dimanche 13 novembre 2016

SUR LA ROUTE, de Walter Salles (2012)


SUR LA ROUTE (On The Road) est un film réalisé par Walter Salles.
Le scénario est écrit par Jose Rivera, d'après le livre de Jack Kerouac. La photographie est signée Eric Gautier. La musique est composée par Gustavo Santaolalla.

Dans les rôles principaux, on trouve : Sam Riley (Sal Paradise), Garrett Hedlund (Dean Moriarty), Kristen Stewart (Marylou), Kirsten Dunst (Camille Moriarty), Viggo Mortensen (Old Bull Lee - William S. Burroughs), Amy Adams (Jane - Joan Vollmer), Alicia Braga (Terry), Danny Morgan (Ed Dunkel), Elisabeth Moss (Galatea Dunkel), Tom Sturridge (Carlo Marx - Allen Ginsberg).
Sal Paradise et Dean Moriarty
(Sam Riley et Garrett Hedlund)

New York. 1947. Après l'enterrement de son père, le jeune écrivain Sal Paradise sort en compagnie de son ami Carlo Marx, également auteur en herbe. Ils sont invités par une relation commune chez Dean Moriarty, originaire de Denver, qui vit avec Marylou, une très jolie fille plus jeune que lui. Après avoir fumé un joint, ils se rendent ensemble dans un club de jazz pour écouter le saxophoniste Walter à qui ils expriment leur admiration pour son jeu si libre. Avant de repartir pour le Colorado, Dean demande à Sal de lui apprendre à écrire et lui fait promettre de venir le voir.
Sal Paradise, Marylou et Dean Moriarty
(Sam Riley, Kristen Stewart et Garrett Hedlund)

Bien qu'hésitant à laisser sa mère seule, Sal choisit de rejoindre par ses propres moyens Denver. Son voyage se déroule à pied ou en stop, l'occasion de faire de multiples rencontres et de voir du pays, parfois dans des conditions éprouvantes. Mais une fois à Denver, c'est la joie des retrouvailles avec Dean qui lui présente Camille, avec qui il s'est marié - tout en continuant de fréquenter et coucher avec Marylou. Sur place se trouvent déjà Carlo qui avoue à Sal son attirance pour les hommes (et Dean en particulier, même s'il a conscience que ce n'est pas réciproque) et ses mauvaises relations avec Camille. Cette dernière apprécie en revanche Sal à qui elle confie son envie de construire un couple solide avec Dean, espérant qu'il rompe avec son nomadisme.
Camille Moriarty
(Kirsten Dunst)

Sal doit rentrer chez sa mère et reprend la route. En cours de chemin, pour gagner un peu d'argent, il intègre une troupe de travailleurs saisonniers dans une plantation de coton. Il rencontre la belle Terry, mère célibataire, dont il devient l'amant et qu'il invite, sans trop y croire, à le rejoindre à New York quand la saison sera terminée.
Terry
(Alicia Braga)

1948. Dean, Marylou et leur ami Ed Dunkel débarquent à l'improviste en Caroline du Nord, dans la maison de la soeur de Sal où toute sa famille célèbrent Noël. Après avoir reconduit la mère de Sal à New York, Les gars et Marylou célèbrent le Nouvel An chez Carlo. Plus tard, Dean convainc Sal de coucher avec lui et Marylou, mais Sal, d'abord excité, car il est depuis le début attiré par la jeune femme, demande à Dean de se retirer. Lorsque Carlo débarque, il trouve Sal dans la cuisine tandis que Dean et Marylou sont au lit ensemble. 
Carlo Marx et Ed Dunkel
(Tom Sturridge et Danny Morgan)

1949. Sal, Dean, Marylou et Ed partent à Algiers en Louisiane chez Old Bull Lee chez qui est restée la femme de Ed, Galatea. Ils restent quelques jours sur place : Lee met Sal en garde contre Dean, Marylou et Jane (la femme de Lee) enseignent à Galatea comment combler sexuellement son époux pour qu'il ne soit plus tenté de reprendre la route.
Old Bull Lee, Sal Paradise, Jane Lee, Galatea et Ed Dunkel, Dean Moriarty et Marylou
(Viggo Mortensen, Sam Riley, Amy Adams, Elisabeth Moss et Danny Morgan,
Garrett Hedlund et Kristen Stewart) 

Sal, Dean et Marylou repartent, direction : San Francisco. Dean lâche sans scrupules Marylou pour retrouver Camille, qui attend leur deuxième enfant. Cette prochaine maternité avive des tensions dans le couple car la jeune femme exige que son compagnon s'occupe de sa famille. Elle finit par le renvoyer après qu'il ait passé une nuit dehors en compagnie de Sal.
Marylou

Sal raccompagne Dean à Denver où il souhaite enfin retrouver son père. Mais ses recherches sont vaines. Ils décident de regagner New York : un représentant de commerce les y conduit, en échange, à mi-parcours, d'une nuit avec Dean contre rétribution. Sal est mal à l'aise mais tente de le cacher. 
Sal Paradise

1950. Huit mois ont passé. Sal tente, sans succès, de mettre en forme les nombreuses notes qu'il a prises au cours de ses déplacements depuis trois ans. Il persuade Dean de le suivre pour une ultime étape au Mexique. Ils y consomment de la drogue, s'enivrent, couchent avec des prostituées. Sal tombe malade et Dean lui vole le peu d'argent qu'il a pour rentrer à San Francisco où il doit conclure son divorce avec Camille. 
1951. Sal dactylographie sur un rouleau de papier ce qui devient le manuscrit original de son livre, "Sur la route". Sa publication est un succès. Quelques mois plus tard, alors qu'il part assister à un concert de Duke Ellington avec des amis, Sal est abordé dans la rue par Dean, visiblement diminué moralement et physiquement. Mais, malgré ses excuses à propos des événements au Mexique, Moriarty a perdu l'amitié de Paradise qui le laisse à la nuit et s'éloigne de son côté.

