mardi 18 avril 2017

LA MAISON DU DOCTEUR EDWARDES, d'Alfred Hitchcock (1945)


LA MAISON DU DOCTEUR EDWARDES (Spellbound) est un film réalisé par Alfred Hitchcock.
Le scénario est écrit par Ben Hecht, d'après le roman de Francis Beeding. La photographie est signée George Barnes. La musique est composée par Miklos Rozsa.


Dans les rôles principaux, on trouve : Ingrid Bergman (Constance Peterson), Gregory Peck (John Ballantine), Michael Chekhov (Dr. Alex Brulov), Leo G. Carroll (Dr. Murchison), Rhonda Fleming (Mary Carmichael), John Emery (Dr. Fleurot).
 "La faute... N'était pas dans nos étoiles, mais en nous-mêmes..."

Constance Peterson est médecin à la clinique de Green Manors, dirigée par le Dr. Murchison. Il y accueille son successeur, le Dr. Anthony Edwardes, dont le trouble s'empare quand il voit des lignes parallèles. Peu après son arrivée, un des patients commet une tentative de suicide et doit être opéré d'urgence, mais Edwardes est pris d'un malaise dans le bloc chirurgical. Constance veille sur lui et devine en comparant deux manuscrits que l'homme dont elle s'est éprise n'est pas le Dr. Edwardes mais un amnésique dont on elle ne connaît que les initiales : J.B..
Le Dr. Alex Brulov, Constance Peterson et John Ballantine
(Michael Chekhov, Ingrid Bergman et Gregory Peck)

J.B. part pour New York alors que la police le croit responsable de la disparition d'Edwardes. Constance le rejoint et l'emmène à Rochester pour qu'il consulte son mentor, le Dr. Alex Brulov. Celui-ci l'endort avec du lait additionné à du bromure. J.B. raconte ensuite le rêve récurrent qu'il fait et que tentent d'interpréter Constance et Brulov. 
La séquence du rêve, conçue par Salvador Dali

Le couple se rend à Gabriel Valley où un souvenir revient à J.B. : il pense être responsable de la mort de son frère, empalé sur une grille alors qu'il jouait avec lui dans leur enfance. J.B. se rappelle désormais de son nom complet : John Ballantine. Constance en déduit qu'Edwardes est mort en faisant une chute mortelle à ski dont John aurait été le témoin ou le coupable. 
 Constance et John

Des recherches aboutissent à la récupération du cadavre d'Edwardes dans une crevasse, mais il a été en vérité tué d'une balle. John est arrêté pour son meurtre et incarcéré en attendant son procès. Effondrée, Constance rentre à Green Manors.
Constance et le Dr. Murchison
(Ingrid Bergman et Leo G. Carroll)

Mais, à la clinique, elle comprend que Murchison lui a menti depuis le début quand elle lui demande d'analyser à son tour le rêve de John. Le directeur de l'établissement avoue alors avoir éliminé Edwardes dont il n'admettait pas qu'il lui succède. Mais alors qu'il est prêt à abattre Constance, il retourne finalement son revolver contre lui et se suicide plutôt que d'être arrêté par la police. 
Constance et John

John est libéré et innocenté et peut retrouver Constance qu'il aime et à qui il est reconnaissant pour l'aide qu'elle lui a apporté.

Alfred Hitchcock assurait vouloir tourner le premier thriller psychanalytique quand il entreprit de filmer Spellbound, mais en vérité, le film joue sur plusieurs registres, du mélodrame (la romance entre Constance et John) au drame criminel (qui a tué Edwardes ?) en passant par l'étude psychologique (l'interprétation des rêves).

Il faut aussi resituer l'histoire dans le contexte de l'époque : nous sommes en 1945, juste à la fin de le seconde guerre mondiale, et le conflit a traumatisé nombre d'hommes, revenant alors des champs de bataille. Ce n'est donc pas un hasard si ce long métrage sort la même année que des oeuvres explorant les mêmes thèmes, comme La Femme au portrait (Fritz Lang) ou The Strange Affair of Uncle Harry (Robert Siodmak).

David O. Selznick, le producteur, était lui-même un patient du Dr. May Romm, engagé comme conseiller technique sur le tournage. Cependant, cet aspect n'allait pas être celui qui passionnerait le plus Hitchcock, préférant judicieusement s'attarder sur la romance complexe entre Constance et John. 

Il dirige pour la pour la première fois Ingrid Bergman et l'attirance qu'il éprouve pour la superbe suédoise (dont la légende raconte qu'elle n'avait pas besoin de maquillage car son visage attirait naturellement la lumière à la perfection) est aussi manifeste que le respect qu'il porte à sa sensibilité de comédienne. Il n'empêche, comme toutes les grandes muses du cinéastes, chaque plan d'elle comporte son lot de symboles : ici, on notera tout particulièrement que le premier baiser qu'elle échange avec son amant s'accompagne de l'ouverture successive de plusieurs portes, symbolisant la libération de son désir et son émancipation comme femme. L'intrigue se charge de prouver ensuite avec quelle abnégation elle se bat pour délivrer celui qu'elle aime de ses démons et de la prison.

La séquence, célèbre entre toutes, du rêve a été conçue par le peintre espagnol Salvador Dali, mais, prévue pour durer initialement une vingtaine de minutes, elle fut conséquemment raccourcie au montage pour ne garder que des éléments relatifs à la mort d'Edwardes.

Hitchcock en profite aussi pour montrer avec ironie le personnel de la clinique Green Manors (un nom qui inspirera plus tard le scénariste Fabien Vehlmann pour sa superbe bande dessinée Green Manor, illustrée par Denis Bodart), les médecins y travaillant étant manifestement aussi perturbés que leurs patients, comme en attestent les dialogues ("Les femmes font les meilleures psychanalystes jusqu'à ce qu'elles tombent amoureuses. Elles font alors les meilleures patientes !"). Quant à Murchison, soucieux de rester le maître de cet établissement, il sera trahi par son orgueil en interprétant trop bien le rêve de John Ballantine, s'accusant ainsi du meurtre d'Edwardes. Sa suffisance le conduira à préférer se suicider plutôt que de tuer Constance, pour laquelle il avait visiblement une affection plus que professionnelle...

Ce dénouement illustre malicieusement la citation de William Shakespeare placée en exergue du film : "La Faute... N'est pas dans nos étoiles, mais en nous-même." Tout ce qui suit l'explique dans un suspense haletant et tortueux que la réalisation rend tout à fait lisible et que des acteurs investis subliment, au diapason de Gregory Peck, formidable d'ambiguïté. Pour l'anecdote, on retiendra aussi que Hitchcock pensa d'abord à Joseph Cotten pour incarner John Ballantine, à Greta Garbo puis Dorothy McGuire pour celui de Constance Peterson, et Fredric March et Ralph Bellamy pour celui de Murchison.

Ce chef d'oeuvre, récompensé aux Oscar pour sa musique, demeure un des opus majeurs de son réalisateur, de ces films dont on la richesse narrative paraît inépuisable et dont la mise en scène nous enchante littéralement par sa maestria.

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