vendredi 25 novembre 2016

TUEZ CHARLEY VARRICK, de Don Siegel (1973)


TUEZ CHARLEY VARRICK (Charley Varrick ou The Last of the Independents) est un film réalisé par Don Siegel.
Le scénario est écrit par Howard Rodman et Dean Riesner, d'après The Looters de John Reese. La photographie est signée Michael Butler. La musique est composée par Lalo Schifrin.

Dans les rôles principaux, on trouve : Walter Matthau (Charley Varrick), Andy Robinson (Harman Sullivan), Joe Don Baker (Molly), John Vernon (Maynard Boyle), Sheere Nord (Jewell Everett), Felicia Farr (Sybil Fort).
Charley Varrick
(Walter Matthau)

Ancien pilote acrobate d'avion, Charley Varrick attaque la banque d'un patelin du Nouveau-Mexique, Tres Cruces, avec ses complices, Harman Sullivan et Al Dutcher, et sa compagne, Nadine, qui sert de chauffeur au gang. Le braquage dégénère et la police intervient tandis que Dutcher est tué par le gardien à l'intérieur de la banque. 
Pendant qu'ils s'échappent, Nadine au volant est prise d'un malaise : elle a été blessée par une balle perdue et succombe peu après. Harman transporte le butin dans une camionnette préalablement garée hors de la ville tandis que Charley dispose un engin explosif destiné à faire brûler leur voiture avec le cadavre de Nadine.
Harman Sullivan
(Andy Robinson)

De retour au mobil home  dans lequel ils sont installés, Charley et Harman découvrent, sidérés, qu'ils sont en possession d'un véritable magot - plus de 750 000 $ ! Cette somme rend Varrick d'autant plus méfiant qu'à la radio puis à la télé, les autorités affirment via le directeur de la banque que seuls 2 000 $ ont été dérobés. Pour Charley, une seule explication s'impose : l'établissement qu'ils ont attaqués servait à blanchir de l'argent pour la mafia, qui va désormais les poursuivre sans relâche, lui et Harman. Ce dernier s'en fiche tant qu'il peut profiter de sa part mais Varrick lui explique qu'il serait plus prudent de ne rien dépenser avant trois ou quatre ans, le temps que l'affaire se tasse.
Maynard Boyle
(John Vernon)

Averti entretremps de la situation, Le président de la compagnie bancaire à laquelle appartient la succursale de Tres Cruces, Maynard Boyle, appelle Molly, un tueur à gages, pour le charger de récupérer l'argent et tuer les voleurs. Craignant que l'impatience et l'imprudence de Harman ne le grille, Charley profite qu'il dort pour aller planquer le butin en lieu sûr et se procurer de faux papiers. Ils couvrent les traces qui pourraient conduire la mafia jusqu'à lui en récupérant ses radios dentaires et celles de Harman et Sybil. Puis il prend contact avec une faussaire, Jewell Everett, afin qu'elle lui confectionne rapidement des passeports. Mais la jeune femme le trahit aussitôt après sa visite en signalant sa visite à Boyle qui avertit Molly. Grâce au permis de conduire de Harman qu'a laissé Charley à la photographe, le tueur retrouve facilement l'adresse du mobil home où il se trouve et le brutalise afin qu'il lui dise où se cache son complice.
Molly
(Joe Don Baker)

Pendant ce temps, Boyle rencontre secrètement le directeur de la banque de Tres Cruces, Harold Young, qu'il soupçonne d'être en relation avec les voleurs. Paniqué, Young se donne la mort peu après dans son bureau. Charley achète de la dynamite à Albuquerque puis se rend à Reno avec son avion. Là-bas, il piège Sybil Fort, la secrétaire de Boyle, afin qu'elle le mette en contact avec lui. Le voleur conclut un marché avec le mafieux : il lui rend l'argent s'il renonce à le traquer.
Jewell Everett
(Sheere Nord)

Les deux hommes se retrouvent dans une casse automobile au milieu de laquelle Charley atterrit. Il piège Boyle en l'étreignant, ce qui fait croire à Molly, caché tout près, qu'ils sont complices depuis le début. Le tueur supprime son employeur avant de poursuivre Varrick qui finit par se rendre et lui indiquer que le  fric est dans le coffre d'une voiture. Mais le véhicule est chargé de dynamite et explose quand Molly y découvre le cadavre de Harman. Charley Varrick peut fuir tranquillement à bord d'une autre voiture avec le magot.