Tout d'abord, je dois dire que je n'ai jamais lu (complètement) Sur la route, ce texte mythique et emblématique de la Beat Generation, écrit par Jack Kerouac : le livre m'est toujours des mains, comme tous les écrits produits par cette bande d'auteurs. J'ai donc découvert cette adaptation sans avoir à me demander si elle serait à la hauteur de l'oeuvre originale ou réussirait à la transcender. Par contre, j'étais curieux de la qualité cinématographique du résultat puisque le long métrage Walter Salles, présenté au Festival de Cannes 2012 sans enthousiasme, a affronté une critique majoritairement hostile et un échec commercial.

Porter On the road à l'écran ne date pas d'hier : dès 1957, Kerouac lui-même écrivit à Marlon Brando pour lui proposer le rôle de Dean Moriarty tandis que l'auteur incarnerait (logiquement) son double de papier, Sal Paradise - l'acteur ne donna pas suite. Jean-Luc Godard s'y intéressa plus tard, avant que Francis Ford Coppola et son fils Roman en acquirent les droits - initialement, c'est le réalisateur d'Apocalypse Now qui voulait le filmer avec Billy Crudup et Colin Farrell dans les rôles de Paradise et Moriarty. 

Finalement, les Coppola produiront le long métrage confié à Walter Salles dont la filmographie témoigne de son goût des voyages (voir Carnets de voyage, Terre lointaine) et des défis (même si, à nouveau, je reconnais n'avoir jamais goûté son cinéma). On peut penser aussi qu'il a été attiré par le challenge consistant à porter un regard d'exilé comme le sien sur un récit exaltant l'errance dans les Etats-Unis de la fin des années 1940. Ce regard détaché devait lui permettre d'apprécier, sans être trop impressionné, le mouvement beatnik.

Le résultat a sans doute déçu ceux qui attendaient une transposition fiévreuse, aussi expérimentale que ce que Kerouac tenta à l'écrit. Narrativement, le scénario de Jose Rivera est effectivement sage, procédant par étapes, aussi bien temporelles (l'histoire s'écoule de 1947 à 1951) que géographiques (les héros, entre plusieurs retours à New York et Denver, Colorado, visitent Selma, San Francisco et Campbell en Californie ; South Hill en Virginie ; Trenton dans le New Jersey ; Plomaton en Alabama ; Algiers en Louisiane ; Wilcox en Arizona ; La Estrella au Mexique). Cette impression est renforcée par le caractère passif de Sal Paradise, davantage témoin qu'acteur : le véritable moteur de l'action est Dean Moriarty, qui ne tient pas en place, de plus en plus hanté par la figure de son père dont il est sans nouvelles depuis des années, et qui accumule les expériences limites autant par goût du danger que pour fuir ses responsabilités, entraînant tous ceux qui le suivent dans ses excès mais aussi dans ses gouffres.

Pour incarner ces protagonistes mythiques, Salles a fait appel majoritairement à de jeunes comédiens plutôt qu'à des stars, et ce choix est payant car on n'a pas le sentiment que le casting prévaut sur l'histoire. Sam Riley, révélé dans Control (le biopic d'Anton Corbijn sur Ian Curtis, le leader de Joy Division), est épatant dans la peau de Paradise, cet observateur à la fois perplexe et admiratif, enregistrant les faits pour mieux préparer son oeuvre. Face à lui, dans un registre moins ingrat mais pas moins périlleux, Garrett Hedlund est excellent en Moriarty dont il parvient à exprimer la puissance libertaire mais aussi les lâchetés et la détresse de fils sans père.

Pourtant, la grande surprise provient de Kristen Stewart qui est ici magnifique : elle irradie le film dans le rôle de l'ensorcelante Marylou. Les femmes traversent d'ailleurs cette aventure comme des figures mémorables : Amy Adams incroyable en sudiste déglinguée (aux côtés du toujours impressionnant Viggo Mortensen - leurs personnages sont inspirés de Joan Vollmer et William S. Burroughs), Elisabeth Moss parfaite en candide énervée par son suiveur de mari (Danny Morgan), ou Alicia Braga sublime et touchante Terry, sans oublier Kirsten Dunst lumineuse et déchirée (une composition troublante puisque, à l'époque, elle vivait en couple avec Hedlund).

A moins d'adresser à Salles et son scénariste le curieux reproche d'être plus fidèles aux personnages qu'au style débridée de Kerouac, le film séduit aussi par sa cohérence et son rythme : on ne s'ennuie jamais malgré une durée conséquente (135 minutes), la photo est somptueuse (Eric Gautier a filmé avec une petite équipe, dans des conditions souvent sauvages - sans autorisation de tournage, avec une météo hostile, peu de temps faute d'un gros budget). Enfin, le cinéaste évite l'écueil de représenter l'écrivain au travail, suant sur sa machine à écrire (une seule scène, à la fin, montre Paradise dactylographier et mettre en forme ses notes).

La singularité de sa démarche (et l'explication du rejet dont a souffert le film) tient peut-être au fait que cette adaptation, plus contemplative qu'ardente, cite plus directement A la recherche du temps perdu de Marcel Proust (dont un exemplaire passe de main en main durant une bonne partie du voyage de Sal Paradise), mais dont la morale offre une belle synthèse de la flamboyance désespérée de Dean Moriarty : "Qu'est-ce que la vie ? Le seul cadeau que Dieu ne fait pas deux fois."

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