mercredi 16 novembre 2016

MARIA'S LOVERS, d'Andreï Konchalovsky (1984)


MARIA'S LOVERS est un film réalisé par Andreï Konchalovsky.
Le scénario est écrit par Gérard Brach, Paul Zindel, Marjorie David et Andreï Konchalovsky. La photographie est signée Juan Ruiz-Anchia. La musique est composée par Gary S. Rema.

Dans les rôles principaux, on trouve : Nastassja Kinski (Maria Bobic), John Savage (Ivan Bibic), Robert Mitchum (le père d'Ivan), Keith Carradine (Clarence Butts), Vincent Spano (Al Griselli), Anita Morris (Mrs. Wynic).
 Ivan Bibic, Maria Bobic et Al Griselli
(John Savage, Nastassja Kinski et Vincent Spano)

1946. Après avoir prisonnier des japonais, Ivan Bibic est démobilisé et rentre chez lui en Pennsylvanie où il est accueilli en en héros. Il y retrouve son père mais aussi Maria Bobic, son amour de jeunesse, qui fréquente désormais un beau capitaine, Al Griselli. Convaincu, contrairement à son père, qu'il ne pourra reconquérir la jeune femme, Ivan trouve du réconfort dans les bras de Mrs. Wynic à qui il confie que c'est le souvenir de Maria qui lui a permis de tenir le coup durant sa détention.
Maria
(Nastassja Kinski)

Lors d'une fête donnée en son honneur, Ivan danse avec Maria et ils s'éloignent ensemble pour se retirer dans un champ où ils s'amusaient quand ils étaient enfants. Il lu offre une paire de boucles d'oreilles qu'il avait achetée avant la guerre et lui avoue son amour. Le lendemain matin, il la reconduit chez elle où l'attend Griselli, jaloux. Le capitaine annonce qu'il va épouser Maria mais elle refuse de s'engager aussi précipitamment. Furieux, Griselli la quitte sur-le-champ.
 Le père d'Ivan, Maria et Ivan
(Robert Mitchum, Nastassja Kinski et John Savage)

Ivan et Maria se marient, mais lors de leur nuit de noces il est incapable de consommer de leur union. Néanmoins, elle le cache à son entourage et et se réfugie dans son travail d'infirmière.
 Maria et Ivan

Alors qu'elle prend un café dans un bar avec ses collègues, Maria est abordée par un musicien itinérant, Clarence Butts, qui tente de la séduire en lui fredonnant une chanson. Bien que frustrée sexuellement et sensible au charme canaille du troubadour, elle le repousse.
 Maria

Ivan, lui, recouche avec Mrs. Wynic qui le rassure sur sa virilité sans chercher à le séparer de Maria. Sur le ferry qui la reconduit en ville, Maria est à nouveau approchée par Clarence, qui se montre de plus en plus entreprenant, devinant son trouble. Peu après, Griselli annonce son prochain mariage avec une collègue de Maria, mais lors de la réception donnée par la famille de la jeune femme pour officialiser la nouvelle, le capitaine préfère y renoncer en avouant qu'il aime toujours Maria. Ivan est prêt à la lui donner par amour et révèle ainsi aux invités, dont son père, la faillite de son couple.
 Maria et Clarence Butts
(Nastassja Kinski et Keith Carradine)

Ivan quitte la ville en montant impulsivement dans un train de marchandise. Seule et désemparée, Maria cède aux nouvelles avances de Clarence, qui a composé une chanson pour elle, mais le renvoie aussitôt après avoir couché avec lui. Ivan trouve un emploi dans un abattoir et entame une liaison avec une amie de la fiancée d'un collègue. Maria le retrouve, elle est enceinte et lui demande de revenir à ses côtés pour élever l'enfant qu'elle porte, mais il refuse.
 
Maria et Ivan

Un soir qu'il boit avec ses collègues, Ivan retrouve Clarence et l'invite à leur table. Le musicien raconte alors comment il a défloré une femme abandonnée par son mari qui l'a ensuite chassé. Comprenant qu'il parle de Maria, Ivan lui casse la figure et rentre à sa chambre. Son père l'y attend et exige qu'il revienne s'occuper de Maria.
Il s'y résout et peut enfin l'aimer comme elle le mérite et comme il l'a toujours souhaité car il ne l'idéalise plus.

Ah, que de souvenirs émus me reviennent en mémoire en revoyant ce film, découvert, à l'adolescence, dans le ciné-club de mon collège ! A cette époque, comme beaucoup d'autres jeunes garçons, je venais d'assister à une projection de Paris, Texas de Wim Wenders, au terme duquel, comme le héros joué par Harry Dean Stanton, je trouvais, dans son pull-over rouge, Nastassja Kinski pour une scène mémorable. Coup de foudre !

Quelque temps après, je retrouvais cette magnifique actrice dans un rôle encore plus conséquent et un film encore plus beau : Maria's Lovers. Le titre résumait l'assemblée masculine de la salle de projection : nous avions tous pour la fille du dément Klaus Kinski un béguin absolu. Et même si, par la suite, sa carrière ne tint pas les promesse de ses fulgurants débuts, depuis sa révélation dans Tess de Roman Polanski (1979), ces commencements continuèrent d'avoir des charmes inoubliables...

Avec le recul, Maria's Lovers tient du miracle : premier film américain du réalisateur russe Andreï Konchalovsky, ce coup de maître était produit par le duo Menahem Golan-Yoram Globus, dont la spécialité était les films d'action avec les gros bras de l'époque (Stallone, Schwarzenegger, Chuck Norris...) ! Soucieux sans doute de s'acheter une respectabilité en plus de leur succès au box-office, ils financèrent donc ce flamboyant mélodrame, dont l'écriture fut dirigée par Gérard Brach, complice habituel de Polanski. 

Aussi improbable soit cet attelage, il aboutit à cette merveille où une jeune femme à la beauté ensorcelante lui vaut d'être convoitée par plusieurs hommes : elle se mariera avec son ami d'enfance qui, plus paralysé par le fait qu'il l'a toujours idéalisée que par le stress post-traumatique de la guerre, ne peut lui faire l'amour. Pour lui, elle a quitté un séduisant capitaine italien. Elle a aussi envoûté son beau-père. Et ne se laissera posséder que par un musicien de passage, qui la désire sans l'aimer.

Le film dans un premier temps se déroule comme un rêve éveillé dans la province de Pennsylvanie au printemps, somptueusement photographiée par Juan Ruiz-Anchia : Ivan (joué avec sensibilité par John Savage), jeune homme timide, plus embarrassé que flatté par l'accueil héroïque de sa communauté (des immigrants yougoslaves), retrouve et ravit Maria à Griselli (campé par Vincent Spano) sous les yeux du patriarche (auquel Robert Mitchum donne une stature naturellement impressionnante sans forcer le trait). Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes et préfigurer une romance parfaite.

Mais, après avoir été un nouvel Ulysse revenant à Ithaque et évinçant les prétendants de Pénélope, Ivan est au bord du gouffre : pétrifié par la créature plus sensuelle et désirable que jamais qu'il a aimée jadis, il est incapable de la satisfaire sexuellement. Maria le lui pardonne mais la frustration la ronge tandis que lui se perd dans les bras d'une autre pour se rassurer sur sa virilité. Tel le démon qui le tourmente, Ivan revoit un rat semblable à celui qui le visitait dans sa geôle japonaise : le rongeur semble le poursuivre sans que le spectateur sache s'il s'agit d'un mirage.

Konchalovsky traite en vérité plus de la honte d'un homme impuissant que de la culpabilité : tous ceux qui entourent le couple sont des mâles affirmés, ne cachant pas leur attirance pour Maria - même son beau-père le lui avouera (superbe scène où Mitchum se justifie en disant qu'il est comme son père désormais et qu'un père a bien le droit d'embrasser sa fille : elle le laisse alors déposer un tendre baiser sur ses lèvres mais dont la nature ne laisse aucun doute quant aux sentiments du vieil homme - la sobriété avec laquelle les deux comédiens jouent ce moment l'empêche d'être graveleuse). Griselli est l'amoureux séduisant mais écarté. Clarence est un séducteur jouisseur et cynique, qu se satisfait d'avoir pu posséder la jeune femme tout en ricanant sur son état mental. Ivan préférera fuir sa bien-aimée plutôt que de lui imposer un époux inapte à la combler charnellement -jusqu'à ce qu'elle lui demande de revenir et que son père le convainque. 

Pour exprimer ce tourbillon de désirs inassouvis mais qui les assaillent sans répit, le cinéaste tire de ses acteurs des compositions très subtiles, tout en retenue, mais frémissantes, et Nastassja Kinski représente absolument cette femme fatale malgré elle, d'une beauté ravageuse mais jamais provocante. Elle s'abandonne de manière bouleversante, comme lorsqu'elle se caresse ou se donne à Keith Carradine (excellent en fripouille tentatrice), sans que le film ne sombre dans la vulgarité.

C'est ce mélange de souffle romanesque et de pudeur, d'incandescence et de délicatesse, porté par une comédienne au sommet de sa beauté et à l'interprétation bouleversante, qui fait de Maria's Lovers un pur joyau. Un grand film aux émotions renversantes.

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