jeudi 3 novembre 2016

THE DRIVER, de Walter Hill (1978)


THE DRIVER est un film écrit et réalisé par Walter Hill.
La photographie est signée Philip Lathrop. La musique est composée par Michael Small.


Dans les rôles principaux, on trouve : Ryan O'Neal (le Driver), Bruce Dern (le Détective), Isabelle Adjani (le Joueuse), Ronee Blakely (l'Agent), Joseph Walsh (Lunettes), Denny Macko (l'Echangeur).
Le Driver
(Ryan O'Neal)

Le Driver permet à deux braqueurs, qui ont attaqué un cercle de jeux, d'échapper à la police après une longue course-poursuite dans les rues de Los Angeles la nuit. Le Détective chargé de l'affaire procède aux arrestations de suspects habituels, parmi lesquels se trouve le Driver. Mais le seul témoin susceptible de l'accabler, la Joueuse, affirme qu'il n'est pas le chauffeur complice des voleurs.
La Joueuse et le Détective
(Isabelle Adjani et Bruce Dern)

Le Driver retrouve la Joueuse qui lui explique avoir refusé de le dénoncer parce qu'elle a besoin d'argent, ce qu'il peut lui procurer grâce à la part qu'il a reçu lors du hold-up. Le Détective se présente ensuite chez la Joueuse et la met en garde car il a deviné qu'elle a protégé le Driver et pourrait être à terme arrêtée comme sa complice. 
Le Driver et le Détective
(Ryan O'Neal et Bruce Dern)

Résolu à appréhender le Driver, le Détective est prêt à tout, y compris à enrôler un braqueur pour qu'il commette un braquage et qu'il recrute un chauffeur pour cela. L'Agent entre en contact avec le Driver pour le mettre en relation avec le braqueur, Lunettes : il réclame 10 000 $ plus 30% du butin (le double de ce qu'il demande habituellement, parce qu'il n'aime pas un des partenaires du malfrat, dont il obtient qu'il soit écarté de l'affaire). 
 Le Driver et son Agent
(Ryan O'Neal et Ronee Blakely)

Le hold-up dégénère car Lunettes tue son autre acolyte puis tente d'éliminer le Driver dans un hangar, une fois tous les deux à l'abri. Mais le Driver abat Lunettes, récupère le butin et va le cacher dans une consigne à la gare. Puis il loue une chambre d'hôtel pour être sûr de ne pas être retrouvé - sauf de son Agent qui promet de trouver un intermédiaire pour blanchir l'argent du hold-up. En rentrant chez elle, elle est attendue par le partenaire de Lunettes à qui elle avoue où le Driver a planqué l'argent avant d'être tuée.
La Joueuse et le Driver
(Isabelle Adjani et Ryan O'Neal)

Le Driver charge la Joueuse de rencontrer à la gare l'Echangeur qui blanchira l'argent. Le Détective est également là qui arrête l'homme et récupère le butin cependant que le partenaire de Lunettes vole le sac de la Joueuse dans lequel se trouve la clé de la consigne où l'argent blanchi a été déposé. Elle le signale au Driver qui le prend en chasse.
Après avoir rattrapé et tué le partenaire de Lunettes, le Driver retourne à la gare mais trouve dans la consigne une mallette vide - l'Echangeur n'a jamais blanchi l'argent. Le Détective le constate aussi et est obligé de laisser filer le Driver, qui rejoint la Joueuse.

Scénariste à la réputation bien établie, Walter Hill est passé une première fois derrière la caméra en 1975 pour tourner Le Bagarreur avec Charles Bronson dans le rôle-titre. Malgré ce succès critique et public, il devra attendre trois ans pour réaliser son nouvel opus. Entretemps, il continue d'écrire pour d'autres (on lui doit notamment Guet-Apens de Sam Peckinpah, 1972) et il tente sa chance à la télé pour une série qui connaîtra un échec cuisant mais lui permettra de rencontrer le producteur Lawrence Gordon.

Grâce à ce dernier, en 78, il trouve le financement pour The Driver, qu'il destinait initialement à son idole, Raoul Walsh, et dont le premier rôle était prévu pour Steve McQueen. Mais l'un et l'autre déclineront. Voilà à quoi peut tenir le sort d'un film-culte.


Avec The Driver, Hill, partisan d'un cinéma direct, vise l’épure : on peut résumer son projet en quelques mots-clés - le voyou, le flic, la fille, la voiture, la ville - tant tout ici est programmatique, ascétique, impénétrable. Le film se pose comme une énigme à laquelle le cinéaste ne donne pas de réponse toute faite, laissant le spectateur y projeter ses fantasmes. On pense évidemment au Samouraï de Jean-Pierre Melville, mais à la différence du tragique tueur à gages incarné par Alain Delon en 1967 qui, lorsque son organisation se déréglait, courait volontairement à sa perte, le Driver campé par Ryan O'Neal devient de plus en plus fort dans la difficulté. 

Les péripéties qu'il affronte - la menace de la Joueuse qui peut le dénoncer, la traque du Détective, la vengeance d'un malfrat humilié - ne sont là que pour ponctuer ce voyage au bout de la nuit. Qu'est-ce qui motive cet homme (dont on ignore l'identité, comme celles de tous les autres personnages désignés par leur fonction) ? Tout juste peut-on supposer qu'il s'agit pour lui de relever le défi que lui adresse justement ce policier obsédé par lui, mais rien n'est établi clairement. 

En fait, Hill mixe les éléments archétypaux du polar à ceux encore plus archaïques, basiques, du western - le Détective n'est-il pas davantage un shérif, qui se fiche de la Loi (au point d'engager dans son entreprise un braqueur), et qui d'ailleurs appelle le Driver "le cowboy". La ville elle-même, bien que le film ait été tourné à Los Angeles, est représentée dépouillée de tout ce qui pourrait faciliter son identité, c'est une enfilade de rues, d'entrepôts, comme autant de plaines, canyons, et d'hôtels dont la nuit brouille encore plus l'aspect. 

Le réalisateur semble avoir voulu à ce point désosser son récit qu'il soit compréhensible sans dialogue et sans son, même si la bande-son y est utilisée de manière intense : la musique, minimaliste, de Michael Small se mêle aux vrombissements des moteurs, aux crissements de freins, aux sirènes de police, aux détonations des armes. L'effet est saisissant et payant.

Pour le casting, Hill a donc dû composer avec le refus de McQueen, mais cela a également profité au film : la star, habitué à ce genre de rôle de dur taiseux, aurait été trop convenu. En dirigeant Ryan O'Neal (passé entretemps de Bogdanovich - On s'fait la valise, docteur ? en 72 et La Barbe à Papa en 73 - à Kubrick - Barry Lyndon, en 75), le réalisateur a gagné un interprète dont l'air enfantin, la mine tour à tour déterminé et absent, ajoute au mystère de ce Driver. Face à lui, Bruce Dern, dont l'image était plus lié à des personnages de méchants, compose un Détective hargneux, plus expressif, et ce contraste valorise justement le jeu intériorisé de O'Neal. Entre eux deux, Isabelle Adjani, qui avait exprimé son intérêt pour le projet parce qu'elle avait aimé Le Bagarreur, apporte un charme éthéré à la Joueuse (qui semble presque annoncer son rôle dans le fabuleux Mortelle Randonnée de Claude Miller en 1983).  

Le film est encadré par deux courses-poursuites d'anthologie, réglées par le cascadeur déjà à l'oeuvre sur Bullitt (sur lequel Hill fut assistant réalisateur) : dans la première, le Driver est pris en chasse par plusieurs voitures de police et pendant plus de dix minutes l'issue est incertaine ; dans la seconde en revanche il traque un malfrat qui l'a doublé et il ne fait aucun doute qu'il va le rattraper et l'achever dans une sorte d'étrange duel automobile où le carambolage remplace l'échange de tirs (même s'il y a une fusillade). La proie est devenue un chasseur, le fugitif un pisteur : il ne s'agit plus d'un contrat mais d'une mission, d'une vengeance - finalement dérisoire compte tenu de la révélation suivante dans la gare. Il n'y a pas de vainqueur dans cette histoire - ce qui suggère que l'affrontement entre le Détective (même déchu) et le Driver va continuer.

Si on mesure l'impact d'un film à l'écho qu'il rencontre à sa sortie dans la critique et le public, cette estimation se poursuit en comptant les oeuvres qu'il inspire et, de ce point de vue, l'opus de Walter Hill a eu une remarquable descendance puisque Nicolas Winding Refn en tournera un quasi-remake avec le presque homonyme et non moins fascinant Drive (2011).

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