mardi 11 avril 2017

THE EAST, de Zal Batmanglij (2013)


THE EAST est un film réalisé par Zal Batmanglij.
Le scénario est écrit par Zal Batmanglij et Brit Marling. La photographie est signée Roman Vasyanov. La musique est composée par Harry Gregson-Williams.


Dans les rôles principaux, on trouve : Brit Marling (Jane Owen/Sarah Moss), Alexander Skarsgârd (William "Benji" Woodhouse), Ellen Page (Isabella "Izzy" Duncan), Patricia Clarkson (Sharon), Toby Kebell ("Doc" Thomas Ayres), Julia Ormond (Paige Williams).
 Sharon et Jane/Sarah
(Patricia Clarkson et Brit Marling)

Jane Owen travaille sous les ordres de Sharon pour le compte de la société Hiller-Brood. On lui confie la mission d'infiltrer un groupuscule écolo-anarchiste, "The East", qui pourraient s'en prendre aux intérêts de grandes compagnies. Sous le nom d'emprunt de Sarah Moss, la jeune femme s'intègre à des marginaux et rencontre ainsi Luca qu'elle sauve d'une arrestation par la police après qu'ils aient voyagé clandestinement en train. Blessée, elle est conduite au repaire de "The East" où elle est soignée par "Doc" Thomas Ayres avant de perdre connaissance. 
Jane Owen/Sarah Moss
(Brit Marling)

Bien que tout le monde se méfie d'elle, en particulier Izzy, la plus proche complice de Benji, le chef du groupe, Sarah convainc Eve, chargée de la surveiller, de fuir en lui révélant qui elle est vraiment. Ainsi la remplace-t-elle pour la nouvelle opération organisée par la bande. Il s'agit, lors d'une réception donnée pour le lancement sur le marché d'un nouveau médicament (qui, testé par la soeur de "Doc" et ce dernier, a prouvé sa nocivité), d'empoisonner légèrement les cadres de la société pharmaceutique.    
Benji et Sarah
(Alexander Skarsgârd et Brit Marling)

Convaincu de sa loyauté, Sarah a gagné la confiance de Benji qui autorise ses comparses à se disperser jusqu'à leur prochain coup. De retour chez Hiller-Brood, Sarah fait son rapport mais dissimule les détails de sa mission à son fiancé, qui s'en accommode bon gré mal gré. Bientôt, elle est renvoyée sur le terrain avec pour objectif d'apprendre quelles sont les futures cibles de "The East". Sharon met Sarah en garde de ne pas trop s'attacher à ces anarchistes qui, s'ils découvraient son vrai job, n'hésiteraient pas à la sacrifier et dont la cause n'a rien de noble.
Sarah, Izzy et Benji
(Brit Marling, Ellen Page et Alexander Skarsgârd)

De retour au sein du groupe, Sarah découvre qu'il veut s'en prendre aux dirigeants d'une usine de retraitement de l'eau, dont le P.D.G. n'est autre que le père de Izzy. Mais l'opération dégénère en règlement de comptes familial : la police surprend la bande et ouvre le feu, blessant mortellement Izzy. Choquée, Sarah ne sait plus quoi penser et s'abandonne dans les bras de Benji, peu avant une nouvelle dispersion du groupuscule. Sharon lui apprend que le F.B.I., disposant d'assez de preuves, va bientôt procéder à l'arrestation des membres de "The East". Son fiancé la quitte, lassé de ses secrets et mensonges.
Benji

Confuse, Sarah rejoint plus tôt que prévu Benji et tente de le convaincre de fuir. Il la conduit alors là où il a prévu de mener sa nouvelle attaque, le siège de Hiller-Brood, et lui révèle avoir découvert qu'elle en était un agent. Si elle veut à la fois l'aider et contrarier les exactions de sa compagnie, il lui demande de pirater des fichiers avec les noms d'autres infiltrés. Pendant ce temps, le FBI fait une descente au Q.G. de "The East". Sarah quitte Benji qui quitte le pays, mais elle avertit ses collègues, non pas pour les lancer à sa recherche, mais tenter de les rallier à la cause du groupuscule.

Le coup d'essai prometteur de Sound of My Voice, le précédent opus de Zal Batmanglij, a naturellement attiré l'attention des grands studios et c'est la Fox qui lui a offert un budget plus conséquent pour son projet suivant. Ridley et Tony Scott, via leur compagnie Scott Free, assuraient le relais entre la major et le cinéaste. Le résultat y gagne donc, presque inévitablement, en ampleur ce qu'il y perd en singularité : The East, même s'il n'est pas totalement dénué de qualités, ne dépasse guère le niveau d'un thriller classique.

Pourtant, en moins de deux heures, Batmanglij et Brit Marling, avec laquelle il rédige le script en plus de la diriger devant la caméra, dresse pour commencer une critique atypique et ambiguë des grandes compagnies influençant le gouvernement qui, en retour, couvre leurs actions. 

Dans un premier acte, les anarchistes qu'infiltre Sarah Moss ressemblent à la secte de Sound of My Voice, cultivant le goût du secret : elle les rencontre d'ailleurs en étant conduite dans leur repaire les yeux bandés puis est mise à l'épreuve suivant des rites initiatiques aussi étranges qu'humiliants. Le spectateur comme l'héroïne n'ont guère de doute sur le côté obscur de ce groupuscule vivant comme des ermites, luttant contre la société de consommation et ses abus, et préparant des attentats.

Mais, dans le deuxième acte, la frontière entre le Bien et le Mal se brouille, le film renoue avec ce que Batmanglij et Marling savent si bien explorer : désormais considérés sous un jour plus trouble (et troublant), les membres de "The East" ne sont alors pas moins recommandables que les pontes de Hiller-Brood, dont la patronne, Sharon (symbolisant aussi la figure de la mère de substitution pour Sarah), décide de pas riposter contre eux tant que les intérêts de ses clients ne sont pas menacés. Le spectateur ne sait pas/plus davantage que l'héroïne quoi penser, le doute les gagne de manière subtile et efficace.

Malheureusement, le récit emprunte dans son dernier tiers un tour plus convenu, lorsque la deuxième opération de "The East" est motivée autant par ses convictions écologistes que par une vengeance familiale de Izzy contre son père. Faut-il y voir l'influence des co-producteurs Scott ? En tout cas, l'affaire se précipite vers un dénouement abrupt et maladroit, d'une naïveté tranchant avec l'épatante ambiguïté du début, où on assiste au revirement (providentiel, puisqu'il intervient, come par hasard, après qu'elle ait couché avec Benji, le chef du groupe) de Sarah devenant soudain une militante rebelle. La morale de cette aventure déçoit par son manque de complexité, comme s'il avait fallu rapidement conclure, sans finesse.

Grâce au budget confortable, le casting bénéficie d'acteurs solides, même s'ils ne forcent pas leur talent (étant distribués dans des rôles dans lesquels on les a déjà vus et qu'ils jouent sans nuances) : Alexander Skarsgârd, Ellen Page ou Patricia Clarkson permettent en vérité de valoriser l'interprétation à la fois fébrile, très physique, de la belle Brit Marling.

Avant de réussir à concilier l'exigence de leurs idées avec une production ambitieuse, comme dans leur série The OA, The East est donc une oeuvre de transition pour son réalisateur et son actrice-co-scénariste fétiche.

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