelle une histoire authentique : une jeune anglaise à l'Exposition Universelle de 1880 s'était absentée de l'hôtel où elle séjournait seule avec sa mère. Ne la retrouvant plus à son retour, elle découvrit que la direction l'avait fait disparaître pour étouffer une rumeur comme quoi l'établissement était le foyer d'une contamination par la peste bubonique !

S'il n'a pas participé à la rédaction du scénario, Hitchcock y imprime donc sa marque et en en modifiant la fin. Le résultat est une comédie d'espionnage brillante aux péripéties menées sur un train d'enfer. Le réalisateur brosse le portrait ironique d'une galerie de personnages retenus contre leur gré dans un hôtel isolé puis dans un train, deux décors dont il exploite tout le potentiel dramatique.

L'héroïne apparaît d'abord frivole, superficielle, puis le spectateur sympathise avec elle quand, seule contre tous, elle s'emploie à retrouver Miss Froy. Cette enquête permet à Hitchcock de développer des personnages secondaires en raillant la vie conjugale (le couple Todhunter) et ses compromissions permanentes (le juge ayant une maîtresse, quand celle-ci évoque le divorce, il lui rappelle que sa position exige une situation irréprochable !). Avec le duo Caldicott-Charters, il se moque malicieusement de ses compatriotes britanniques (plus préoccupés par un match de cricket que par la disparition d'une vieille dame) avant de les montrer faire le coup de feu, très efficacement, lors de l'attaque du train.

Mine de rien, on remarquera que ce divertissement a priori léger véhicule un message politique engagé, Hitchcock dénonçant le pacifisme - assimilé ici à de la lâcheté - de Todhunter (ce qu'il paiera de sa vie), d'ailleurs méprisé par Caldicott.

A l'opposé, le courage de la (fausse) religieuse, la pugnacité d'Iris sont valorisés contre la fourberie de Hartz. Et l'ingéniosité de Miss Froy évoque celle de la Miss Marple d'Agatha Christie par sa capacité à se jouer de ses ennemis (en chantonnant les clauses les plus importantes d'un pacte secret entre plusieurs pays européens).

L'interprétation est jubilatoire grâce au dynamisme de Margaret Lockwood et à la classe impertinente de Michael Redgrave. En suivant leur couple dans cette aventure tortueuse et énergique, on ne s'ennuie pas une seconde : comme souvent avec Hitchcock, on est ébloui par la modernité intacte, la fraîcheur revigorante de son cinéma, modèle d'entertainment intelligent. 

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