lundi 17 avril 2017

LES ENCHAÎNES, d'Alfred Hitchock (1946)


LES ENCHAÎNES (Notorious) est un film réalisé par Alfred Hitchcock.
Le scénario est écrit par Ben Hecht (avec Alfred Hitchcock, David O. Selznick et Clifford Odets), d'après l'histoire The Song of the Dragon de John Tainter Foote. La photographie est signée Ted Tetzlaff. La musique est composé par Roy Webb.


Dans les rôles principaux, on trouve : Ingrid Bergman (Alicia Huberman), Cary Grant (T.R. Devlin), Claude Rains (Alexander Sebastian), Louis Calhern (capitaine Paul Prescott), Leopoldine Konstantin (Mrs. Anna Sebastian).
 Alicia Huberman et T.R. Devlin
(Ingrid Bergman et Cary Grant)

24 Avril 1946. John Huberman est condamné pour espionnage. Sa fille Alicia rencontre lors d'une réception T.R. Devlin et découvre qu'il est un agent des services de renseignements américains. Le lendemain, il lui explique la mission que le gouvernement veut lui confier : infiltrer un réseau d'extrémistes, amis de son père, qui se sont réfugiés, après la guerre, au Brésil pour échapper à des poursuites judiciaires. Bien qu'elle jure ne jamais avoir partagé les sympathies de son père, Alicia accepte et part pour Rio de Janeiro avec Devlin qui lui apprend, lors du trajet, le suicide de John Huberman en détention.  
Devlin et Alicia

Alicia s'éprend de Devlin, bien qu'il la considère avec mépris, la jugeant aussi coupable que l'était son père. Lorsque le supérieur de l'agent, le capitaine Paul Prescott, les rejoint, il fixe comme objectif à la jeune femme de renouer avec Alexander Sebastian, autrefois amoureux d'elle. Devlin organise leurs retrouvailles et Alicia fait la connaissance d'un groupe d'allemands dont l'un d'eux, Emil Hupka, s'agite bizarrement à cause d'une bouteille de vin.  
Alexander Sebastian, Devlin et Alicia
(Claude Rains, Cary Grant et Ingrid Bergman)

Sebastian, malgré les réticences de sa mère, demande bientôt la main d'Alicia, et les noces sont rapidement célébrées. Devlin, invité par la jeune femme, y assiste et elle l'entraîne discrètement dans la cave où ils découvrent une bouteille de vin contenant un étrange minerai. Sebastian découvre qu'il a été trahi et en avise sa mère.  
Devlin et Alicia

Prescott révèle à Alicia que le minerai dont Devlin lui a ramené un échantillon est en vérité de l'uranium. L'agent a, lui, demandé à être muté en Espagne, mais elle obtient de le revoir avant son départ. Il la trouve distante et l'air malade, mais elle prend ces remarques comme une nouvelle preuve du dédain de Devlin. A son retour chez Sebastian, Alicia comprend cependant que lui et sa mère sont en train de l'empoisonner à petit feu. 
Mrs. Anna Sebastian, Alicia et Alexander Sebastian
(Leopoldine Konstantin, Ingrid Bergman et Claude Rains)

Inquiet, ne pouvant plus ignorer ses sentiments, Devlin rend visite aux Sebastian pour découvrir Alicia alitée et très affaiblie. Il menace alors Alexander de tout révéler au sujet de ses amis allemands présents dans la maison s'il ne le laisse pas évacuer la jeune femme. Tandis qu'il part avec Alicia dans ses bras, Alexander doit s'expliquer sur la situation avec ses complices contrariés et menaçants.  
Devlin et Alicia

Quand Alfred Hitchcock manifeste son intérêt pour ce scénario, il doit affronter son producteur David O. Selznick qui, lui, ne croit pas à son potentiel commercial. Il vend le projet au studio RKO contre 50% des bénéfices : un pari gagnant puisque, tourné pour un peu plus de deux millions de dollars, le film en rapportera quatre fois plus !

Cette histoire exploite le célèbre "MacGuffin" cher à Hitchcock, un élément prétexte sur lequel est bâti l'intrigue : l'idée du minerai d'uranium 235 vint au cinéaste et à son scénariste Ben Hecht en 1944, un an avant le bombardement d'Hiroshima, après une entrevue avec le Dr. Millikan au Cal Tech, centre du "Projet Manhattan" où fut conçu la bombe atomique. Après quoi le F.B.I. se mit à surveiller Hitchcock, craignant qu'il ne divulgue des secrets d'Etat dans son film !

Un autre point de divergence apparut entre le réalisateur et Selznick quand ce dernier souhaita imposer Clifton Webb dans le rôle finalement tenu par Claude Rains (Hitchcock, lui, convoitait George Sanders ou Ezio Pinza, mais recruta Rains dont la filmographie était jalonnée de personnages antipathiques, comme dans Les Aventures de Robin des Bois ou Casablanca, tous deux de Michael Curtiz). Selznick aurait également voulu engager Ethel Barrymore pour le rôle de la mère de Sebastian, mais la comédienne refusa de tenir un rôle aussi déplaisant : elle fut remarquablement remplacée par Leopoldine Konstantin.

Comme souvent chez Hitchcock, le méchant est complexe : il apparaît comme une victime de sa confiance en la femme dont il est épris et il est dominé par la figure autoritaire et machiavélique de sa mère, ce qui en fait un trafiquant finalement peu dangereux (quand bien cache-t-il de l'uranium dans sa cave). Rains le joue avec subtilité et, grâce à lui, Notorious dépasse le simple cadre du récit d'espionnage pour glisser dans une romance trouble à trois avec Alicia et Devlin.

Le vrai thème du film est la trahison : celle de John Huberman contre son pays, qui entraîne celle de Devlin contre Alicia (il la séduit d'abord pour mieux la manipuler ensuite), et enfin celle d'Alicia contre Sebastian. Les services secrets sont présentés comme un organisme cynique, avec des officiers ambigus comme Prescott et Devlin, prêts à tout pour accomplir leur mission.

Hitchcock retrouvait, après Soupçons (1941), Cary Grant et, après La Maison du Dr. Edwardes (1945), Ingrid Bergman, tous deux livrant de formidables prestations. Le cinéaste filme son actrice avec une évidente tendresse, alors même qu'elle traversait une crise conjugale hors plateau : resplendissante, elle forme un couple inoubliable avec son partenaire, toujours aussi excellent dans ce registre équivoque, et réussit à nous émouvoir en n'hésitant pas à tout sacrifier pour se racheter de la conduite déshonorante de son père. Grant bénéficie d'un personnage évoluant au fur et à mesure, passant de l'agent froid et détaché, qui fait passer son devoir avant ses sentiments, à celui de sauveur, rattrapé par son amour pour Alicia.

Superbement photographié (François Truffaut le considérait comme le plus film en noir et blanc d'Hitchcock), Les Enchaînés voit les apparences de ses protagonistes et des situations s'effacer progressivement, culminant avec la scène où Alicia comprend qu'elle est empoisonnée par l'homme qu'elle a épousé en le trahissant volontairement. Le courage et l'abnégation de cette héroïne contraste avec l'attitude de Devlin et font de leur romance une grande histoire de sacrifice, de don de soi.

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