Charley Varrick

Le réalisateur français Alain Corneau, grand fan de ce film, présentait Don Siegel comme un "artisan d'art", un cinéaste modeste mais solide et consciencieux, ce qui lui permettait de tourner vite mais bien. Pourtant, cette attitude dissimulait un véritable auteur, inspiré par ses confrères européens (aussi bien Ingmar Bergman que les "jeunes turcs" de "la Nouvelle Vague").

Plus connu pour ses collaborations avec Clint Eastwood, qu'il dirigea dans L'Inspecteur Harry mais aussi Les Proies, Charley Varrick est un de ces longs métrages à (re)découvrir d'urgence pour mesurer le talent de Siegel. Accompagnée par une superbe partition écrit par Lalo Schifrin, le film en conserve le rythme soutenu, entraînant, et la malice. Dégraissée, la réalisation ne comporte aucun plan inutile et est tout entière au service de l'intrigue et des personnages : les images sont parfaitement composées et tirent le meilleur parti des décors naturels, notamment en extérieur. De la même manière, les scènes dialoguées sont traitées sans manière, visant avant tout l'efficacité, soulignant le naturel des échanges, valorisant chaque comédien.  

La qualité de la caractérisation rend chaque protagoniste mémorable immédiatement, chacun a droit à son moment, qu'il s'agisse d'une mémé curieuse et un brin libidineuse, d'un armurier paralytique mais âpre au gain, de la faussaire sexy et traîtresse, de la secrétaire infidèle (jouée par Felicia Farr, Mme Jack Lemmon, le grand ami de Walter Matthau). Au premier plan, Joe Don Baker compose un tueur à gages aussi suave que redoutable, fumant la pipe comme un gentleman alors qu'il se comporte en vérité comme un macho sadique. Et John Vernon est formidable également en banquier véreux mais qui péchera par excès de confiance.

Et puis bien sûr, il y a Walter Matthau dans le rôle principal : l'acteur n'apprécia guère le résultat (avouant même n'avoir pas tout compris à l'intrigue) mais l'avoir recruté est une riche idée car on doute jusqu'au bout qu'il puisse se sortir de ce guêpier. Avec son air roublard mais aussi perplexe et méfiant, Charley Varrick n'a rien d'un terrible gangster capable de doubler la mafia, et son interprète, surtout connu pour ses rôles dans des comédies, participe à l'incertitude éprouvée par le spectateur à son égard. Plus atypique encore : ce voleur souhaite rapidement se débarrasser de l'argent qu'il dérobé quand il devine qui en disposait. Il réagit prudemment, patiemment, intelligemment, et c'est ce qui lui permettra de s'en tirer. Savoureux.

Au-delà, on peut considérer Varrick comme cet archétype de l'individualiste avant tout attaché à sa tranquillité et à sa liberté (ce qui renvoie au titre alternatif que Siegel voulait donner au film : The Last of the independents - "le dernier des indépendants"). Plus que la fortune, il tient à sa peau. Mais au lieu de le jouer comme un malfrat affolé, Matthau le campe avec décontraction, bonhomie, ce qui introduit un second degré irrésistible et compense la noirceur du récit.

Avec Tuez Charley Varrick, Siegel illustre sobrement mais de façon accrocheuse la lutte d'un homme seul contre la société, ici symbolisé par la mafia : c'est un sorte de double du cinéaste qui, bien qu'ayant toujours collaboré paisiblement avec les grands studios, a dû constamment négocier pour s'y exprimer sans être empêché - comme l'artisan humble que décrivait Corneau. 

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