dimanche 20 novembre 2016

BOULEVARD DE LA MORT, de Quentin Tarantino (2007)


BOULEVARD DE LA MORT est un film écrit, photographié et réalisé par Quentin Tarantino.

Dans les rôles principaux, on trouve : Kurt Russell ("Stuntman" Mike), Vanessa Ferlito (Arlene "Butterfly"), Sydney Tamiia Poitier ("Jungle" Julia), Jordan Ladd (Shanna), Rose McGowan (Pam), Rosario Dawson (Abernathy), Zoe Bell (dans son propre rôle), Mary Elizabeth Winstead (Lee Montgomery), Tracie Thomas (Kim).
Julia, Arlene et Shanna
(Sydney Tamiia Poitier, Vanessa Ferlito et Jordan Ladd)

Austin, Texas. Trois amies - Arlene, Shanna et « Jungle » Julia, la DJ d'une radio locale - sortent pour la soirée dans un bar. Un homme les épie, c'est un cascadeur professionnel connu du barman et surnommé "Stuntman" Mike. Mais c'est également un psychopathe qui traverse le pays pour tuer de jeunes femmes à bord de son bolide, une voiture spécialement équipée pour résister aux chocs dans des collisions mortelles - une "death proof car".  
Pam et "Stuntman" Mike
(Rose McGowan et Kurt Russell)

Lorsque les trois amies quittent l'endroit, pour les suivre, "Stuntman" Mike propose de raccompagner chez elle une autre cliente, Pam. Il lui vante les mérites de sa Chevrolet Nova puis, une fois à l'intérieur, la prévient que pour bénéficier de ses avantages, il faut en être le conducteur. Pam est rapidement tuée lors d'un choc contre le tableau de bord. 
"Stuntman" Mike

Il rattrape ensuite la voiture des trois jeunes femmes conduite par une de leur amie et leur fonce dessus frontalement. L'accident est fatal aux filles tandis que le cascadeur s'en sort avec quelques blessures. A l'hôpital, le shérif renonce à l'arrêter car les victimes étaient sous l'emprise de la boisson et de la drogue, devenant de fait responsables du crash.
"Stuntman" Mike

Lebannon, Tennessee. Quatorze mois plus tard. Au volant d'une Dodge Charger, Mike repère de nouvelles proies devant un drugstore. Ce qu'il ignore, c'est que les quatre jeunes femmes qu'il a ciblées - Abernathy, Lee, Kim et Zoe - travaillent sur le tournage d'un film et que les deux dernières sont des cascadeuses professionnelles.
Abernathy, Kim, Zoe et Lee
(Rosario Dawson, Tracie Thoms, Zoe Bell et Mary Elizabeth Winstead)

Accompagnée de ses amies, Zoe a rendez-vous avec le vendeur d'une Dodge Challenger, la voiture de ses rêves, le modèle conduit par le héros du film Point limite zéro de Richard Sarafian. Pour pouvoir l'essayer, elle laisse Lee en compagnie du vendeur.  Une fois sur la route, Zoe veut reproduire une cascade issue du film mais c'est alors que "Stuntman" Mike se lance à leur poursuite. Kim réussit tirer sur le cascadeur fou avec son pistolet et l'oblige à prendre la fuite.
"Vraoum !"

Résolues à se venger, elles le prennent alors en chasse et le percutent violemment. Mike fait plusieurs tonneaux au cours desquels il se casse le bras gauche. Il est tiré de son bolide par les trois filles qui le passent à tabac jusqu'à ce que Abernathy l'achève.

De la part de beaucoup de cinéastes contemporains, il y a une volonté de rendre hommage aux films de genre qui les ont marqués. Cela peut se traduire par la réalisation de remakes ou la tentative de reproduire les figures de style d'un genre de manière sérieuse ou parodique. On peut penser ces citations comme le signe d'une inspiration défaillante, une sorte de bégaiement créatif, ou une tentative de réappropriation, voire de perpétuation - comme un musicien justifiant ses compositions par le fait qu'il ne fait que jouer avec les mêmes huit notes que tous ceux qui l'ont précédé.

Le projet Grindhouse produit par Robert Rodriguez (via son opus Planète Terreur) et Quentin Tarantino avec Death Proof (dont il a dit ensuite préférer le titre français, effectivement plus folklorique) veut ainsi reproduire visuellement et narrativement les séries Z des années 1970, en respectant à la fois leurs histoires grotesques et leurs défauts techniques (mais ici avec des moyens plus conséquents que les originaux). Rien de bien étonnant en vérité de la part d'un cinéaste qui a fait du recyclage sa marque de fabrique en atteignant une roublardise lassante (il est effectivement loin le temps où le réalisateur de Pulp Fiction parvenait à mixer habilement ses références-bis et une forme originale exigeante - s'est-il d'ailleurs jamais remis de sa Palme d'Or ?).

