mardi 8 novembre 2016

MR. SMITH AU SENAT, de Frank Capra (1939)


MR. SMITH AU SENAT (Mr. Smith Goes to Washington) est un film réalisé par Frank Capra.
Le scénario est écrit par Sidney Buchman, d'après les textes de Lewis R. Foster. La photographie est signée Joseph Walker. La musique est composée par Dimitri Tiomkin.

Dans les rôles principaux, on trouve : James Stewart (Jefferson Smith), Jean Arthur (Clarissa Saunders), Claude Rains (Joseph Paine), Edward Arnold (Jim Taylor), Thomas Mitchell (Diz Moore), Guy Kibbee (gouverneur Hubert Hopper).
 Jim Taylor
(Edward Arnold)

Le richissime entrepreneur Jim Taylor fait pression sur le gouverneur Hubert Hopper pour remplacer le défunt sénateur Sam Foley par un homme de paille. Les enfants du gouverneur le convainquent de désigner Jefferson Smith, leur idole au sein des scouts. Ce jeune homme naïf et idéaliste semble effectivement facilement manipulable et accepte le poste.
Mr. Smith devant le Lincoln Mémorial
(James Stewart)

A Washington, Smith est introduit par un ami de son père, journaliste mort pour ses idées, le sénateur Joseph Paine, estimé mais en vérité lui aussi à la solde de Taylor. Il lui présente sa ravissante fille, Susan, qui séduit aussitôt ce provincial. Toutefois, avant d'aller à son bureau, Smith se rend au Lincoln Mémorial pour s'y recueillir devant la statue du grand homme et les textes de la Constitution gravés dans le marbre.
Clarissa Saunders, Jefferson Smith et Diz Moore
(Jean Arthur, James Stewart et Thomas Mitchell)

Il fait ensuite la connaissance de sa secrétaire, Clarissa Saunders, qui lui enseigne rapidement les rouages des institutions avec l'aide de son ami, le journaliste Diz Moore, aussi perplexe qu'elle au sujet des compétences de Smith. Mais celui-ci a déjà une idée de projet de loi pour octroyer un camp national pour les enfants des villes dont le financement serait assuré par un prêt à l'Etat remboursé ensuite par les souscriptions volontaires des scouts américains.
 Jefferson Smith et Clarissa Saunders

Ce que Smith ignore, et que découvre, effarée, Clarissa, c'est que ledit camp se situerait sur le terrain sur lequel Taylor a prévu d'édifier un barrage avec l'appui au sénat de Paine. Susan Paine est chargée de distraire Smith afin qu'il ne soit pas présent à l'assemblée lors de la discussion de son projet de loi. Cette manoeuvre écoeure Clarissa qui en informe le jeune sénateur. Il part demander des explications à Paine mais c'est Taylor qui l'invite pour le raisonner. Smith décide de démissionner et, avant de rentrer chez lui, retourne au Lincoln Mémorial.
 Joseph Paine et Jefferson Smith au Sénat
(Claude Rains et James Stewart)

C'est là que Clarissa le rejoint et l'invite à se battre pour son idée.  Ragaillardi, il reprend sa place au sénat mais Paine, grâce à des documents falsifiés, l'accuse d'infamie et exige son exclusion car Smith aurait acquis le terrain pour les scouts avant de devenir sénateur pour en tirer profit ensuite. Smith s'en défend en usant d'un règle simple : tant qu'il ne s'assied pas, il peut monopoliser la parole afin d'argumenter son projet. Apprenant cela, Taylor lance une vaste de dénigrement contre le sénateur dans les médias, jusqu'à empêcher les scouts de le défendre en diffusant leur revue.
Mr. Smith

Après presque 24 heures de prise parole, Smith, épuisé, reçoit le coup de grâce de Paine qui produit des courriers d'électeurs contre lui et réclame son renvoi. Dans un sursaut, Smith implore Paine de ne pas renier ses idéaux, ceux-là même qu'il défendait avec son père, avant de s'évanouir. Paine, pris de remords, après avoir tenté de se suicider, avoue avoir agi en faveur de Taylor et réhabilite Smith qui est évacué et réconforté par Clarissa, lui déclarant qu'elle l'aime.

Octobre 1939 : Mr. Smith au Sénat est projeté dans la salle de la Constitution à Washington devant 4000 invités, dont 45 sénateurs. A la fin du film, Frank Capra est accusé par plusieurs élus d'avoir réalisé une oeuvre anti-américaine et pro-communiste. Le journaliste Pete Harrison demande même qu'une loi soit votée pour que le film ne soit pas distribué en salles - il sera d'ailleurs ensuite interdit dans l'Allemagne nazie d'Hitler, l'Italie fasciste de Mussolini, l'Espagne de Franco et l'URSS de Staline.

Mais Capra aura sa revanche : son long métrage connaîtra un grand succès public et remportera trois Oscar - meilleurs histoire originale et musique et meilleur acteur pour James Stewart (qui est, effectivement, sensationnel, et dont c'est la deuxième collaboration avec le cinéaste après Vous ne l'emporterez pas avec vous, en 1938, et avant La Vie est belle, en 1946.

Il faut aussi savoir que les textes de Lewis R. Foster à l'origine de l'histoire n'ont jamais été publiés et que le scénariste Sidney Buchman sera "blacklisté" plus tard pour ses sympathies communistes. 

Comme toujours chez Capra, le récit tourne en ridicule les citadins, sophistiqués et cruels, tandis que Smith, issu de la province, est dépeint avec tendresse. C'est un authentique héros au coeur pur, dont la sincérité est émouvante : à l'instar des boy-scouts qui le soutiennent, c'est un grand enfant plongé brutalement dans le monde des adultes mais dont la candeur révèle sa supériorité morale et sa décence. Il est habité par ses principes, profondément intègre : c'est un vrai pèlerin du culte démocratique et Lincoln est son idole.

A travers Smith, Capra veut élever, éduquer, rendre meilleur le spectateur : la secrétaire jouée par la formidable Jean Arthur, mais aussi le journaliste campé par Thomas Mitchell, sont d'abord perplexes comme nous avant de s'incliner devant le courage de ce jeune sénateur pour qui la foi dépasse les compétences. Grâce à lui, il n'est pas interdit de penser que les citoyens américains en ont certainement plus appris sur leurs institutions (dans ce qu'elles ont de respectables mais aussi d'absurdes) que bien des programmes d'éducation civique.

A l'opposé, le "méchant" Paine, auquel Claude Rains donne de formidables nuances (n'est-il pas autant complice que jouet de l'influent et brutal Taylor, affairiste sans scrupules), incarne un parvenu, qui a privilégié sa carrière et la fortune aux "causes perdues" pour lesquelles il s'était engagé en politique en soutenant le père de Smith, un journaliste mort pour ses nobles idées. La scène finale où il est rattrapé par sa conscience, après avoir été jusqu'à accepter de rudoyer des enfants et de produire des documents falsifiés, est vibrante.

Pourtant, plus qu'une charge contre les politiciens vendus aux lobbyistes et qu'une critique contre certains organes de presse aux mains de capitaines d'industrie (ce qui rend le film encore très contemporain...), Mr. Smith Goes to Washington illustre la volonté de Capra de revivifier la démocratie et valoriser ceux qui la servent avec honnêteté. Profondément engagé et volontaire, le film est désormais considéré comme un précurseur des "whistleblowers", les "lanceurs d'alerte" qui dénoncent les dérives étatiques : c'est dire s'il reste nécessaire à l'heure où l'Amérique vote pour élire leur 45ème Président...

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