Pour Tarantino, Boulevard de la Mort est donc une ode aux films de bagnoles et de courses-poursuites et Zoe Bell (dans son propre rôle) évoque d'ailleurs Point limite zéro de Richard Sarafian (1971) comme le sommet du genre. Il nous raconte donc l'histoire d'un cascadeur fou qui remplace le slasher des films d'horreur et dont l'arme est une voiture conçue pour être "à l'épreuve de la mort" littéralement, un engin de destruction dont les victimes sont de belles et jeunes femmes.

A l'origine, le cinéaste souhaitait attribuer le rôle de "Stuntman" Mike à Mickey Rourke puis à Sylvester Stallone (déjà approché pour le personnage finalement incarné par Robert de Niro dans Jackie Brown), avant de se tourner vers Kurt Russell. Un choix évident pour ce comédien réputé pour ses compositions d'anti-héros dans les années 80 (New York 1997, The Thing, tous deux réalisés par John Carpenter, un des maîtres de la série B). Sa balafre renvoie d'ailleurs logiquement au bandeau sur l'oeil de Snake Plissken, et Russell s'est visiblement bien amusé à camper ce salaud absolu qu'il rend impressionnant sans avoir à se forcer.

Les scènes de cars' chases sont effectivement impressionnantes, car Tarantino a tenu à les filmer sans trucage, bien aidé par le fait que Zoe Bell est une cascadeuse professionnelle (elle a été la doublure de Uma Thurman dans Kill Bill). La seconde, particulièrement longue et spectaculaire, où finalement les proies deviennent des chasseresses, rivalise aisément avec les classiques du genre, et le réalisateur multiplie les prises de vue à la fois dans et hors de l'habitacle des véhicules lancés à toute allure, leur conférant une tension remarquable.

Dans le même registre formel, l'image paraît souvent volontairement de mauvaise qualité, surtout dans la première partie, comme si la pellicule était rayée, sautait dans le projecteur,et Tarantino pousse le détail jusqu'à introduire des faux raccords, ou en n'étalonnant pas la photographie de façon régulière (c'est d'ailleurs la première fois qu'il occupe le poste de chef opérateur sur un de ses longs métrages). Il faut mieux être prévenu car l'effet est si saisissant qu'on pourrait croire que la copie est réellement médiocre. 

Le cinéaste s'est aussi autorisé une séquence en noir et blanc au centre du film, quand le second acte débute et que "Stuntman" Mike repère ses nouvelles cibles - l'occasion au passage de filmer les pieds nus de Rosario Dawson (irrésistible en grande gueule moquée par ses copines pour son incapacité à "tenir un mec par les couilles"), la passion fétichiste de Tarantino (même s'il s'en défend toujours...).

La structure du film désarçonne car nous assistons à une variation sur le même thème - la seule différence, uniquement connue du spectateur, est que la bande de filles de la deuxième partie n'est pas formée de donzelles sans défense face à leur ennemi. Il n'en reste pas moins que cet adversaire est coriace et que le suspense reste intact. Mais le dénouement est jubilatoire, avec une séance de baston mémorable (chez Tarantino, comme chez Besson, les filles gagnent toujours à la fin, et sans faire dans la dentelle).

D'abord monté pour durer environ 1 h. 30, le film en compte presque trente minutes supplémentaires, et c'est là que le bât blesse car ce format évidemment plus long contredit l'idée initiale de copier celui des séries Z. Tarantino en a profité pour délayer la sauce avec ses habituels (très) longs dialogues où les filles débattent de leurs passions respectives et/ou communes. De ce point de vue, encore, l'acte II est bien supérieur au premier, non seulement parce que l'argument de ces discussions se concentre sur la domination sexuelle des quatre filles avec leurs partenaires masculins occasionnels (même s'il est suggéré que les personnages de Kim et Zoe sont des lesbiennes ou des bisexuelles) et l'acquisition d'une voiture de collection par Zoe. Précédemment, les échanges entre Sydney Tamiia Poitier, Vanessa Ferlito et Jordan Ladd sont nettement moins toniques, tout comme le rôle de Rose McGowan (à l'époque compagne de Robert Rodriguez qui l'a dirigée dans son Planète Terreur) est juste un prétexte.

La supériorité de la deuxième moitié du film tient aussi à la meilleure qualité de jeu produite par ses interprètes : Tracie Thoms est savoureuse en dure-à-cuire et Mary Elizabeth Winstead divine en cheerleader faussement ingénue. La caméra tourne autour d'elles avec souvent une discrète virtuosité, remarquable de la part d'un metteur en scène démonstratif comme Tarantino (voir la scène du diner, un plan-séquence qui renvoie bien entendu à l'introduction de Reservoir Dogs).

Avec sa métaphore sexuelle soulignée et son radicalisme esthétique, Boulevard de la mort ressemble à la fois à un fantasme assouvi de Tarantino (celui de refaire au plus près le cinéma qu'il a consommé) et à son projet le plus honnête car le moins boursouflé. Le résultat y gagne en limpidité, en franchise, en efficacité. Mais cet effort n'a pas été justement récompensé commercialement, et c'est ainsi que l'auteur est retombé dans ses travers depuis, se rêvant en nouveau Sergio Leone pour des westerns spaghettis indigestes (Django unchained et Les 8 Salopards)...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire